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tapis , nos papiers, nos boîtes , nos presses et quelques provisions
de bouche.
Nous montâmes à cheval lé 5 septembre avant le lever du soleil,
et nous marchâmes plus de trois heures sans nous arrêter. L ’espace
compris entre le village et le pied de la montagne, que nous
avons dit être d’un quart de lieue, et qui va en s’élevant, est tout
parsemé de grosses masses de laves qui y sont étrangères, et qui
paraissent avoir été lancées de la montagne ; elles sont noires,
très-denses, très-pesantes, et mélangées de blocs de trap bleuâtre,
que l ’action du feu a très-peu altérés. -
'Lorsquè nous eûmes fait une demi-lieue en nous dirigeant un
peu à d roite, nous nous trouvâmes sur des terres volcaniques tres-
rouges : il y avait quelques rochers semblables à ceux de la plaine.
En nous élevant encore un p eu , nous .vîmes pendant long-terris
tout le sol couvert d’une espèce de rhubarbe que les Persans nomment
rie bas (1). Ils emploient toute la plante comme remède, dans
les maladies inflammatoires et dans les fièvres ardentes. Ils font
usage, comme aliment, des pétioles ; ce fut la première Chose
qu’on nous offrit à Kermanchah : on les mange crus, après avoir
simplement enlevé la peau. Ils sont très-agreables au g o u t, légèrement
acides et très-rafraîchissans ; on les confit au sucre, au
miel, au moût de raisin, et on les conserve toute l’année ; on en
fait des envois dans la Perse méridionale, où cette plante ne vient
pas.
Elle fleurit, à ce qu’on nous a d i t , vers la fin-d’avril et au commencement
de ma i, toujours un mois après que la neige a fondu.
Elle était en graines lorsque nous la vîmes. Nous en prîmes une
très-grande quantité : elles ont été semées au Jardin des Plantes,
où elles ont levé.
L ’endroit où nous nous arrêtâmes pour laisser reposer nos chevaux
et nos conducteurs,.que nous évaluâmes au tiers de la monta
gn e , offrait d’énormes rochers basaltiques qui s’élevaient en
pentagones assez réguliers : au-delà nous ne vîmes plus rien de
(1) C’est le rheurn ribes.
volcanique.
C H A P IT R E Y . 73
volcanique. Il y avait une esplanade assez étendue, sur ,laquelle
coulaient quelques filets d’eau 5 elle était riche en plantes. Nous y
prîmes les graines de cette belle michauxie dont j’ai parlé dans le
chapitre III de ce volume, page 37. Nous y prîmes aussi le nepeta
longiflora ( 1 ) , le beau chrysanthème élevé (2)5 deux espèces de
rosiers, l’un à fruit gros, rond et lisse, et l’autre à fruit un peu
hérissé quelques astragales inédits, et un grand nombre d’autres
plantes.
Nous escaladâmes le soir, pendant deux heures, la partie de la
montagne que nous avions devant nous : nous n’y vîmes que des
roches granitiques plus ou moins dures, des micas et des schistes
feuilletés. Nous trouvâmes très-peu de j>lantes : tout était brûlé
par le soleil. Nos conducteurs nous firent passer la nuit sous deux
énormes rochers qui avaient formé, par leur rapprochement, une
voûte fort grande. Notre domestique parut si effrayé à l’aspect de
ces masses suspendues sur nos têtes, qu’il n’osa pas en approcher.
C ’était un Arménien qu’on nous avait donné à Bagdad ; il était aussi
lâche que fripon. Nos conducteurs s’occupèrent toute la soirée à
ramasser quelques plantes sèches et quelques arbustes pour faire
du feu durant la n u it , afin d’éearter, disaient-ils , les animaux
féroces qui se trouvaient sur la montagne.
Nous ne pûmes pas, le lendemain, nous servir de nos chevaux,
attendu que la montagne était trop escarpée. Nous prîmes le parti
d’aller à pied, et de nous élever autant qu’il nousi serait possible ;
mais nous ne pûmes pas aller bien loin : au bout d’une heure et
demie ou de deux heures, nous fûmes si essoufflés,.si fatigués, et
d’ailleurs si mécontens de ne ripn trouver d’intéressant, que nous
rétrogradâmes. Nous vînmes reprendre, vers les neuf heures du
matin, nos chevaux, et nous nous dirigeâmes à l’est. Le pays devenait
plus riche à mesure que nous descendions. Nous nous arrêtâmes
, à midi, sur le bord d’un petit ruisseau, près d’une gorge
effroyable par sa profondeur et par les rochers qui paraissaient
O) Description du jardin de Cels , pl. 66.
(2) Chrysanthemumproealtuqi. Idem, pi,.
Tome III.