Le mûrier blanc réussit très-bien dans toute l’île : il faudrait en
recommander la culture si l ’olivier n’en occupait déjà la place ; car
il est tres-important de varier les cultures dans un p a y s , afin de
pouvoir s occuper toute l’année ,■ sans interruption, des travaux de
la campagne. D ’ailleurs, l’éducation des vers à soie peut être abandonnée
aux femmes ; elles sont plus soigneuses et plus propres que
l ’homme aux petits détails que cet insecte exige.
Cette course au nord de Corfou fut bientôt suivie d’une seconde
au sud. Nous partîmes de la ville le 29 août à cinq heures du soir,
sur line demi-gaiere qui avait appartenu à Venise. Nous avions eu
depuis quelques jours plusieurs orages : il avait plu abondamment
la nuit précédente et dans la matinée. A midi, le tems était encore;
variable et incertain; mais à deux heures, le vent s’étant fixé au
nord-ouest, n.ons nous embarquâmes, et vînmes dans deux heures
mouiller à Benissa, petit village situé au bord de. la mer , à deux
lieues sud de Corfou.
Il est au bas d’une montagne de moyenne hauteur, presque tonte
couverte d’oliviers. On remarque vers le sommet quelques vignes
assez bien cultivées : le terrain, extrêmement en pente, y est soutenu
par des murailles en pierres sèches. L a roche est dure, calc
a ir e , formée d’un assemblage de cailloutages : on y exploite des
pierres meulières pour les moulins à huile, qui sont d’une excellente
qualité. An quart de la hauteur on trouve une couche de grès
fort tendre, d’où l’on voit sortir plusieurs sources dont la réunion
forme un ruisseau assez considérable, et fournit de l ’éau à vingt-
un moulins construits les uns à la suite des autres, mi
- L e 3o , nous vînmes débarquer aux salines de Lefkimo. Nous
jetâmes, un coup-d’oeil, en passant, sur le sel amoncelé, dont on
avait déjà enlevé une partie, et sur les comparfimens où s’effectue
sa cristallisation : il a le défaut d’avoir le grain trop petit, ou de
n’être pas en cristaux assez grands et assez beaux ; ce qui lui fait
préférer, en Italie, celui de Sainte-Maure.:Le sel de Corfou ne
trouve guère de débit que sur la côte de l’A lbanie, où il est payé à
an prix bien inférieur à l’autre.
Nous laissâmes les salines à gauche, et nous traversâmes une
plaine
plaine de la plus grande fertilité, plantée en oliviers, et cultivée en
quelques endroits en maïs, doura, pastèques', melons , etc. : on y
voit peu de vignes, et on y sème fort peu de blé. Les environs des>
villages offrent quelques champs plantés de coton. La plaine est
terminée au sud-ouest par des coteaux et des collines, la plupart
couvertes de cyprès et d’oliviers. Elle a peu de profondeur; mais
elle s étend le long de la iner, et forme aux salines un avancement
considérable ou un cap qui paraît avoir été produit par des allu-
vions ou des atterrissemens occasionnés par des courans. La petite
rivière de Lefkimo, qui a son embouchure au sud de ce cap, n’étant
entretenue durant l’été que par les eaux de la mer, qui y entrent
et y séjournent, et ne recevant l’hiver que les eaux de pluie qui y
viennent en petite quantité des coteaux voisins, on ne peut guère
supposer que la côte se soit beaucoup accrue par une cause si
petite.
Nous parcourûmes les cinq villages qui forment le quartier de
Lefkimo : Ringladès , de quatre-vingt-dix maisons ; Anapladès, dé
Cent quatre-vingts; Saint-Théodoro, de deux cents; Potami, dé
quatre-vingts, et Melichia, de deux cents. Ils sont très-isapprochés
les uns des autres, et forment une population de quatre mille
habitans. Le dernier est situé sur la rive droite de la rivière, et le
pénultième est sur la gauche ; les autres en sont à peu de distance.
Les bateaux remontent dans toutés les saisons la rivière, qu’on
prendrait pour un canal creusé de main M’homme, et viennent
charger l ’huile que font les habitans de ces villages.
Le 3i , nous traversâmes une seconde ibis la plaine dans la direo-'
tion du nord-ouest, et nous vînmes au fond du golfe d’Égripo,
toujours à l’ombre' des oliviers. Parvenus à cet endroit , nous nous
éloignâmes de la mer en nous dirigeant au sud-sud-ouest, et nous
arrivâmes à Périvoli, village de plus de cent fa iso n s , après avoir
traversé des coteaux incultes, couverts de myrtes, de lentisques
de1 bruyères et dé ¡cistes.
Toutes! les terres- qui s’étèndent à l ’ouest de Lefkimo jusqu’à la
mer, dans un trajet d’une lieue et demie, et qui forment une crête
qui aboutit au siid'jusqu’au cap Blanc, seraient toutes susceptibles
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