de leurs champs, de leurs foyers, les Derguisins, tribu laborieuse
et sobre, répandue entre Casbin et Amadan ; il la força à venir
repeupler la capitale ; il en incorpora même une partie dans son
armée. Comme ils étaient Sunnis, et conséquemment de la même
religion que lu i , il ne douta pas qu’ils ne lui fussent plus fidèles
que les Persans.
Maître, après bien des efforts, de Chiras, de Kerman, de Caclian,
de Kom et de Téhéran, Mahmoud ne put jamais réduire les autres
parties de la P erse, encore moins s’opposer aux progrès que les
Russes et les Turcs faisaient sur les rives de la Caspienne, dans le
Curdistan et dans l ’Aberbidjan. Les Curdes, les Lors , les Bakhtiaris
, à l ’occident de la capitale, menaçaient sans cesse de fondre
sur lui : il envoya contre eux une armée qui fut taillée en pièces;
lui-mêine, peu de tems après, ayant tenté d’y pénétrer à la tête de
presque toutes ses troupes, se vit contraint d’évacuer bien vîte le
pays. Il voulut se venger sur Y e sd , ville dans laquelle il s’était
ménagé des intelligences auprès des malheureux Guèbres, sur qui
pesait la tyrannie des Persans : Mahmoud échoua encore dans cette
entreprise. Ce fut alors que, dans un accès de rage qui le conduisit
bientôt dans un délire frénétique et dans une des plus cruelles et des
plus terribles maladies, il égorgea de sa propre main les fils et les
parens de Chah-Hussein, au nombre de trente-un. Ce prince fut
lui-même bleSsé en voulant soustraire au glaive un de ses fils, âgé
de cinq ans.
Mahmoud étant dangereusement malade et hors d’état de gouverner,
Écheref son parent fut tiré de la prison où la jalousie de
l ’usurpateur l’avait fait enfermer, et placé sur le trône par tous les
chefs de l ’armée, le 22 avril 1725. Mahmoud fut mis à mort, et
sa tête apportée aux pieds d’Echeref, qui n’avait accepté la couronne
qu’à cette condition. t
Mahmoud avait toutes les qualités d’un soldat, et pas une de
celles que doit montrer le chef d’une grande nation. Brave, audacieux
et même téméraire, il était sans doute très-propre à corn-,
mander une division sous les ordres d’un chef habile, à conduire un
corps d’armée pour «ne opération qui n ’exige que du courage et de
la célérité. Son bras , aussi prompt à frapper, que son imagination
était v iv e , lui valut plusieurs fois des succès. Dans sa taille large
et ramassée, il joignait à une très-grande force musculaire, toute
1 adresse , toute 1 agilité d un corps syelte. Simple dans ses manières
, sobre dans ses besoins, austère dans ses moeurs, mais absolu
dans ses désirs ; persévérant par orgueil dans ses desseins, emporté,
irascible par caractère, cruel par intérêt autant que par habitude,
ignorant et superstitieux, liv ré , comme le dernier de sa nation, à
tous les préjugés populaires, ne connaissant d’autre droit que la
force , d’autre justice que sa volonté, il traita la Perse, non pas
comme un Etat que l ’on doit gouverner, non pas comme une-propriété,
que l’on veut conserver, mais comme un pays que l’on a
l’intention de quitter après l’avoir ruiné.
Elevé jusqu au trône par un concours heureux de circonstances ,
il étonne un moment ses ennemis ; il les met à ses pieds. Mais bientôt
lé prestige est détruit ; son ame, trop faiblement trempée, fléchit
sous le poids qui 1 accable : la conduite des siens et sa propre
conduite ne présentent bientôt que des maîtres arrogans, des pillards
effrontés, des assassins féroces. La résistance se manifeste
partout : quelques revers inspirent des craintes à cet usurpateur;
il est repousse par les habitans d’une ville qu’il veut prendre : son
courage l ’abandonne; il croit le ciel irrité contre lu i; il veut l’ap-
paiser par une retraite absolue, par un jeûne rigoureux, par une
privation totale du sommeil; il se livre pendant quarante jours à
toutes les extravagances que la peur et l ’ignorance ont inventées, et
il perd le peu de raison qui restait dans sa tête. Le conquérant de
la Perse.n’est plus , au sortir, de sa retraite , qu’un insensé , un
furieux maniaque que l ’on est obligé d’enfermer.
i Écheref ne montra , durant son règne, ni la politique adroite
d Un usurpateur, ni la grandeur d’ame d’un conquérant, ni les
talens d’un général. Cruel et féroce par caractère, à peine tiré de
sa prison pour être placé sur le trône, il fit périr Mahmoud, que
les chefs de l ’armée Venaient de déposer ; il égorgea le fils de Mahmoud
parce qu’il avait des droits au trône; il fit crever les yeux
à son propre frère, dont il redoutait'l’activité et les talens ; il fit