la lin s’éloigna de plusieurs lieues pour donner le tems à quelques
renforts de la joindre , et elle se préparait de nouveau au combat
lorsque Mohammed, pacha, qui en était le séraskier, fut tué par
ses propres troupes. . . : ’ > , ’ 1
Nasralla, de son cô té , était venu dans le Bas-Curdistan par le
défilé de Schehrezour, et s’était avancé jusqu’à Erbil. Les Turcs
avaient passé le Tigre à Mossul. Les deux armées s’étaient observées
quelque tems, et avaient enfin engagé le combat entre Mossul"
et Cara-Coch ; elles s étaient séparées sans qu’il y eût eu de succès
très-marqué. Les Turcs avaient repassé le fleuve sans être inquiétés,
et les Persans étaient venus camper près de Schehrezour.
Au x approches de l’hiver, toutes les armées sè retirèrent. Nasralla
prit la route d’Amadan, et Nadir vint à Ispahan, d’où il se rendit’
dans le Khorassan'afin d’en imposer par sa présence à la tribu
d’Yemout, qui, répandue en grand nombre dans le Kharesme et
aux environs d’Aster-Abad , était sans cesse en insurrection ; il
voulait aussi contenir les Turcomans et les Ouzbeqs;, qui ne,cessaient
de faire des incursions sur les frontières du Khorassan; il
avait .en même tems à prendre des mesures pour que les richesses
qu’il avait enfermées dans le château de Kélat ne fussent pas enlevées
par ces tribus.
Après avoir fait périr un grand nombre de personnes , tant à
Mesched que. dans les autres villes de cette province, et avoir fait
passer à Kélat une nombreuse garnison et une partie de sa famille,
il revint à Ispahan, et ce fut pour couvrir la ville de deuil ; il fit
exécuter dans la grande place un grand nombre d’Arméniens, d’indiens,
de Persans de tous les rangs et de tous les états, sans qu’on
sût le motif de ces exécutions, o u , pour mieux dire, de ces assassinats.
Cependant il fut signé dans le courant de cette année 1746 , entre
la Perse et la Turquie, un traité de paix qui fixa les limites des deux
Empires, et sembla détruire à jamais les grandes espérances qu’avait
conçues le roi de Perse.
L ’annee suivante, Nadir se rendit àKerman, et s’y livra, comme
dans Ispahan, comme dans tontes les villes par où il avait passé, à
tous les excès de sa rage et'de sa cupidité : il taxa la ville e t là province
àune forte sommé; il y fit massacrer deux mille.personnés (1 ),
qu’on choisit parmi les plus riches èt les plus considérées : leurs
têtes /séparées de leur corps, furent entassées sur le faîte de la-mos1-
quée principale, afin d’épouvanter les habitans, afin qu’ils eussent
sans cesse sous les yeux un exemple terrible de ce que peut produire
le pouvoir irrité.
Toutes les bourses étant épuisées dans cette province, il se porta
dans le Khorassan , exigeant partout des sommes considérables , et
faisant massacrer ceux’qui tardaient à payer.
Tous les crimes auxquels' sè livrait, cet homme naturellement
orgueilleux, irascible et cruel, avaient pour cause les contrariétés
qu’il éprouvait dans toutes ses entreprises, et les révoltes qui renaissaient
sans cesse de tous les côtés. Sa férocité, dans quelques années,
s’était accrue au point, qu’il faisait mourir dans les supplicés les plus
horribles, des peuplades entières ; il faisait ouvrir le ventre à des
personnes qu’il avait le plus.aimées.- Chacun tremblait autour de
lui; parce que c’était un crime capital de lui déplaire , parce que la
moindre faute, la moindre erreur, étaient souvent punies de mort.
Soupçonneux et méfiant depuis qu’on avait tenté de le tuer, il
voyait dans tous les grands autant de traîtres qui voulaient le détrôner,
et dans tous ses domestiques autant d’assassins qui attendaient
un moment favorable pour le priver de la vie. Son fils Nasralla
et ses neveux Ali et Ibrahim ne furent pas exempts de ses
soupçons ; il continua de les employer, mais il eut l’attention de ne
pas les laisser trop long-tems au même gouvernement et à la tête de
la même armée.
Il traita les docteurs de la lo i, qu’il voyait obstinés à suivre“ leur
croyance, avec encore plus de cruauté queles autres Persans. Depuis
long-tems il avait enlevé tôus les biens affectés aux mosquées;
mais en dernier lieu il envoyait à la mort: ceux des mollas, scheiks
ou imans qui étaient soupçonnés de suivre en secret la-secte des
Chiis. ■*
(1) Histoire de Nadir-Chah , 2?. partie, pag. 188.