La vign e , dans tous ceux que nous avons vus , était élevée, en
treille, et formait des allées bien ombragées les ùnes à côté des
autres. La quantité de raisins qu’on obtenait de cette manière noua
étonna : un arpent produisait bien plus que dix arpens ne pourraient
produire , dans nos contrées, avec la meilleure récolte. Comme
il fait très-chaud dans ce pays, le raisin, quoiqu’en treille , y est
excellent, et y mûrit de bonne heure. La récolte en avait été faite à;
la lin du mois d’août.
Ce faubourg a peu souffert dans ses bâtimens, mais beaucoup
dans sa population et dans la fortune de ses habitans- On y en
comptait autrefois au-delà de douze mille : le nombre en est réduit
à huit cents. Le commerce qiii s’y faisait avec la Turquie, avec la
Russie, avec l’Indouston et avec toutes les contrées de l’A s ie , était
immense et infiniment lucratif; il est presque nul aujourd’hui. Les
plus riches Arméniens ont fui leur patrie pendant les dernières
années du règne de Nadir; plusieurs ont péri par la main du soldat
durant les troubles qui eurent lieu après la mort d’Adet et d’Ibra-
liirà : tous ceux qui sont restés, ont été si souvent pillés, ont été
si souvent mis à contribution par tous les partis, que leur fortune
s’est à la fin entièrement dissipée.
On voit pourtant dans ce faubourg quatorze églises arméniennes
, et un clergé très-considérable, à la tête duquel est un archevêque
qui marche de pair avec celui d’Elmîasin ou des Trois-
Églises.' Le siège était vacant depuis trois ans lorsque nous y
passâmes : le peuple et le clergé , qui conjointement doivent élire
l ’archevêque , s’étaient assemblés plusieurs fois ; mais comme i l y
avait trois oancurrens qui avaient à peu près le même nombre de
vo ix , jamais ils n’avaient pu faire leur élection -
Les Catholiques romains., dont le nombre s’est élevé autrefois
à cinq cents, est réduit aujourd’hui à deux familles très-pauvres.
Un prêtre latin , qui revenait de l ’Inde, et qui recevait, je c ro is ,
deux cents écùs de Rome, occupait la maison des Jésuites, dont
les Persans ne se sont-pas encore emparés. Quant à .celles des
Dominicains et des Cannes, le gouvernement les a cédées ou
vendues, depuis long-tems, à dès particuliers;'Nous ignorons.
ce qu’est devenue la maison des Capucins, qui était dans Ispahan.
Le jardin d’A zar-Gérib, où aboutissait la belle avenue de Tchar-
Bag ; est à l’orient de Juifà : il à à peu près un mille d’étendue.
Comme le terrain y est un peu en pente, les terres sont soutenues
par des murs en pierres, peu élevés. On y voit douze terrasses,
toutes plantées d’arbres fruitiers. On va de l’une à l ’autre par de
très-beaux escaliers ou par un talus fort aisé à monter.
On né voit partout dons ce jardin, que canaux , bassins e t jets
d’eau plus ou moins mal traités. Il y avait autrefois plusieurs pavillons
de la plus grande beauté : nous n’en vîmes qu’un en assez
mauvais état.
Azar-Gérib a toujours été destiné à la ctdture des plus beaux
fruits de la Perse sous les Sophis, tout ce qu’il y avait de plus
rare j de plus exquis en ce genre, devait s’y trou ver le plus abondamment
qu’il fut possible. C hique terrasse est divisée en un grand
nombre de carrés, et chaque carré ne reçoit que des arbres de même
espèce ; toiis sont plantés en quinconce. On ne connaît pas dans cê
pays l’art dfélever les arbres en espalier, en contr’espalier, en éventail
; eH quenouille ; etc. La chaleur est toujours assez forte pour
donner à tous les fruits qu’on y cultive le degré de maturité dont
ils ont besein , et toute la saveur d ont ils sont susceptibles, Sans
qu’il soit nécessaire de recourir à tousces moyens usités parmi nous.
On n’y connaît pas non plus la greffe , ou du moins ii m’a paru
qu’on ne l’y employait pas. La taille est tout-à-fàit négligée; à peine
Coupe-t-on les branches mortes. Néanmoins, si nous en exceptons
les poires et les pommes , tous les autres fruits de la Perse sont
meilleurs ou tout au moins aussi bons que les nôtres.
- Quoique la saison fût avancée, nous trouvâmes dans les jardins
d’Azar-Gérife -des pêches excellentes. L a grande espèce , et la ineib
leuré, nommée oulou , avait passé depuisiong-tems. H y avait encore
quelques prunes blanches o t molles , ura peu acides ; elles sont plus
abondantes l’été. Parmi celles-ci On distingue kt prune de Boekhara,.
alou Bockhâra, qui nous a paru plus savoureuse que la pnune de
Brignoles 0« le perdrigon d e Provence s mous en avons mangé à
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