Tahmas , léur exposa les inconvéniens qu'il y avait d’être gouvernés
par un enfant, leur dit qu’ayant purgé le sol de la Perse
des Afghans qui l ’infestaient, des Turcs et des Russes qui le déshonoraient
, il était tems qu’il remît l’épée dans le fourreau, et qu’il
jouît des douceurs d’une vie obscure et paisible. I l les invita ensuite
a se choisir un roi digne de les gouverner, capable de conserver
intact le plus bel Empire de la T e r re , capable de les faire respecter
au dehors , de maintenir au dedans la tranquillité, et de
réparer tous les maux qu’une longue guerre avait occasionnés
(i)»
Nadir avait gagné presque tous ces députés, ou par des présens,
ou par des promesses : il était sûr de l’armée, qui avait la plus hautè
idée de ses Aalens militaires , et qui lui était d’ailleurs attachée par
ses bienfaits et ses largesses ; de sorte que par tout le camp ce ne
fut qu’un cri pour qu’il acceptât la couronne. Celui, disait-on, qui
a vaincu tous nos ennemis, qui les a chassés de notre territoire,
qui nous a rendu nos femmes et nos enfans, qui nous a fait rentrer
dans tous nos biens, mérite de régner. Quelques mollas voulurent
persuader aux députés, qu’il fallait continuer de donner à
Nadir le titre auguste de veli-nimet ou de bienfaiteur de la Nation
qu’il avait pris en déposant Chah-Tahmas, et conserver à Abas III
l ’héritage de ses pères. Ils accompagnaient leurs propositions de
tons les éloges qui pouvaient adoucir un refus (2).
Mais Nad ir, qui avait pris son pa rti, et qui était bien disposé à
passer, s’il le fallait, par-dessus les formalités d’une élection , rejeta
dans une seconde assemblée l’offre qu’on lui faisait de la
régence. Il vous faut un ro i, disait-il, et non pas un enfant qni n’est
rien aujourd’h u i, et qni n’aura un jour ni plus de talens, ni plus
de force d’ame que son père et son aïeul : il aljonta avec un désintéressement
affecté, qu’il ne voulait plus être régent, qu’il allait
même se démettre du commandement de l’armée, et se retirer dans
le Khorassan.
(1) Other, Voyage en Turquie et en Perse, tom. I , pag- 3a8.
(a) Other, Voyage en Turquie et en Perse, tom. I , pag. 33o.
Alors ses partisans, répandus en grand nombre dans l ’assemblée,
élevèrent leur v o ix , et dirent qu’ils ne Tordaient d ’antre roi que
Nadir , d’autre général que celui qui les avait toujours conduits à
la victoire. Que deviendrions*n«us ? que deviendrait l ’Empire,
s’écriaient-ils de toutes parts, si celui qui l ’a reconquis, et qni en
est le seul soutien, allait nous abandonner? Ce serait nous livrer
une seconde, fois aux Afghans, aux Turcs et aux Russes. Quelques
mollas et quelques grands que les offres de Nadir n’avaient pu corrompre
, frémirent à ces cris ; mais ils connaissaient le voeu unanime-
'e t bien prononcé de l’armée; iÊ savaient que Nadir, orgueilleux,
irascible et vindicatif, ne manquerait pas de les faire périr par le
fer ou le poison s’ds osaient trop ouvertement s’opposer à ses desseins
; ils crurent qu’il était prudent de se taire et de consentir à
ce qu’ils ne pouvaient empêcher. L ’assemblée conféra donc sans
opposition à Nadir le titre de chah on de r o i , que celui-ci eut
même l’air de ne vouloir accepter qu’aux conditions qu’on prêterait
serment d’obéissance et de fidélité à lui et à sa postérité, et
qu on souscrirait à quelques changemens qu’il avait à proposer relativement
à la religion (1).
Ceci déplut bien davantage aux mollas : ils opposèrent, pendant
plusieurs séances, une résistance à laquelle Nadir ne s’attendait
pas, et qui 1 irrita d’autant plus que le peuple tient beaucoup à sa
croyance, et qu’il regarde.les chefs de la religion comme des oracles
infaillibles. Ne pouvant ramener les mollas par des promesses
ou des présens, encore moins les persuader par le raisonnement,
cet homme, à qui rien, selon lu i, ne devait résister, crut pouvoir
terminer ces discussions par un de ces coups d’autorité qui sont la
dernière raison des ro is , et le plus sinistre présage de leur conduite
future; il fit étrangler par ses bourreaux , au milieu de l ’assemb
lé e, le chef de la religion (2) un jour qu’il parlait avec fo rce ,
dignité et respect, et qu il montrait pour la croyance de l ’État, tout
le zèle et le courage que le devoir de sa place lui imposait.
(1) Other, Voyage en Turquie e t en Perse, tom. I , pag. 3 3L.
(2) Idem } idem -