c ’était leur faire prendre un second engagement de nous être fidèles.
En acceptant nos dons, en mangeant avec nous, le traité que nous
avions fait en partant, leur devenait plus sacré; nous pouvions dès-
lors les suivre sans craindre une perfidie de leur part.
Nous quittâmes en,cet endroit le pin d’A lep , et nous commençâmes
à en voir deux autres espèces qui ressemblent un peu au
lariccio ou pin de Corse; ils s’élèvent à plus de cent pieds sur une
tige fort droite. Le chêne ordinaire et celui à fruits pédonculés
sont très-communs sur ces montagnes, et forment en quelques
endroits d’épaisses forêts. Nous continuâmes à voir le térébinthe,
le paliure, le genévrier, le myrte, le lentisque. Nous marchâmes
encore quatre heures toujours en nous élevant, et nous arrivâmes
à un petit village de Caramans, où se trouvait l’aga qui commande
à cette contrée. Le village n’était formé que de quelques cabanes
réunies : nous en avions vu quelques-unes éparses sur la route.
Nous ne rencontrâmes point de cultures; nous vîmes seulement
autour du village quelques jardins en assez mauvais état-..
L ’aga nous reçut fort bien, et nous traita de son mieux. Le capitaine
du navire lui envoyait en présent quelques livres de sucre,
de café, de tabac à fumer, et de riz. Il s’informa si nous avions été
contens des conducteurs qu’il nous avait envoyés, et si nous étions
bièn aises d’avoir les mêmes jusqu’à Caraman. Nous répondîmes
que nous irions volontiers avec eux jusqu’à Constantinople si cela
se pouvait. En effet, nous n’avions point du tout à nous plaindre
d’eux ; ils avaient été très-attentifs, très-complaisans ; ils ramassaient,
chemin faisant, toutes les plantes que nous leur indiquions,
et lorsque nous descendions pour les prendre nous-mêmes, ils s’arrêtaient,
et nous attendaient aussi long-tems que nous voulions ,
sans murmurer.
Le lendemain 22, nous donnâmes quelques piastres à l ’ofïïcier
qui vint nous souhaiter, de la part de l ’agà, un bon vo yag e, e t
recommander aux conducteurs d’avoir bien soin de nous. Noua
montâmes à cheval à la pointe du jour, et nous traversâmes des.
montagnes couvertes de chênes et de pins : le storax, le térébinthe
et le lentisque s’y trouvaient très-abondans..
Après huit heures de marche nous descendîmes beaucoup , et
nous nous trouvâmes dans une large vallée : nous passâmes à gué
une rivière assez grande ; nous marchâmes encore une heure, et
nous en vîmes une. autre presqu’aussi grande que la précédente :
leur cours était de gauche à droite ; nos conducteurs nous dirent
qu’elles se réunissent à quelques lieues de là , et qu’elles vont passer
à Sélefkéh. Nous ne doutâmes pas que ce ne fût le Calycadnus, et
que nous ne fhssipns dans la plaine de la Cilicie Trachéolite, où se
trouvaient les villes d’Olbe et de Philadelphie.
Nous remontâmes quelque tems la seconde rivière , en nous dirigeant
au nord-ouest, et nous nous arrêtâmes sur ses bords à l’entrée
de là nuit : nous marchâmes ce jour-là onze heures.
Cette plaine se prolonge beaucoup à l’orient et un peu moins
à l’occident : elle n’a pas trois lieues de largeur du nord au sud ;
elle présente partout des inégalités, partout on remarque des dépôts
sabloneux, des coteaux de cailloutage; la terre y est en général
assez bonne. On y recueille du froment, de l’orge, du sésame, du
"coton : nous y vîmes beaucoup de melons et de pastèques ; nous
retrouvâmes la petite mimeuse et l’alagi de la Perse et de la Syrie,
et le peuplier des bords de l’Euphrate ; le platane y. était fort abondant.
! Lè 28, nous remontâmes encore la rivière : nous vîmes un pont
à sept arches, qui Conduisait à un petit village peu distant de là ;
nous vînmes passer sur un autre pont près de la source, et nous
quittâmes la plaine. L ’olivier que nous avions commencé à voir la
veille parmi les chênes et les pins, se trouvait ici plus commun ; il
croît sans culture sur les fentes des rochers, sur le bord des précipices
, sur des terrains extrêmement en pente , comme sur ceux
qui sont en plaine^: on ne peut douter en le Voyant, qu’il n’y soit
tôut-à-fait sauvage, et qu’il ne soit originaire de ces contrées; il
n’est point élancé comme ceux qu’on cultive en Crète et en Syrie ;
il est ordinairement en buisson parce qu’il est souvent rongé par les
bestiaux , et parce que sa souche est toujours entourée d’un grand
nombre de rejetons i on en voit cependant qui forment dès arbres
de moyenne grandeur ; nous l ’avons même vu quelquefois assez