deux jours suffisent pour qu’il puisse être enlevé. C’est l’opium
brut du commerce. A mesure qu’on le recueille , on fait de nouvelles
incisions ; il en découle tin nouveau suc moins bon que le
premier. Quelques personnes mettent l’autre à part, et en forment
un opium plus beau, plus estimé, plus cher que le second; mais en
général on mêle le tout : on en forme de petits gâteaux, qu’on envoie
à Smyrne, àConstantinople, à Alep et dans presque toutes les
villes de la Turquie.
L ’opium de Cara-Hissar n’est pas aussi recherché que celui des
contrées plus bhaudes et plus orientales ; il ne vaut pas celui de la
Perse méridionale et celui de l’Indoustan. Ce qui contribue peut-
être encore plus à le déprécier, c’est qu’on le frelate assez souvent
avec du miel et de la farine d’orge, et de froment. Cette fraude est
pourtant assez aisée à reconnaître : l ’opium pur , encore frais, est
visqueux, tenace et assez dur ; un peu ancien, il est dur et luisant.
Les négocians de Smyrne , qui en font passer une assez grande
quantité en Europe , ne manquent pas de couper ou de casser les
¡gâteaux qu’on leur présente à acheter ; ils rejettent comme suspect
l ’opium récent, qui se sépare trop facilement, et celui qui, au bout
de quelques mois, est encore un peu mou.
Les graines de pavot qu’on ne destine pas à être semées, servent
à nourrir la volaille, et la plante sèche sert à chauffer les habitans
durant l’hiver. On n’extrait jamais de l’huile de ces graines ; on
préfère dans ce pays , comme dans tout l’Orient, manger celle de
sésame.
Nous partîmes de Cara-Hissar le 8 octobre ,-et vînmes passer au
pied du rocher sur lequel est bâti le château. Au nord de ce rpcher
il y en a deux autres de même nature et de même forme , mais
beaucoup moins élevés. A un demi-quart de lieue de la ville, nous
passâmes pour la troisième fois la petite rivière que nous avons dit
aller se jeter dans le lac de Saaklé. Nous marchâmes quelque tems
en plaine; nous traversâmes des collines d’abord volcaniques, ensuite
schisteuses , où croissaient le genévrier à feuilles de cyprès ,
les deux pins élancés de la Càramanie, le petit chêne qui fournit
•la galle du commerce, l’astragale qui donne la gomme adragant;
nous descendîmes ensuite dans une plaine inégale,inculte, et nous
arrivâmes, après avoir marché cinq heures, à un mauvais village
nommé H eyret, où nous passâmes la nuit.
Le 9, nous iqarchâmes encore quatre heures dans la même plaine ;
nous passâmes à côté d’un village assez considérable, nommeA ltun-
Tasch ou P ierre d’ or; nous traversâmes bientôt après une montagne
schisteuse, et nous nous trouvâmes ensuite dans une petite
plaine qui nous conduisit entre deux montagnes schisteuses, couvertes
de chênes à galles : le genévrier à feuilles de cyprès couronnait
toutes les cimes. Nous arrivâmes, après huit heures de marche,
à un mauvais village nommé Daoular.
Notre rôute , pendant ces deux jours, fut vers le nord-ouest.
Le 10, un brouillard fort épais nous empêcha de distinguer au.
loin les objets. Le terrain sur lequel nous marchions, était inégal,
en pente, assez bien boisé de tous les côtés. Nous y apperçumes
entr’autres les deux beaux pins de la Caramanie , le poirier sauva
g e, le prunier'sauvage, le prune!ier, le cornouiller, l’églantier,
l’épine-vinette. Au bout de deux heures, le brouillard se dissipa
peu à peu, et l’horizon se découvrit devant nous. Le chemin allait
toujours en pente.
Après avoir marché quatre heures et demie, nous passâmes une
petitéhivière nomméeP ù rsa k, sur un pont bas, à plusieurs arches}
elle se dirige au nord , passé à quelque distance de Kutayéh, va delà
à Eski-Shéer, et se jette un peu plus loin dans le SangariS. Nous
fîmes encore une lieue et demie, et nous entrâmes à Kutayéh par
un chemin assez .beau, orné de plusieurs fontaines que l fon y a
construites pôur la commodité des voyageurs.
Cette ville est très-grande, très-peuplée, très-commerçante,
■très-riche, et l’une des plus considérables de l’Asie mineure : ©a
y compte de huit à neuf mille maisons turques, m ille arméniennes,
et environ cent grecques ; elle est située en pente, au bas d’une
montagne peu élevée, au 39e. degré 2Sminutes de latitude, suivant
l'observation de M'.' Niëbuhr-. Sés maisons, quoique bâties enferre,
ressemblent beaucoup à Celles dé Constantinople ; elles sont
plus élevées, plus élégantes, plus commodes quenelles de Koniéh
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