belle saison lorsqu'elles reçurent, en décembre 1796, la nouvelle
de la mort de Catherine et l’ordre de se retirer ; ce qu’elles exécrn
terent en bon ordre et sans être inquiétées!
Pendant cette campagne des Russes; Méhémet était dans le Khorassan,
occupé à détrôner Charokh-Chah ; nous étions, Bruguière
et moi, à Téhéran.
Nous avons dit plus h a u t , qu’en 1762 le Khorassan fut érigé
en souveraineté indépendante en faveur de Charokh. Méhémet.,
aussi empressé de faire rentrer cette province sous la domination
de la Perse, que d’en expulser les descendans de Nadir, dont il
connaissait tous les droits au trône qu’il occupait, se disposa, après
avoir ravagé la Géorgie, à s’emparer du Khorassan. Il ne pouvait
cependant ignorer que les Russes bloquaient Derbent, et il devait
bien s’attendre qu’ils y seraient en plus grand nombre au printems
suivant. Il est donc bien surprenant qu’il ait songé à porter toutes
ses forces à l’est de ja Caspienne, pour occuper une province qui
ne pouvait en aucun tems lui résister, plutôt que d’aller au secours
de celles que les Russes menaçaient à l ’occident. A -t-il cru que
•Catherine n’enverrait pas d’autres troupes que celles du général
Savelief, e t , dans cette supposition, a-t-il jugé que les khans
étaient bien en état de se défendre ?
Quoi qu’il en soit des motifs de cette conduite, la partié de l’armée,
qui avait été congédiée avec ordre de se trouver de nouveau
sous les armes vers la fin de mars, ayant rejoint ses drapeaux,
Méhémet prit la route du Mazanderan dans le même tems que le
comte Valerien Soubof passait le Térek. Il s’arrêta quelque tems
aux environs d’Aster-Abad pour laisser reposer ses troupes et faire
des provisions, après quoi il tira droit à Mesched.
(Charokh vivait encore : il avait été témoin de toutes les révolu*
tioUs qui avaient eu lieu en Perse, sans y prendre jamais aucune
part; il avait v u , sans s’y opposer, tous les éfforts que Mohammed*
Hassan-Khan et son fils Aga-Méhémet-Khan avaient faits pour
s ’emparer du suprême pouvoir. Tranquille au milieu de sa province
, qu’il gouvernait par le moyen de son fils aîné, il vivait en
paix avec ses. voisins ; il protégeait, contre les seigneurs du paya et
les hordes errantes, les peuples confiés à ses soins ; il cherchait à
cicatriser les plaies que les guerres de Nadir , les troubles qui avaient
suivi sa m ort, et les ravages des Quzbeqs et des Turcomans, avaient
occasionnées. L ’apparition de Méhémet dans le Mazanderan, et
sa marche vers le Khorassan, ne laissèrent à Charokh aucun doute
sur les desseins de cet usurpateur. Hors d’état de résister, il conseilla
à ses fils de se mettre en lieu de sûreté. Quant à lu i, il prit le
parti de la soumission. Il sortit de Mesched, et vint à deux journées
de chemin, au-devant de l’arinée persane, suivi seulement de sa
garde et des principaux seigneurs de sa cour. Il apportait de très-
riches présens en chevaux, en armes et en divers objets précieux.
Méhémet le reçut d’abord avec tous les égards que méritaient
son âge, son rang et sa naissance; il accepta les présens, et il de-
inanda qu’il fût pourvu aux besoins de son armée, tant en vivres
qu’en argent.
Charokh donna sur-le-champ tous les ordres nécessaires pour
que l’armée ne manquât de rien ; il fit venir de toutes parts des
chevaux pour la remonte de quelques cavaliers ; il procura les armes
et les habits dont on manquait, mais il s’excusa relativement aux
sommes d’argent qu’on l'ui demandait. Il motiva son refus sur la
modicité des revenus de ses É ta ts , et sur les dépenses excessives
qu’il avait faites depuis qu’il était monté sur le trône ; il avait peu;
à peu rétabli les mosquées, les caravanserais, les besesteins, les fontaines
publiques, que les guerres civiles avaient détruits ; il avait
toujours entretenu beaucoup de troupes , afin de pouvoir contenir
les Turcomans et les Ouzbeqs, et il n’avait pas dû prélever de forts
impôts sur un peuple qui avait été entièrement ruiné par les violences
de Nadir et les extorsions de ses agens.
Charokh se flattait d’ailleurs que le nouveau roi de Perse respecterait
en lui le petit-fils de Nadir, élevé au trône par la volonté
suprême dé tous les seigneurs et de tous les chefs de tribu du Khorassan;
qu’il aurait pour lui les mêmes égards qu’avaient eusKérim-
Khan, régent de Perse; Ahmed, roi de Kandahar; Timur-Chah
son fils, ainsi que les rois de Balkhe, de Bokhara, de Sainarcande ,