d’ôter aux rebelles toute communication avec les côtes maritimes ;
il lit détruire leurs récoltes ; il lit raser quelques-unes de leurs villes ;
il fit périr dans les supplices tous ceux qui tombèrent sous sa main,
et dans sa fureur il menaça de les exterminer tous s’ils refusaient de
se soumettre. Les Lezguis, défendus par les rochers, par les précipices
, par les torrens, dont tout le pays est couvert, continuèrent
à braver ses efforts et à se moquer de ses menaces.
Cependant le roi de Perse, irrité de la résistance qu’il éprouve,
aigri de l ’assassinat qu’on avait voulu commettre en sa personne,
indisposé déjà contre son fils a îné, qu’il soupçonne d’avoir eu le
désir de se faire déclarer roi en son absence, qu’il soupçonne aussi
peut-être d’avoir dirigé la main qui voulait le frapper, se décide
tout à coup à le faire arrêter et traduire en prison : peu de jour?
après il ordonna qn’on le privât de la vue. Cet ordre fut exécuté à
Téhéran en 1742.
Désespérant de soumettre les Lezguis, Nadir, à la fin de la même
année, prend la résolution de,laisser des forces considérables dans
le Chyrvan et le Daghestan, et de quitter ces provinces pour mettre
à exécution les grands projets qu’il a formés contre les Turcs. Pour
réussir il fait de nouvelles levées d’hommes et de chevaux dans toute
la Perse > il met de nouveaux impôts, et il donne dans tonte l’étendue
de l’Empire, l ’ordre à tous ses sujets mahométans de suivre la
religion des Sunnis comme la seule véritable , et de renoncer aux
erreurs des Chiis. Il avait envoyé auparavant un ambassadeur à la
Porte othomane, pour lui dire qu’il persistait dans la proposition
qu’il lui avait faite à son avènement au trône, de réunir à la même
croyance les Persans et les T urcs, et d’établir pour les premiers une
cinquième secte orthodoxe ; il exigeait également qu’il fût élevé pour
cette secte une cinquième maison de prière au temple sacré de la
Mecque, et que les pèlerins persans qui s’y rendraient, fussent
accompagnés d’un émir-hadji.
La P o rte , qui entrevoyait les desseins de N ad ir , s’était refusée
aux deux premiers articles, et n’avait consenti au troisième qu’en
indiqnant la route que les pèlerins devaient suivre : c’était celle des
territoires de Bagdad ou de Bassora , et du,pays de Neldj.
Les préparatifs de guerre qui eurent lieu en Perse l ’hiver de 1743
occasionnèrent un grand nombre d’émigrations, parce que les
levées d’hommes se firent avec la plus grande violence, et que la
nouvelle ta x e , qui se montait à 700,000 tomans ou 42,000,000 de
nos francs, fut exigée avec une sévérité et une promptitude dont
on avait eu jusqu’alors peu d’exemples. Ce qui avait donné lieu à
ces mesures violentes, c'est que, de tous les points de l’Empire, les
gouverneurs avaient eu ordre de faire passer à Amadan, dans" un
très-côurt d élai, des hommes , des chevaux, de l’argent, des munitions
de guerre et des provisions de toute espèce. Une prodigieuse
quantité d’ouvriers dut s’y rendre pour y fondre des canons et des
mortiers, et pour y fabriquer diverses armes.
Mais on ne s’en tint pas là ; on fut acheter des vaisseaux à Savate
; on en construisit à grands frais dans les ports du golfe Per-
sique, et on les équipa aussi bien que le génie de la nation le permettait.
Tous ces préparatifs annoncèrent que la guerre serait
dirigée contre les Turcs, et qu’elle serait poussée avec la plus grande
vigueur.
A la fin de février, Nadir passa le Kur ét campa au même lieu
p ù , huit ans auparavant, il s’était fait proclamer roi : de là il se
rendit à Amadan, après avoir détaché de son. armée quarante mille
hommes qui se portèrent sur Van par Ardebil et Tauris. Il envoya
par Kermanchah quarante mille hommes contre Bagdad, et il o r donna
aux gouverneurs de Chnster, de Dezfoul et d ’Havisa d ’aller
investir Rassora avec trente mille Arabes ou Persans ; lui-même
marcha droit à Kerkouk avec l’élite de sa cavalerie, composée de
trente à trente-cinq mille hommes : c’est avec de pareilles forces
,qu’il avait pu se rendre maître du Grand-Mogol; il espérait, avec
le même nombre de soldats, se frayer une route jusqu’à Gonstan-
tinpple. Espoir chimérique î II avait trop exagéré ses forces, et
n ’avait pas bien jugé celles de l ’eniiemi ; il avait peut-être trop
compté sur l ’intelligence qu’il s’était ménagée avec le pacha de B a g dad;
il n’avait pas assez senti que la haine des Tunes envers les Persans
était trop invétérée pour qu’elle s’effaçât au milieu des horreurs
de la guerre ; il n ’avait pas vu que le changement de religion,