l ’usage des habitans : on y faisait aussi une sorte de nankin avec le
coton de la contrée. Ces fabrications languissent aujourd’hui, et ne
reprendront sans doute leur première activité que lorsque la tranquillité
sera rétablie dans ce pays ; que lorsqu'un gouvernement
régulier, stable et vigoureux aura mis fin aux prétentions de tons
les grandsl
Les géographes paraissent bien persuadés aujourd’hui que cetté
ville a remplacé l ’ancienne Ecbatane, et nous sommes de leur avis.
Sa position dans la partie de l’Irak-Adjem, qui répond parfaitement
à cette partie de la Médie où les Anciens plaçaient Ecbatane ;
sa distance du mont Elvind, qui est aujourd’hui de trois milles ou
environ, et qui était de douze stades lorsqu’elle occupait un plus
grand espace ; les décombres ou les terres rapportées, sur lesquels
elle est assise, et qui annoncent son ancienneté; le chemin pratiqué
sur la montagne, qui paraît avoir été fait avec plus de soin
que n’en mettent les Persans d’aujourd’hui ; les eaux très-abondantes
qui descendent de cette montagne, et qu’on pourrait, comme
autrefois, amener à la ville : en été; le climat le plus doux, le plus
tempéré de la Perse ; le sol le plus arrosé, le plus fertile, le plus
productif .: tout concourt à prouver que ce n’est point à Tauris,
comme quelques-uns l’avaient cru,- qu’il faut chercher la position
de l’ancienne capitale de la Médie, mais sur le terrain qu’occupe
aujourd’hui Amadah.
Qn sait qu’Ecbatane partagea avec Babylone, Suze et Persépolis,
et ensuite avec Ctésiphon ou Al-Médaïn, l ’avantage de recevoir
chaque année le souverain dans ses murs. Elle le dut encore plus à
la douce température de son climat et à la salubrité de l’a ir , qu’à
l ’abondance de ses eaux et à la variété de ses productions. En effet,
Cette partie de la Perse, qui produit les meilleurs fruits, où se trouvent
les troupeaux les plus nombreux et les plus estimés, où croissent
en quantité le riz et toutes les plantes céréales, est bien loin
d’éprouver j efl é té , les chaleurs brûlantes qui se font sentir dans la
Babylonie et au sud de la Perse. L ’élévation du sol à Kermanchah,
à Amadan, à Néhavend et dans tout , ce qui formait l’ancienne
Médie, contribue puissamment à tempérer les chaleurs de l’été}
comme elle est la cause du froid rigoureux qui s’y fait sentir pendant
deux ou trois mois de l’hiver.
Nous aurions désiré'de quitter Amadan après un jonr ou deux
de repos, et.continuer notre route par Casbin; mais l’officier qui
nous accompagnait, et le curé arménien à qui nous avions été recommandés
par M. Rousseau, jugèrent qu’il était prudent de se réunir
à une caravane qui était sur le point de partir pour Téhéran. Ce
retard nous détermina à faire une course botanique sur l’Elyind :
les plantes que nous y avions ramassées en le traversant, nous èn
avaient donné la plus haute idée. Le curé arménien; à qui nous
fîmes part de notre projet, et qui devait nous procurer des guides,
des chevaux et les:provisions qui nous étaient nécessaires, ne manqua
pas de nous faire, dans le style oriental, une description détaillée
des beautés et des richesses de cette montagne. Il y était allé,
dans son enfance, én iy 85, à la suite d’un botaniste français (1) ;
il y avait vu des forêts, des cascades, des vallons délicieux, des
gorges admirables.
Avant de partir, le curé voulut enfermer nos effets dans son
église, quoique notre conducteur Aboul-LIassan restât à l ’hospice :
cette précaution nous surprit. Lorsque nous l’interrogeâmes à ce
sujet, il no,us dit ,qu’il avait craint que nos effets ne fussent volés
dans notre logement, attendu qu’Aboul-Hassan ne pouvait rester
auprès d’eux pour les garder ; mais qu’il n ’avait eu aucune inquiétude,
les ayant placés dans un lieu sacré, presqu’aussi respecté des
Persans, que des Chrétiens.
Bar la suite nous avons été convaincus que les Persans ressemblaient,.
à.eet égard, aux Turcs ; que chez eux les vo ls , dans les
maisons, y étaient extrêmement rares. Ce n ’ést jamais que dans les
momens d’ânarchie, et lorsqu’une ville est au pillage, que les gens
de guerre se permettent d’entrer de force dans une habitation. Dans
(1) André MicHaux, dont nous regrettons en ce. moment la perte : il était de
la dernière expédition1' commandée par feTapitaine Bail (lin. De justes Sujets de
mécontentement Obligèrent cet,Infatigable botaniste à abandonner à l’Ile-de-Francë
son vaisseau , et.à se rendre a ’¡Madagascar : il y est-mort victime de son zèle.