trouvait à sec , et nous campâmes à quelques pas du fleuve. Ses
bords étaient couverts dé ce beau peuplier dont nous avons parlé
dans le chapitre précédent. L’épinard croissait spontanément dans
ces, lieux : nous en prîmes des graines qui ont bien levé à Paris.
Le 16, nous fîmes douze milles sans nous éloigner beaucoup du
fleuve. Le terrain était aussi mauvais, aussi impropre à la culture
que celui que nous avions vu les jours précédens. Nous laissâmes à
gauche une colline calcaire , crétacée, et nous en remarquâmes une
autre en Mésopotamie,,qui nous parut être de la même nature.
Nous trouvâmes, près du camp, dans une sorte de ravin, le froment,
l ’orge et l’épeautre, que nous avions déjà vus plusieurs fois
en Mésopotamie : nous y vîmes aussi une espèce d’amandier que
nous avons figuré (/>/. 47)-
Il ne s’élève qu’à deux ou trois pieds : les rameaux sont verts et
an guleux ; les feuilles sont alternes, oblongues, un peu plus étroites
à leur partie inférieure, presque pas pétiolées, dentées à leurs bords,
arrondies, et quelquefois échancrées à leur sommet.
L e fruit est solitaire, v e lu , arrondi, pointu à son sommet', et
supporté par un pédicule d’une ligne de long. Le noyau ressemble ,
pour la forme et la grandeur, à un noyau de cerise : il est lisse, et
contient une amande,Un'peu amère; il était mûr lorsque nous le
prîmes. Le brou avait peu de saveur, et n’était point succulent.
Nous n’avons pas vu les fleurs (1).
Le 1 7 , nous marchâmes six heures un quart sur un terrain un
peu inégal. Nous vîmes, sur une hauteur à demi-lieue du fleuve,
une tour d’observation, qui ne nous parut pas antique ; il y avait
tout autour des sépultures qui appartenaient à dès Musulmans. .
Le 18, nous fîmes quinze milles. Demi-heure après notre départ,
nous passâmes près des ruines d’une ancienne ville dont il n’est pas
peut-être bien facile de deviner le nom. Il y avait encore quelques
testes de remparts bâtis en grandes briqués durcies au soleil, et on
distinguait encore le fossé qui avait été creusé tout autour. Son
- (1) Amygdalus arabica fo liis serratis, oblongis, infra attenuati^ ; fructu globoso
, v illo so , acuminato. Tab. 47-
enceinte était carrée , et son étendue peu considérable. Vers le
milieu de ces ruines, nous apperçumes quelques restes de grosses
murailles bâties en briques cuites, séparées les unes des autres par
un ciment qui avait plus d’un pouce d’épaisseur : un bras du fleuve,
ou peut-être un canal, passait autrefois au pied des murs du côté
du nord-est ou de la Mésopotamie; ii est obstrué aujourd’hui, et
ne contient plus que cles eaux croupissantes. Il y a va it, sur ses
bords, un amoncellement de terre que nous regardâmes comme
les décombres d’une forteresse qui défendait la ville de Ce côté : il
y a à présent quelques sépultures de Musulmans.
A mesure que nous avancions , la vallée de l’Euphrate s’élargissait,
le sol devenait très-fertile, et le pays assez beau. En Mésopotamie,
nous remarquâmes une colline "que les eaux du fleuve ont
un peu rongée à sa base. Nous la dépassâmes après quatre heures
de marche, et alors, tant en Arabie qu’en Mésopotamie, la plaine
devint très-étendue, le fleuve s’élargit : son cours nous parut fort
lènt ; nous vîmes plusieurs îles couvertes de verdure, et nous crûmes
appercevoir divers canaux creuses autrefois pour faciliter les
arrôsemens.
Nous campâmes à plus d-’une lieue du fleuve : on prit 1 eau dont
on avait besoin, dans un canal presque tout couvert de roseaux. >
Tandis que la caravane dressait ses tentes , un des deux scheiks
qui nous escortaient, ayant apperçu dans le lointain quelques
Arabes, fut droit à eux ; plusieurs de nos chefs le suivirent. Nous
les vîmes revenir deux heures après avec un cavalier et deux hommes
à pied dont ils s’étaient assurés. Ils appartenaient à une horde
errknte, campée à deux ou trois lieues de nous. On ne leur fit aucun
mal ; seulement on ne voulut pas les lâcher que nous ne fussions ,
le lendemain , à une assez grande distance de leur horde.
Le 19, nous marchâmes pendant neuf heures, toujours eu plaine,
et à plus d’une lieue du fleuve. Lorsque nous voulûmes nous en
approcher pour faire paître nos chevaux , nous vîmes tout-à-coup
paraître quatorze Arabes, dont cinq montés sur des dromadaires
et armés de leur lancé, les autres à pied et sans armes. Nous étions
quinze cavaliers, la plupart marchands et voyageurs, mais tous