Il ne restait, dans tcrut le nord de la Perse, plus d’ennemis à combattre,
plus de villes à soumettre, plus de brigands à détruire.
Depuis l’A raxe et la mer Caspienne jusqu’aux environs de Chiras,
tout était soumis à Mohammed-Hassan. La capitale était. à ses
ordres : le sort du jeune chah dépendait de lui; ses forces se montaient
à plus de cent mille hommes ; rien ne semblait devoir lux
résister ; encore un effort, encore un succès, et toute la Perse ne
reconnaissait plus d’autre maître que lui.
L ’Aderbidjan était une conquête trop importante pour que Mohammed
Hassan n’y fît pas quelque séjour. Il y passa l’hiver, et
employa cette saison à parcourir les villes principales, à mettre en
bon état les fortifications, et à s’assurer de la fidélité de tous ceux
à qui il confia des troupes et accorda des pouvoirs.
- Au retour de la belle saison , en 1758, dès que les routes furent
praticables, il se rendit à Ispahan, et y resta quelques jours, moins
pour passer en revue son armée, que pour faire étalage de ses
forces. ,
Les succès avaient tellement enflé l’orgueil de ce chef, il marchait
à un triomphe si certain, qu’il ne crut pas devoir s’astreindre,
pendant le séjour qu’il fit dans cette ville, à tout le cérémonial qu’il
s’était auparavant imposé envers le jeune chah. Que dis-je ? Il ne
daigna pas même le voir ; il lui retira la garde d’honneur qu’A li-
Merdan lui avait donnée, que Kérim lui avait conservée, ét à laquelle
Azad n’avait pas touché ,7 et il en substitua une autre qui ne
devait pas le perdre de vue. Ismaël cessa pour lors d’être roi ; il fut
son prisonnier.
Les habitans d’Ispahan ne furent pas traités non plus avec la douceur
, avec les ménagemens qu’il avait mis jusqu’alors : il en exigea
de fortes sommes d’argent, et leur enleva tous les vivres qu’ils,
avaient; il fit arrêter plusieurs seigneurs, et les dépouilla de leurs
biens, sous prétexte qu’ils entretenaient une correspondance avec
ses ennemis. Les Arméniens de Julfà furent plus particulièrement
l’objet de ses recherches. Il rançonna fortement tous ceux qu’il crut
riches ou seulement dans l ’aisance. Ses troupes commirent, sans en
être punies, des crimes qui dûrent révolter; elles exercèrent dans
la perception des taxes, des violences qui achevèrent d’irriter tous
les esprits.
Cette conduite, à laquelle on ne s’attendait pas, fut très-favorable
à Kérim. L a comparaison qu’onfaisait de ces deux chefs, était toute
à l ’avantage du Curde. Jamais celui-ci ne s’était démenti envers le
peuple; jamais il n’avait abusé de sa force; jamais aucun de sès
officiers n’avait osé commettre une injustice ou exercer une violence
sans en être puni.
Mohammed-Hassan sortit d’Ispahan à la fin d’avril 1768, accompagné
de toutes les malédictions des habitans; mais il s’en moquait :
il était à la tête de quatre-vingt mille hommes ; il en laissait dix
mille pour contenir la capitale ; il en avait dix autres dans l’Ader-
bidjan, le Guilan et le Mazanderan. Jamais, depuis la mort de
Nadir-Chah, on n’avait vu tant de forces réunies dans la même
main ; jamais on n’avait vu une si belle armée.
Elle arriva,-vers la fin de mai, sous les murs de Chiras. L ’abondance
était partout : hommes et Chevaux trouvaient aisément de
quoi pourvoir à leurs besoins ; les champs étaient couverts de plantes
céréales ; les orges étaient déjà mûrs; les fromens étaient sur le
point de l’être ; l’herbe n’avait jamais été si haute ni si touffue.
Partout des troupeaux nombreux de moutons, de boeufs, de chameaux
rassuraient les soldats sur leurs subsistances. Il n’y avait pas
à la vérité d’autres magasins que ceux des champs, mais ils semblaient
êfre inépuisables. Moyennant quelques détachemens envoyés
dans tous les villages de la contrée, les vivres ne pouvaient manquer
d’arriver au camp , et d’y procurer l ’abondance.
Pendant que quelques chefs s’occupaient de cet objet, Mohammed
Hassan se hâtait de faire toutes les dispositions qu’il jugeait
nécessaires pour assiéger la place : il traça son camp à une demi-
lieue des remparts; il éleva des batteries sur plusieurs points, et fit
menacer les habitans de les exterminer tous s’ils faisaient résistance.
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Kérim de son côté, trop faible pour sortir et livrer bataille à
l’ennemi, employa, pour le vaincre,, un moyen qui réussit presque
toujours dans ces contrées, où l’or est la première idole des peuples :