Empire avaient pu librement trafiquer avec l’Europe, si le peuple
avait p u , aussi facilement que le peuple turc, se transporter parmi
nous, depuis long-tems la Perse serait à l’instar de l’Europe.
Les Turcs méprisent les autres peuples, et repoussent avec obstination
tout ce qui leur vient de ceux qui ne professent pas la religion
de Mahomet; les Persans, au contraire, les estiment à leur
valeur, et de quelque part que leur vienne l ’instruction, ils la reçoivent
avec plaisir.
Quoique ces derniers se livrent aujourd’hui plus particulièrement
à l ’étude desiivres sacrés, à la poésie et à l ’àstrologie, ils ne négligent
pas pour cela les autres sciences ; ils accueillent les étrangers
qui leur paraissent avoir du mérite et du savoir; ils font surtout
grand cas des Européens ; ils recherchent leur amitié-; ils leur font
politesse, et ils ne tardent pas à leur faire une infinité de questions
sur les moeurs et les usages de leur pa y s, sur les arts qu’on y exerce,
sur les sciences qu’on y cultive, sur là religion qu’ùn y professe.
Aussi superstitieux aujourd’hui que les Turcs , ils ne sont pas
aussi, fanatiques ; ils poussent lé scrupule, à quelques égards, plus
loin qu’eu x; ils ne mangent pas communément avec une personne
de religion différente; ils ne boivent pas dans une tasse, dans un
verre qui aurait servi à un Chrétien, à un Juif, à unlndien, et ils
permettent qu’on entre dans leurs mosquées ; ils souffrent toutes
les objections qu’on leur fait à l’égard de la religion; ils écoutent,
sans se fâcher, tout ce qu’on leur dit contre leur prophète e t contre
leurs imans. Le Turc vous assassinerait si vous parliez devant lui
avec irrévérence de Mahomet et de ses lois 5 le Persan vous regarde
avec pitié; il adresse ses voeux au ciel pour que la vérité se montre
à vous dans tout son éclat ; il cesse de vous parler de sa religion,.
mais i l continue à vous voir avec bienveillance etamitiéi
Aussi brave que le T u r c , plus actif, moins patient, il est, comme,
lu i, cruel.fdans le combat, implacable envers son ennemi armé,:
mais plus traitable après la-bataille, plus sociable après la paix.
Qu’il ait affaire à des Géorgiens, à des Russes, qui professent la
religion catholique, ou à des T u r c s , des A rabes, des Afghans, qui'
sont.mahométàns comme lu i, mais d’une secte différente, il est.
également porté à leur rendre service après la guerre s’il en trouve
l ’occasion, tandis que le Turc n’oublie jamais que vous avez été son
ennemi.
On voit plus rarement en Perse qu’en Turquie des révoltes, des
rebellions, des mouvemens séditieux, de grands attroupçmens, pour
renverser le chef de l ’État ou ses ministres, pour arrêter les caravanes
et mettre à contribution une v ille , une province. L ’assassinat,
le v io l, n’y sont pas non plus si fréquens. Le Persan vaut
pourtant moins par ses moeurs, et peut-être même par son caractère
, que le Turc. Si le premier a plus d’instruction, plus de politesse,
plus de douceur que le .Second ; s’il trouble moins souvent
la tranquillité de l’État, s’il menace moins souvent la fortune ou la
vie des autres citoyëns, - s’il respecte davantage la faiblesse de l’un
et de l ’autre sexe, il n’a ni cet orgueil, ni cette magnanimité , ni
cette estime de soi-même , ni cette confiance dans l ’amitié, ni ce
dévoûment à son bienfaiteur, qui produisent quelquefois de grandes
choses chez le Turc.
Le Persan est plus fourbe, plus dissimulé, plus adroit, plus souple
, plus insinuant, plus exercé au mensonge et au parjure que le
Turc. Caressant et flatteur par habitude , il est bas et rampant
envers ses ég au x , comme envers ses supérieurs, soit qu’il sollicite
une faveur , soit qu’il traite seulement une affaire d’intérêt.
Qu’il ait pris des engagemens sur sa parole ou par écrit, il y
manque toutes les fois qu’il peut le faire impunément. Il vole sans
scrupule s’il croit n’être pas apperçu , et même ouvertement et
avec effronterie s’il espère qu’on ne pourra le convaincre en
justice.
LeS faux témoins sont encore plus communs , plus déhontés en
Perse qu’en Turquie : les juges y sont encore plus corruptibles;-
les hommes en place tout aussi prévaricateurs. Le ministère est
peut-être plus attaché aux devoirs de sa pla ce, parce qu’il est
ordinairement plus riche, plus instruit et plus stable; car on voit,
moins en Perse qu’en Turquie, des hommes passer rapidement des.
derniers rangs de là société , aux premières places de l’État. Néanmoins
l’intrigue, les cabales, les dénonciations, les menées sourdes,