des amis, des concitoyens, et de se faire égorger pour servir l’ambition
effrénée d’un maître d u r , inhumain, incapable de reconnaissance.
Aboul-Fétah avait fait publier qu’on prendrait la rpute de
Chiras au retour du courier qu’il avait expédié à Ispahan ,; et qu’il
accorderait pour quelque tems, à tous les soldats, la liberté de se
rendre dans leurs familles.
Par sa réponse, Ali-Murad témoigna au fils de Kérim toute la
satisfaction qu’il éprouvait de la mort de Zéki. « Mes voeux sont
» remplis, lui disait-il ; ,je n’avais pris les armes que pour yous
» placer sur le trône : les Jiabitans de l ’Irak ne s’étalent armés que
» pour en éloigner celui qui vous le ravissait. Nous rendons mille
» actions de grâces aux braves qui vous ont délivré.quelques jours
» plus tôt de votre ennemi ; nous l ’aurions vaincu, cet ennemi ; nous
» vôus aurions arraché de ses mains, ou nous aurions tous péri
» sous ses coups. A présent dites-nous s’il faut remettreTépée dans
» le fourreau, ou attendre que tout l'Empire vous soit soumis. Je
» ne doute pas que tous les Persans, ,que toutes les tribus ne tom.
» bent à vos pieds ; je sms persuadé que le fils de Kérim , le suc-
v cesseur, légitime du plus grand de nos ro is , ne trouvera plus
» aucun Obstacle à ceindre un diadème que ¡son père a conquis avec
» tant de gloire, et qu’il a conservé avec tant de grandeur. S’il en
ï> était autrement, de quelque part que vînt la résistance, vous me
*> trouveriez toujours prêt à voler à votre secours, à combattre vos
» ennemis. Que dis-je ? vos ennemis; ils le seraient de la nation
» entière ;. ils le seraient du bonheur de leur patrie; ils 1 le seraient
» de leur propre repos. »
Satisfait de cette lettre, Aboul-Fétah prit la route d e iü iira s , et
vint s’y faire reconnaître, le a i juin 1779, pour le chef de la nation.
A l ’exemple de son pè re, il ne voulut pas avoir l e titre de. roi n u
de chah que les flatteurs ne manquèrent pas de ¡lui conseiller de
prendre , afin d’affermir par-là son autorité1, et d’en imposer aux
puissances voisines. Je le prendrai, leur dit-il, lorsque.je l ’aurai
mérité; lorsque, par mes soins assidus,la,Perse sera'tranquille et
heureuse,.;
Elle le fut pendant plus de deux mois. Déjà presque tous les khans
lui avaient fait passer leur soumission; toutes les villes 1 avaient fait
complimenter ; le pacha de Bagdad lui avait fait demander son
amitié au nom du sultan son maître ; le peuple était au comble de
ses désirs : tout semblait promettre un règne long et heureux, lorsque
tout à Coup ce crépuscule de bonheur s’obscurcit. Pourquoi
faut-il qu’il y ait toujours sur la Terre des hommes travaillés de la
manie de commander aux autres, lorsqu’ils ne savent pas commander
à eux-mêmes?
Sadek, ainsi que nous l’avons dit, avait trouve dans léK e rm an,
des amis qui étaient venus à son secours, et lui avaient donné l ’espérance
de se relever ; il avait déjà réuni environ quatre mille
hommes lorsqu'il apprit la mort de Zéki et 1 élévation d Aboul-
Fétah. A cette nouvelle, dont il parut tres-satisfait, d contremanda
tous les ordres qu’il avait donnés relativement à ses projets de
guerre, et ne songea plus qu’à se rendre à Chiras ; et pour que soir
neveu fut bien tranquille sur son compte , et ne lui soupçonnât
aucune mauvaise intention, il lui expédia promptement un Courier
pour le complimenter, et lui témoigner toute la part qu il prenait
à son heureux avènement au trône ; il lui envoyait en même
tems sa soumission, et mettait à ses ordres les quatre mille hommes
qu’il avait levés dans le Kerman.
Aboul-Fétah ne prit aucune précaution contre son oncle, quoique
sa conduite antérieure eût du lui paraître suspecte : il lui permit
d’entrer dans la ville avec ses troupes ; il lui en laissa même le commandement;
il le reçut comme le plus cher de ses parens, et le
traita comme le plus fidèle et le plus dévoué de ses sujets; il fut
bientôt puni de cet excès de confiance. Peu de jours après son entrée
à Chiras, Sadek parvint à surprendre son neveu, e t à le faire enfermer
le 26 août 1779-
Cet événement plongea les habitans deChiras dans la consternation.
Sadek-Khan jouissait jusqu’alors d’une réputation de bonté,
de probité , de magnificence, qui l ’avait généralement fait aimer.
La conquête de Bassora, quoiqu’elle nïeût offert rien de remarquable,
l’avait cependant fait regarder comme un ¡grand-homme
de guerre, et lui avait acquis 1 affection du soldat ; mais sa conduite