Le vent était au nord, et lie tems assez, beau. Avant le Coucher
du sole il, nous distinguâmes très-bien l’île de Marmara, vers laquelle
nous paraissions nous diriger. La nuit le vent tomba presque
tout-à-fàit, et la mer fut très-calme : au jour, le navire se trouva
à l’occident de l’île; il avait fait près de dix lieues , plus par l’eifet
du courant que par celui du vent. Au lever du soleil, le ciel se couvrit
peu à peu de nuages , et le vent souffla faiblement du nord-
nord-est : à midi nous étions près de Gallipoli, et à six heures du
soir nous jetâmes l ’ancre devant la ville des Dardanelles.
Un Français qui y. était étab li, ne nous eut pas plutôt apperçu,
qu’il vint nous donner avis que la peste s’était montrée dans la
ville d’une manière effrayante ; que la plupart des habitans avaient
fui et s’étaient réfugiés, les uns à May ta , les autres dans 1 intérieur
des terres ; que le consul français s’était isolé, et qu’il y avait
du danger pour nous de descendre à terre. Nous exigeâmes dès-
lors de notre capitaine, qu’il empêchât son équipage de quitter le
bord ; nous obtînmes du douanier, moyennant un présent, que le
navire ne fut pas visité ; nous nous rendîmes chez le consul pour
le saluer et prendre ses commissions, e t le premier juin après midi
nous continuâmes notre route , le vent étant au nord-nord-est et
assez frais.
Dans moins de trois heures nous sortîmes du canal , et doublâmes
le cap Sigée : nous longeâmes la côte , et mouillâmes, à
cinq heures du soir, au-delà du cap de Tro ie, par quatre brasses
sur un fond de sable et d’algue. Nous avions au nord-est le tombeau
de Pénéléus, et nous étions à peu de distance de la nouvelle
embouchure du Scamandre.
Le 2 , au lever du so le il, nous descendîmes à terre , et allâmes
encore une fois visiter des lieux qu’on revoit toujours avec le même
intérêt» Presque tous les Français qui se trouvaient à bord nous
accompagnèrent dans cette course que nous fîmes à pied. Nous
rentrâmes au navire à deux heures du so ir , et à trois èt demie
nous jetâmes l’ancre devant Alexandria-Troas : le reste de la journée
fut employé à parcourir les ruines de cette ville. A la nuit, on
déploya les voiles et on fit route.
Le 3 , au lever du so le il, le navire avait dépassé Mételin, et
avant midi il se trouva mouillé dans la rade d’Ipsera.
Nous ne pûmes; descendre à terre : les primats de l’île s’opposèrent
à ce que des étrangers qui venaient d’une ville pestiférée,
communiquassent avec les habitans. Le capitaine seul, en sa qualité
de Tu rc, put jouir de cette faculté : du reste, on nous fit passer
toutes les provisions dont nous avions besoin.
Ipsera est une île peu étendue , peu importante ; elle est éïevéè ,
montagnèuse , sèche, aride , peu susceptible de culture, si ce n’est
sur quelques points. La partie orientale, que nous côtoyâmes, nous
parut volcanique. Là rade , qui se trouve au sud-ouest , dans
laquelle nous mouillâmes , est grande , assez sûre : on y voit un
petit port capable de contenir huit ou dix navires. La ville est
très-petite : on nous dit qu’elle n’avait pas plus de trois bu quatre
cents habitans : il n’y en a pas d’autre dans l’île.
Le 4 , à huit heures du matin, on leva l’ancre , et nous fîmes
route, le vent étant, comme la ve ille , nord-nord-est assez frais.
Nous vînmes passer à une demi-lieue d’Antipsëra , rocher très-
élevé , qui abrite la rade d’Ipsera. A cinq heures du soir nous
avions doublé Capo-Dorô , et mouillé à une anse ou port naturel
qui se trouve au-delà : il est nommé Porto-Daïlp sur la carte de
M. de Ghabért; il est exposé au levant et au siroco, et à l'abri du
nord et du nord-ouest, qui sont ceux qui occasionnent les tempêtes
dans l’Archipel.
La côte, aux environs , est schisteuse : le terrain , dans l’intérieur,
est sec, montagneux d’une médiocre qualité. Nous vîmes
quelques champs d’orge qu’on venait de moissonner. Au fond de
cette anse, près du rivage, il y a une petite fontaine où un navire
peut faire de l ’eau.
Le 5 , à la pointe du jour', nous sortîmes de ce port', et avant
midi nous avions doublé le promontoire Sunium, qu’on nomme
aujourd’hui Cap-Coionne, à cause des neuf colonnes qui restent
encore debout du temple de Minerve. Nous jetâmes l’ancre afin de
pouvoir nous y rendre.
Cette partie de i’Attique a la réputation y peut-être injustement,
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