La musique, sous tous les rapports, nous a paru valoir beaucoup
mieux en Perse qu’en Turquie. Dans le premier de ces Etats, c est
une science qui a ses principes, ses règles, une marche méthodique
et graduelle ; dans le second, c’est un art de. routine. La musique
persane, plus agréable, plus mélodieuse, plus imitative que la turque
, exprime infiniment mieux les passions, agit plus fortepient
sur les sens. Nous avons entendu des chants et des airs guerriers
qui animaient, qui excitaient puissamment les auditeurs ; nous en
avons entendu d'autres qui réveillaient toutes les idées de volupté.
L ’Égypte et la Syrie ne nous ont rien ofïërt de plus expressif, rien
de plus touchant, rien de plus passionné que les danses et les pantomimes
des Persans. C’est sans doute par les idées que font naître
les chants érotiques accompagnés de danses et de gestes, et par les
résultats qu’ils produisent sur les Orientaux, que le législateur a
très-expressément défendu cette sorte de plaisir ; ce qui pourtant
n’a pas empêché qu’il n’y eû t, dans tontes les villes de Perse, un
grand nombre d’hommes et de femmes qui se vouent à 1 état de
musicien et de danseur; que le roi n’en ait toujours eu auprès de
lui ; que tous les grands ne suivent son exemple, et que les particuliers
n’en appellent à toutes les fêtes qu’ils donnent.
Pour ce qui est des arts mécaniques, celui où ils excellent le
plus, et où ils. nous surpassent peut-être, c’est la teinture. Us donnent
à leurs étoiles des couleurs plus vives, plus solides qu’on ne
fait en Europe. Ils impriment celles de coton et celles de soie avec
une netteté et une ténacité surprenantes, soit qu’ils emploient des
couleurs, soit qu’ils procèdent avec des feuilles d’or ou d’argent.
Leurs maroquins sont pour le moins aussi beaux et aussi bons
que ceux de Turquie ; ils apprêtent fort bien en vert la peau du
cheval ; ils font du chagrin avec celle de l'âne; ils donnent à celles,
du veau .et du chameau une force et une souplesse qui les rend
propres à divers usages.
Leurs cuirs sont fort bons, et surpassent de beaucoup ceux de
Turquie ; ils n’emploient pourtant, à ce qu’on nous a d it, que la
chaux, le sel marin et la noix de gale.
Leur verre n’est pas beau , mais leur poterie est excellente. Ils
font entr’autres une porcelaine qui ne le cède pas à oelle de la
Chine ; elle résiste fort bien au feu.
Us travaillent avec assez de dextérité l’or et l’argent, et ils font
avec le cuivre un grand nombre d’ustensiles de ménage.
Les meubles ne sont ni aussi beaux ni aussi compliqués qu’en
Europe; cependant on vbit d’assez jolis ouvrages de menuiserie,
d’ébénisterie, de marqueterie.
Leur papier est un peu plus épais, un peu moins fin, un peu
moins blanc que le nôtre; mais il remplit bien l’usage auquel ils le
destinent; il supporte bien l’encre, il retient bien la peinture : on le
fabrique avec des chiffons de coton ; on le colle bien et on le lisse
d’un côté. On fait avec des chiffons de soie un papier semblable à
celui de la Chine; il est plus fin , plus mince, pins fort, plus luisant
que l ’autre, et a un oeil un peu grisâtre.
Us taillent assez bien les pierres précieuses, et les montent avec
assez de goût.
Ils excellent dans la fabrication des étoffés de soie pure, de soie
et coton, de soie et or ou argent, de coton pur, de coton et laine,
A Yesd, à Cachan, à Ispahan, on travaille avec autant de goût que
de propreté les brocards, les velours, les tafïètas, les satins et presque
toutes les étoiles de soie que nous connaissons,
Quoiqué les manufactures royales aient cessé de travailler à' ces
beaux tapis de soie et de laine où il entrait de l ’or et dè l’argent,
l’art n’est pas perdu ; il reparaîtra lorsque la tranquillité sera parfaitement
rétablie, et que le commerce reprendra toutes ses opérations.
On fait avec la laine de chameau, à Yesd et à Kerman, des schals
inférieurs à ceux de Kachemire, mais pourtant assez fins pour être
recherchés par les personnes riches,
On fait aussi avec le poil de chèvre, des étofïès qui résistent plu?
que les autres, à la pluie ; elles sont quelquefois aussi fines que nos
meilleurs camelots, quoiqu’elles approchent de nos bouraoans pour
la rudesse : on les nomme habbé, habba; elles ne diffèrent pas de
celles de même nom qu’on fabrique en Syrie, et dont nous avons
parlé ailleurs,
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