beau là où il formait une épaisse forêt. Son fruit commençait à
mûrir : on le laisse tomber sans le cueillir ; il devient alors la proie
des oiseaux, des rats et du menu bétail.
Après avoir marché six ou sept heures dans un pays montagneux,
tout couvert de ces arbres, nous nous trouvâmes au pied du mont
Taurus : il nous fallut plus de deux heures pour atteindre au
sommet. Nous eûmes ce jour-là neuf heures de'marche; nous passâmes
la nuit sur une pelouse, à côté d’un petit filet d’eau.
Toute-la montagne était couverte de bois : nous remarquâmes
entr’autres un genévrier à feuilles de cyprès, qui s’élève à trente
pieds; il a , depuis le bas jusqu’au haut de la tig e , de grosses
branches horizontales, qui diminuent progressivement en étendue;
ce qui lui donne une forme tout-à-fàit pyramidale. La tige est de
même très-épaisse par le bas, et très-mince vers le haut; le bois
est très-dur, bien veiné et susceptible d’un beau poli : on s’en sert
pour les poutres et la charpente des maisons.
Le 24, après avoir dépassé la montagne, nous nous trouvâmes
dans un vallon où nous vîmes quelques habitans, qüëlqües troupeaux
et un peu de culture : nous y remarquâmes un poirier à
fruit p e tit, âpre, à feuilles lancéolées, cotoneuses, et un prunier
-dont le fruit était ovale, de grosseur moyenne, jaunâtre, un peu
coloré de rouge , et d’un goût aigrelet '; il nous parut différer de
notre prunier sauvage, et nous le regardâmes comme le type de
tous ceux que l’on cultive, tant en Europe qu’en Asie ; quant au
poirier, il différait essentiellement de celui qui croît spontanément
dans le midi de l’Europe.
Lorsque nous eûmes fait quelques lieues, l’horizon se découvrit.
Nous eûmes devant nous une plaine fort étendue : lé chemin, auparavant
très-mauvais , très-pierreux, devint plus beau, plus uni,
légèrement en pente. Nous nous trouvâmes bientôt après sur un
terrain argileux, presque tout couvert de coquilles marines, semblables
à celles de Courtagnon. Nous ne tardâmes pas ensuite à
appercevoir beaucoup d’arbres réunis, qui nous annoncèrent la
ville; elle se nomme Caraman par les habitans du pays ; nous y
arrivâmes après neuf heures de marche.
Cette ville n’a rien de remarquable, si ce n’est un château qui
tombe en ruines, et trois ou quatre mosquees de fort peu d apparence.
Ses rués sont sales ; ses maisons sont basses, presque toutes
bâties en terre : on n’y voit ancun monument ancien ; on n’y
découvre rien qui annonce que ce fût là le site d’une grande ville.
Elle est désignée pourtant sous le nom de Larénda dans les actes
de la Porte et dans les firmans du grand-seigneur; mais les ruines
de Larenda se trouvent à une lieue et demie de Caraman, vers le
nord. Elles portent vulgairement dans le pays le nom de M ille e t
une églises -• on nous en parla comme d’une merveille ; on nous dit
qu’il y avait encore quelques temples et quelques palais peu endommagés
, beaucoup de marbres portant des inscriptions, beaucoup
de colonnes renversées, et beaucoup de statues mutilées. Nous
fîmes quelques efforts pour nous y rendre, mais personne ne voulut
nous y conduire, par la raison qu’il y avait aux environs une
horde de Turcomans qui ne permettait pas d’en approcher. Nous
nous adressâmes au mutselim afin d’en obtenir une escorte que
nous offrîmes de payer ; il ne voulut pas nous l ’accorder par la
même raison.
On compte à Caraman mille maisons turques , et cent arméniennes
; ce qui peut faire évaluer sa population à six ou sept mille
habitans. Elle fait un assez grand commerce avec Smyrne, Sataüe
et les autres villes de l’Asie mineure. On y apporte des montagnes
voisines, de la cire, de la scammCmée, des peaux de chèvre et de
mouton, beaucoup de laine, et la cupule d’un chêne différent du
chêne velani ; elle est plus petite et plus estimée : on l’emploie dans
tout le L ev an t, comme l’autre, à la préparation des maroquins et
à diverses teintures. On fabrique, dans cette ville, quelques étoffes
rayées en laine et co ton , à l’usage des habitans, et quelques autres
fort grossières en laine pure.
Cette ville reçoit beaucoup d’eau des montagnes qui sont au sud :
son territoire est-fertile et très-arrosé ; il produit beaucoup de
fruits >et beaucoup de grains : on y voit quelques vignes ; mais ni
le coton qu’on cultive dans la plaine qu’arrose le Calycadnus, ni
l ’olivier qui croît spontanément au sud du Taurus, ne pourraient