trône qu’on regardait déjà comme vacant, et Méhémet, par des
promesses et de l’argent, étant venu à bout de se faire un parti,
il obtint à son tour des succès ; il s’empara de quelques chefs qui
voulurent lui résister, et les fit cruellement périr. Les villages qui
leur appartenaient, furent détruits, et les habitans, maltraités et
réduits à la plus affreuse misère, virent, pour'comble dè maux,
leurs femmes et leurs enfans devenir la proie du soldat.
Après cette expédition, aussi impolitiquement conçue que maladroitement
terminée, Méhémet résolut d’aller se présenter à Oulou-
Guerd, Amadan et Kermanchah, afin de soumettre ces villes et y
lever des contributions. Il était dans la seconde lorsqu’il apprit que
les Lors et les Bakhtiaris, réunis de nouveau, marchaient vers lu i,
résolus de le combattre, et de lui faire payer cher les dégâts qu’il
avait faits dans leur pays. Il vint aussitôt au-devant d’eu x , et les
rencontra à quelques lieues de Néhavend. Les deux armées se battirent
avec acharnement : celle des montagnards, quoiqu’inférieure
par le nombre, remporta la victoire, et mit l ’autre en pleine déroute,
Méhémet se sauva à Téhéran avec les débris de ses troupes,
s’établit dans cette v ille , s’y fortifia, et en fit dès-lors le centre de
ses opérations.
Pendant que les Lors et les Bakhtiaris, à l’occident de. la Perse,
eecupaient l’un des concurrens au trône, l’autre levait des troupes
au midi, et se préparait à revenir dans la capitale. Djaffar n’apprit
pas plutôt la défaite de son ennemi, qu’il partit de Chiras en toute
diligence, le 18 d’août, et se trouva à la fin du même mois sous les
murs d’Ispahan.
Bagher avait été rétabli par Méhémet dans le gouvernement de
cette ville 1 c ’était en effet l’homme qui devait être le plus disposé à
résister 4 Djaffar, mais il lui eût fallu plus de troupes qu’il n ’en
avait. Cinq ou six mille hommes que son maître lui avait laissés ,
j*e lui permettant pas d ’aller au-devant de l’ennemi pour le combattre
, ni de sontenir un siégé dans une place fort étendue et ouverte
de toutes parts, il prit le parti de s’enfermer dans la forteresse
nommée Tabarok, qui est située vers le nòrd de la v ille , et là de
s’y défendre jusqu’à ce que Méhémet vînt le dégager. Il avait eu la
précaution de la réparer, d’y faire passer des vivres, et de la munir
de plusieurs pièces de canon.
Djaffar entra dans Ispahan sans éprouver de résistance ; mais il
ne put d’abord forcer la citadelle, ni engager le gouverneur à la
livrer, malgré les offres séduisantes qu’il lui fit. Bagher se défendit
avec courage, et ne voulut souscrire à aucune proposition que son
ennemi put lui faire. Cette conduite était prudente et conforme à la
situation dans laquelle il se trouvait ; il ne pouvait se fier à la parole
de Djaffar, et il avait tout à attendre de Méhémet. Les habitans de
la ville penchaient pour celui-ci, et il y avait lieu d’espérer qu’on'
le verrait paraître d’un instant à l ’autre. D ’ailleurs, Bagher ne pouvait
pardonner à Djaffar le traitement barbare qu’il en avait reçu,
sans être le plus vil des hommes.
Les premières tentatives que fit Djaffar pour s’emparer de la citadelle,
n’ayant pas réussi , il se détermina, le 26 octobre de la même
année, à faire un dernier effort, et à l ’attaquer en même tems de
tous côtés. En effe t, dès la pointe du jour toutes les troupes furent
sur pied; partout on dressa des échelles, et partout on combattit
avec une égale fureur. Djaffar animait ses troupes, et leur promettait
des-récompenses ; Bagher se portait dans tous les lieux où sa
présence était nécessaire, avec un courage, une activité, une présence
d’esprit dont on ne le croyait pas capable. Ses troupes firent
des prodiges de valeur; plusieurs fois elles parvinrent.à terrasser
des pelotons ennemis qui avaient franchi le mur ; plusieurs fois
elles renversèrent sur le mur même des compagnies entières. Mais
à la fin celles de Djaffar vinrent à bout de se maintenir sur plusieurs
points, et bientôt elles pressèrent de tontes parts les assiégés.
Bagher, vivement combattu par un grand nombre d’ennemis, se
défendit long-tems, et fit mordre la poussière à plusieurs avant de
succomber. Presque tous ses amis moururent les armes à la main :
ceux que le fer du soldat n’atteignit pa s, implorèrent en vain la
miséricorde du vainqueur; Djaffar leur fit trancher la tête, et leurs
biens furent confisqués àu profit de l’armée.
Ismaël-Khan, dont nous avons déjà parlé, était depuis long-
tems rentré en g râ ce, et avait même obtenu le commandement