forces très-considérables que Sélim II y avait -envoyées. Nicosie
s’était rendue l’année d’auparavant, en 1670, après un mois de
siège. Le vent de n o rd , quoique faible , continuant de souffler,
nous doublâmes,'vers les neuf heures, le cap de la Grecque ou de
la G rieg a, et nous pûmes alors, avec le vent de sud-ouest, venir
mouiller avant midi dans la rade de Larnaca;
Cette rade, dans laquelle se trouvait autrefois le port de Citium,
quoiqu’exposée au vent du midi et au siroco, est assez bonne et
assez sûre , même en hiver. Le ville est située en plaine, à un quart
de lieue de la me?, près de l’emplacement de l’ancienne Citium ;
elle est peu étendue èt peu peuplée : on y compte à peine deux mille
habitans, y compris ceux du faubourg où l’on débarque.
C’est sans doute à la1 bonté de cette rade et à la proximité de
là capitale, que"Larnaca doit l’avantage d’être aujourd’hui le seul
entrepôt des denrées de l’île et la résidence des consuls et des né-
gocians européens, car l ’air y est très-mal-sain à cause d’une saline
située à peu de distance de la ville, à l ’occident, et dont les exhalaisons
sont amenées par le vent de mer ou de sud-ouest, qui souffle
régulièrement tous les jours d’été, ainsi que nous l’avons dit, depuis
neuf ou dix heures du matin jusqu’au soir.
Cette saline fournit ordinairement plus de sel qu’on n’en peut
vendre : le gouvernement l ’afferme à des particuliers, pour six
mille piastres par an , prix qui serait très-modique si le sel à Chypre
avait un peu de valeur èt un peu de débit.
■ Le bassin où il se forme, a plus d’un mille de largeur : il est à
peu près au niveau de la mer ; il ne communique pas directement
avec elle; mais l’hiver, lorsque les vents de sud et de sud-ouest
soufflent avec force; l ’eau de la saline s’élève dans les mêmes proportions
que celle de la mer. L ’é té , l ’évaporation suffit pour la
faire disparaître presqu’entiérement, et y former un sel très-blanc
et d’une très-bonne qualité ; il passe presque tout à Constanti-
nople:
■ Avant la révolution française le commerce de Chypre était presque
toüt entre les mains des Français et des Vénitiens : les Anglais
<et les Hollandais avaient tenté inutilement de s’y établir ; ils
î i ’avaient jamais pu entrer en concurrence avec les premiers, soit
parce que cette île est devenue trop pauvre pour consommer les
draps anglais et les denrées des Hollandais, soit parce que les produits
du sol diminuant considérablement de jour en jour, les né-
gocians ne pouvaient acheter assez de marchandises pour pa yer,
au moyen des bénéfices, les frais d’établissemeùt. Marseille même,
qui s’était emparée seule de presque tout le commerce de Chypre,
ne tirait pas de Larnaca pour un million de marchandises, et n y
versait pas en draps, bonnets, quincaillerie, mercerie, liqueurs et
denrées coloniales, pour une valeur de 200,000 livres.
Les principales productions de cette île consistent en coton ,
dont la qualité va de pair avec celui de la Syrie ; en racine de
garance très-estimée ; en soie, vin , c ir e , soude , laine, kermès,
coloquinte, peaux de- bouc , de mouton et d’agneau, peaux de
lièvre ; en coton filé assez beau ; en toiles de coton, connues sous le
nom de toiles dim ites, toiles escamittes , toiles amans, toiles
antioches , bourgs a la ya s, etc. On tire aussi de Larnaca diverses
marchandises qui y viennent de la Caramanie , de la Syrie et de
l’intérieur de fa Natolie, telles que storax,- noix de galle, adragant,
soie, cuivre, etc.
Cette î le , l’une des plus considérables de la Méditerranée, et
l’une des plus importantes par les productions, a été de tous les
tems plus exposée que toute autre à exciter la Cupidité des peuples
voisins. Trop peu étendue pour avoir une population- capable de
résister à un ennemi puissant, trop abordable, trop ouverte pour
se défendre, elle a dû être aussi souvent conquise qu’elle a été souvent
attaquée. -Sans parler des incursions et des rayages que divers
peuples y ont faits à diverses époques, nous la voyons successivement
gouvernée par des magistrats, des rois ou des tyrans pris
dans son sein ; par les Phéniciens, les Persans, les Macédoniens, les
Syriens, les Égyptiens-et les Romains; par les empereurs d’O rient,
par des rois étrangers (les Lusignan) , par les Génois, les Vénitiens
, et enfin par les Othomans.
Chypre,-sous la verge des-Vénitiens, ne fut pas aussi florissante
qu’elle l’avait été sous les successeurs d’A lexandre, sous les Romains