commerçai« ; il n’encourage point l ’agriculture; il laisse languir
es arts : son unique soin est de recruter son armée, est de veiller
ce qu elle soit bien payée et ne manque de rien; son unique désir
est agrandir ses Etats sans avoir les talens nécessaires pour les
bien gouverner.
Cet homme, éleve dans les camps, aimait mieux les agitations
de la guerre, que le calme de la pa ix; il préférait les mouvemens
d une armée et les convulsions d’une bataille aux douceurs II son
harem , aux plaisirs de son serrail, aux hymnes d’un peuple laborieux
qu’une sage administration enrichit. Peu propre à féconder
la terre a ranimer les ateliers, à répandre partout les germes de
a prospérité et du bonheur, la première idée qui se présente à lui
après avoir soumis le Kandahar, est d’aller ravager ITndoustan ;
la seconde est de réunir l ’Empire othoman à celui de la Perse,
et c ’est à ces idées d’agrandissement qu’il espérait faire servir la
religion; c ’est pour régner sur tous les Musulmans, qu’il avait
voulu paraître 3«nni , et former .des Persans une cinquième secte
Orthodoxe de l ’Islamisme.
Spu; un tel monarque, les Persans ne purent jamais se flatter
de jouir de la tranquillité, dont ils avaient un si grand besoin.
Leur vie , leur fortune, ]enr bonheur, tout fut sacrifié aux projets
ambitieux de leur r o i , sans aucun espoir de profit pour eux ;
car l’acquisition de quelques villes, de quélqnes provinces, de quel,
ques Etats » ’avait pas amélioré leur sort. 11 s’en fallait de beaucoup
d’ailleurs qiie ces conquêtes pussent compenser les sacrifices
énormes qu elles avaient nécessités : elles avaient peut-être procuré
à Nadir de plus grands revenus, , des troupes plus nombreuses, '
une cour plus brillante, un pouvoir plus étendu ; mais le peuple
en paya-t-il moins d'impôts P Eut-il pins de moyens de .subsister ?
Non sans doute. Chez lui l ’oppression et la misère s ’accrurent
avec les conquêtes. En suivant Nadir dans ses expéditions, nous
verrons qu’au milieu de sa gloire militaire, il n’a pas moins con tribué
que plusieurs .de ses prédécesseurs, à dépeupler e t ruiner
cet Empire.
Apres son couronnement, tout occupé à faire rentrer sous le
joug de la Perse les Afghans du Kandahar, il fait la paix avec le*
Turcs, mais il envoie dans l’Aderbidjan son frère Ibrahim avec des
troupes, afin de les observer ; il nomme son fils Riza au gouvernement
du Khorassan, et le met en état de contenir les Turcomans
et les Ouzbeqs, qui auraient pu profiter de son absence pour ravager
la province. Il fait châtier par ses généraux les rebelles du
Balougestan ; il fait presqu’entiérement détruire par son fils Nas-
ralla, la tribu de Bilbas, race de Curdes, répandue vers la frontière
de la Turquie ; û ordonne au gouverneur de Chîras de prendre
possession des îles de Barrhein ; il appaise lui-même quelques troubles
dans le Loristan, punit três-sévérement les Bakthiaris qui
s étaient révoltés, et se rénd de là à Ispahan, où il rassemble une
armée de cent mille eombattans.
A la fin de l’année iy 35 , il se trouve en état de quitter la capitale
de la Perse; il prend la route de Kerman à la tête de son armée,
et arrive, en février 1736, devant Kandahar; il avait, avant de
partir, donné ordre à un de ses généraux de venir le joindre avee
quarante mille hommes ; ce qui fut exécuté.
Cette ville, bien bâtie, très-riche , très-commerçante, et l ’une
des plus considérables de l ’Orient, était située entre une rivière
marécageuse et une colline escarpée ; elle était dominée par une
double citadelle, et était défendue par un large fossé et des remparts
garnis de canons (î). Nadir, jugeant que le siège serait long,
transforma son camp en une ville qu’il nomma Nadir-Abad; il y
éleva des fortifications, y traça des ru e s , des marchés, des places ‘
y fit construire des mosquées, des bains publics , des maisons, des
cafés, et y fit passer la rivière Tou rpou t (2). Tandis qu’un grand
nombre d ouvriers et une partie de l’armée étaient occupés à ces
(1) Tavernier, Voyages, édition in-4». Paris, 1676, tom. I , pag. 69S.
(2) Histoire de Nadir-Chah, 2”. partie , pag. 28.
Cette nouvelle ville est à deux ou trois milles au sud de l’ancienne ; elle a environ
trois milles de circuit : sa forme .est carrée. Voyage de Forster, traduit par
Langlés , tom. I I , pag. 122 et 127.
Voyage de l ’Inde d la Mecque, traduit du persan par Langlés, pag. a3.