que nous lepouvions. Néanmoins il était rare que tous s’en allassent
satisfaits, parce que souvent nous n’avions que cles conseils à leur
donner, ou des inédicamens à leur prescrire, qu’ils ne pouvaient se
procurer qu’à Téhéran : quelquefois il eût fhllu opérer, ce que nous
n’étions pas en état de faire. Nous avons toujours vu que les malades
qui n’emportaient pas les remèdes que nous leur conseillions
de prendre, et ceux que nous avions jugé ne pouvoir guérir, tels
que des aveuglés , des estropiés, paraissaient très-fâchés contre
nous ; ils s’en allaient en murmurant, comme s’ils avaient reçu
quelqu’offense ou éprouvé quelque dommage de notre part.
On eût dit qu’en venant habiter parmi eu x , nous avions contracté
l ’engagement, non-seulement de donner gratuitement nos soins à
tous les malades qui voudraient les exiger, mais à les opérer et à
leur fournir tous les remèdes dont ils pourraient avoir besoin, sans
que les malades, à leur tour, fussent obligés à la moindre reconnaissance.
Nous les voyions entrer chez nous sans frapper à la
porte, s’asseoir sans attendre qu’on le leur eût permis ^présenter
le bras pour se faire tâter le pouls avant qu’on le lèur eût demande,
répondre par monosyllabes ou avec peine aux questions qu’on leur
faisait relativement à leurs maux ; et lorsqu’ils avaient reçu les
remèdes qu’on leur avait prescrits, la plupart se. retiraient sans,
remercier, sans saluer, sans donner le moindre signe d approbation.
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« Ce n’est pas seulement à Tegrich que nous avons trouvé les Musulmans
mal-honnêtes , injustes à l’égard des médecins qui ne sont
pas de là même religion qu’eu x , c’est partout où nous avons vu
des malades ; c’est surtout en Turquie. Lorsque les Turcs- sont
malades, ils apprécient en général fort peu les-soins qu’un médecin
leur donne; bien portans, ils se croient fort peu redevables envers
lui Presque toujours indifférens sur leur sort, ou persuades du
moins que1 l’iiéure du trépas jest irrévocablement fixée , ils ,h ont
ordinairement aucune sorte de reconnaissance pour ceux qui les
ont tirés d’un dangçr. - _
Il n’èn est pas demême des Persans : soit qu’ils croient moins au
fatalisme, soit quhlfi soient plus attachés à la vie ou qu’ils espèrent
davantage sur les secours de la médecine, ils ne manquent jamais
d’y avoir recours, et leur reconnaissance est ordinairement proportionnée
au danger qu’ils ont couru et aux soins qu’on leur a
donnés.
Sans doute le Turc qui est dans l’opulence ou qui occupe une
des premières dignités, offrira pâr orgueil, au médecin qui l ’aura
traité, le prix de son travail ; mais il est peut-être sans exemple
qu’un malade, parmi le peuple, et même parmi la classe aisée, se
soit montré généreux et même juste envers le sien après la guérison :
le médecin serait toujours obligé de recourir au juge pour obtenir
une juste indemnité, s’il ne s’était fait payer d’avance.
Dans les grandes villes de Turquie i f y a des médecins européens
qui exercent leur état avec le même zèle, le même désintéressement,
et avec autant de succès que ceux des premières villes
d’Europe; mais dans les petites villes et dans les campagnes; le
malade est livré aux conseils de tous ceux qui l’entourent, ou s’il
tombe sous la main de quelque Grec, sa-vie est;dans le plus grand
danger ; car, si nous en exceptons un très-petit nombre qui ont
acquis des connaissances dans les universités d’Italie, et qui pour
l’ordinaire habitent les grandes villes et -y exercent leur état avec
honneur:, les autres, son! dies gens du peuple,.qui ont tout au plus,
dans leur jeunesse, servi: des médecins à Constantinoplé ou à
Smyrne, et ont appris chez eux à connaître quelques simples et à
préparer quelques drogues.
! En Perse, la médecine est plus honorée-qu’en T u rqu ie ;.e t cela
vient sans doute de ce que les Persans sont bien plus civilisés, bien
plus instruits que les Turcs. Cette soience.n’y est pourtant pas enseignée,
comme en Europe y dans des écoles publiques : ce sont les
médecins eux-mêines qui ont chez eux un certain nombre d’élèves,
à qui ils donnent régulièrement des leçons, et qu’ils instruisent le
mieux qu’ils peuvent. Cesleçons consistent àxlonner quelques idées
peu détaillées , peu étendues: de la; structure <du , corps humain , à
faire i’énumératibn de toutes les maladies qui: nous affligent.;: à
parler suceirattéinent des symptômes qui les accompagnent, et à
remonter aux. causes .qui les produisent;, mais ce que-le médecin