était chargé, le reçut avec tous les égards, toutes les prévenances
qu’il devait au favori de son roi : il parut très-étormé des soupçons
qu’Adel avait conçus sur son compte ; il se montra très-dévoué aux
intérêts de son frè re , très-disposé à faire tout ce qu’il lui plairait
d’ordonner ; mais il prit en même tems si bièn ses mesures, qu’il
fit poignarder Zohrab au moment où il s’y attendait le moins.
L ’ordre dont celui-ci était porteur, et qu’on trouva sur lu i, servit
d ’excuse à Ibrahim auprès de son armée, pour la révolte qu’il méditait
, et dont rien encore n’avait transpiré dans le public.
Aussitôt après le meurtre de Zohrab, auquel presque tous les
grands applaudirent, Ibrahim envoya un corps de troupes contre
Amadan et Kermanchah, dont il crut convenable de s’emparer ; il
quitta bientôt lui-même la capitale de la Perse, et il vint se réunir
dans l’Aderbidjan aux troupes d’Emir-Aslan : celles qui s’étaient
portées sur Kermanchah et Amadan, ayant réussi dans leur entreprise,
reçurent ordre de venir le joindre,
Adel-Chah n’-eut pas plutôt appris la mort de Zohrab et la révolte
de son frère, qu’il fit toutes ses dispositions pour marcher contre
lui et le combattre. Plein de confiance dans la valeur et la discipline
de ses troupes, il était très-empressé d’en venir aux mains.
Quelques-uns de ses généraux lui avaient représenté qu’Ibrahim,
privé de ressources pécuniaires, ne pourrait entretenir son armée
au-delà de quelques mois 5 ils lui avaient dit qu’en temporisant,
cette armée se dissoudrait jqùe les chefs se diviseraient 5 qu’il pourrait
tomber alors sur chacun d’e u x , et les détruire sans éprouver
de son côté la moindre perte.
Adel-Chah ne voulut pas suivre les avis qu’on lui donnait : il
ignorait la disposition des esprits à son égard ; il se flattait même
d’avoir fait oublier par sa conduite la mort des princes; il voulait
finir promptement une guerre qui l ’arrachait à toutes les jouissances
de son palais, à toutes les douceurs de son harem.
Les deux armées se rencontrèrent entre Casbin et Téhéran : celle
d’Ibrahiin ne le cédait à l’autre ni en nombre ni en bravoure, et
elle avait l’avantage d’être plus dévouée à ses chefs ; celle d’Adel-
Chah avait encore sur le coeur, non pas la mort de Nadir, à laquelle
elle avait applaudi, mais le massacre de Nasralla-Mirza et de toute
la famille royale ; elle n’avait pu pardonner à cet ambitieux de
s’être emparé d’un trône auquel il n’était appelé ni par la naissance
ni par ses exploits militaires; et quoique son gouvernement fût
très-doux, quoiqu’il eût en apparence des qualités estimables, l ’armée
, encore révoltée contre lu i, saisit la première occasion qui se
présenta pour l’abandonner.
Dès que le signal du combat fut donné, un grand nombre de
soldats de l ’armée royale désertèrent, et passèrent du côté d’Ibra-
him. Par cette défection , la première , devenue plus faible par le
nombre, le fut aussi par le courage : le désordre se mit dans tous
les rangs; le découragement s’empara de tous ceux qui restèrent;
ils ne purent résister à l ’impétuosité du premier choc ; ils furent en
un instant battus et dispersés. Adel crut trouver son salut dans la
fuite ; mais il fut pris avec deux jeunes frères qui avaient combattu
à ses côtés, et conduit devant Ibrahim , qui lui fit crever les yeux
peu de jours après. Cette bataille eut lieu en juin 1748-
Là victoire qu’Ibrahim venait de remporter lui donna les moyens
d’augmenter son armée : il s’était emparé de toutes les munitions
de guerre et de toutes les provisions de bouche que l’ennemi avait
laissées sur le champ de bataille; le trésor du roi était tombé entre
ses mains ; les khans , trop faibles pour lui résister, ne pouvaient
manquer de se soumettre. Il ne tenait donc qu’à lui de se faire sur
le champ déclarer roi à la place d’Adel ; cependant il crut devoir
attendre qu’il se fût défait d’Émir-Aslan, dont il avait pénétré les
desseins, et de Charokh-Mirza, dont les droits au trône étaient plus
légitimes.
Le premier ne tarda pas à être la, victimê de son ambition : il
n’avait pris les armes que pour détruire l ’un par l ’autre les deux
frères, et se mettre à leur place ; il avait espéré que la guerre qu’ils
allaient se faire serait longue et terrible, qu’elle .affaiblirait également
les deux partis, et qu’elle lui fournirait l ’occasion de tomber
sur Ibrahim lorsqu’Adel serait vaincu. Mais la facilité avec laquelle
les deux armées réunies avaient triomphé de celui-ci, et surtout le
parti qu’avaient pris les troupes- du roi de passer sous les enseignes
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