Nous fîmes arrêter nos conducteurs pour jeter un coupj-d’oeil
sur cette ville, la première de la Bithynie,'suivant Stràbon, l’une
des plus belles , des plus populeuses, des plus commerçantes de
l ’Asie mineure sous les empereurs d’Orient, célèbre parmi les Chrétiens
par les deux conciles qui s’y tinrent, le premier en 3a5 contre
les Arriens, le second en 787 contre les Iconoclastes ou briseurs
d’images. Nousfûmes bien surpris, en y entrant, de ne plus trouver
qu’une misérable bourgade, dont la population ne peut pas être
evaluee à plus de trois mille ames. Le palais des Lascaris, les temples
¡des Grecs et des Romains, les églises des Chrétiens, les mosquées
des Turcs, tout a disparu. On ne voit aujourd’hui que quelques
rues sales et étroites, et sept ou huit cents maisons de terre
parmi des ruines informes et des décombres souvent remués.
Les remparts, en partie écroulés, paraissent avoir été reconstruits
ou répares plusieurs fois avec des matériaux plus anciens ;
on y a fait servir des marbres sculptés, des restes de corniches; des
pièces d entablement. Les tours y sont de forme carrée, et aussi
rapprochées que dans les villes arabes. Nous en vîmes quelques-unes
en pierres, plusieurs en briques séparées les unes des antres par un
large mortier; d autres avaient des rangées alternes de briques et de
pierres. Nous observâmes dans quelques-unes, qu’on avait réparé
les brèches avec du moëlon.
Il nous a paru qne ces remparts se prolongeaient dans le lao
Ascanius, car nous avons vu aux deux extrémités les restes d’un
mur tres-epais , qui partait du rempart et allait se perdre dans
l ’eau. »
Nicée passa en i 33o an pouvoir des Othomans. Orchan, deuxième
empereur des Turcs, déjà maître de P ruse, de Nicomédie, de presque
toute la Bithynie, vint mettre, en i 33o , le siège devant Nicée.
Leshabitans se défendirent avec courage; ils éprouvèrent, pendant
un siège de vingt mois, tous les maux de la guerre, de la peste et
de la famine, et ne se rendirent qu’après avoir épuisé tout moyen
de défense, Andronic Paléologue, qui régnait à; Constantinople,
avait fait quelques efforts pour les secourir ; i] avait rassemblé ses
troupes et avait marché contre Orchan; mais il avait été battu ; et
obligé
obligé de s’enfermer avec les débris de son armée dans Philo-
crine (1 ), place forte sur les bords de la Propohtide, à l ’entrée du
golfe de Nicomédie.
Cette ville porte aujourd’hui le nom de Isnik (¡bN,'«i); elle est
située en plaine sur le bord orientai du lac Ascanius, au 40e. degré
3.6 min. de latitude, et au 27e. degré 3o. min. de longitude.
Le lac , dont l ’étendue d’orient en occident est d’environ neuf
milles, et dont la plus grande largeur: du nord au. midi est à peu
près de quatre , reçoit toutes les eaux qui ¡descéndent des montagnes
voisines dans la plaine. Après en avoir perdu une partie par
l ’évaporation , il se décharge du surplus dans le golfe de Mundania
par là petite rivière nommée H y la s, dont nous avons parlé tome I ,
page 222 ; elles sont douces, et le lac est séparé du golfê par une
bande de terre peu élevée , de trois ou quatre lieues d’épaisseur.
La plaine de Nicée n’a pas deux lieues de largeur; elle est bornée
au ïiord et au midi par des collines fort hautes et bien boisées ;
mais elle s’étend à l’orient au-delà du Sangaris ; elle est bien arrosée
et de la plus grande fertilité : on y cultive le coton, le tabac, .le
sésâme ; on y sème de l ’orge et du froment ; on y voit beaucoup de
fruits, qui passent presque tous à Constantinople: L ’olivier y est
beau et très-abondant ; il est placé vers le bas- des collines.
Nous ne fîmes pas attendre long-tems nos conducteurs ; nous
remontâmes à cheval à neuf heures du matin; nous passâmes entre
le lac et les murs de la ville; nous traversâmes des collines d’abord
calcaires, ensuite quartzeuses et schisteuses, puis redevenues calcaires
et encore une fois schisteuses , et nous arrivâmes, à quàtre
heures du soir à un village grec n oinmé Keusclevrouandi, situé dans
un vallon fort agréable.
Les habitans étaient tous occupés à faire leurs vendanges. Le
raisin était mûr depuis long-tems; mais on le cueille tard, parce
qu’on en fait du raisiné. Le suc exprimé est mis sur-le-champ à
bouillir avec des melons, des courges, des pastèques, des coings et
autres fruits, jusqu’à consistance de miel , et versé-dans des pots de
(1) Histairç des Turcs . ¡¡¿U' Chatcondi 1 e , tome I 1, pag. la .
Tome II I, S s s