Méhémet avait appris en route la rentrée de Lutf-Ali dans Chira
s , et la mort de tous les * conj urés. Ce contre-tems, auquel il ne
s’était pas attendu, le rendit; très-circonspect ; il n’osa rien entreprendre
contre là ville; il se contenta deiCamper à quelques.lieues
des murs, afin d’observer ce qui se:passait, et de connaître la disposition
des hahitans à son égard.
Pendant ce tems, Lutf-AH organisait son armée; il parvint à
réunir environ, trente mille hommes bien armés , bien aguerris ,
bien disposés à se battre ; il osa, avec des forces aussi inférieures,
.sortir de Chiras le 7 d’août 1789, et aller présenter le combat à son
ennemi.
Les deux armées en vinrent aux. mains dans une plainé , à deux
lieues de Chiras : celle /le Méhémet, postée sur une légère éminence,
fut attaquée sur tous les points avec tant d’impétuosité, qu’elle céda
au premier choc, et s'ébranla,de .tous les côtés. Les trois frères firent
tous leurs efforts pour la railjer et la ramener au combat ; mais
Lutf-Ali soutenant, par son exemple, l’ardeur des siens, acheva
bientôt de rompre entièrement le centre. L ’aile gauche et l ’aile
droite parvinrent à en faire . autant. La bataille était gagnée : on
pliait poursuivre l’ennemi quand tout à coup les affaires changèrent
de face. Mohammed-Khan, qui commandait l ’aile gauche
de l ’armée victorieuse, soitpa r jalousie, soit par ambition, abandonna
tout à çoup le champ de bataille avec j six mille Lors et
Curdes qu’il commandait, et prit la route du Loristan; ce qui occasionna
un grand désordre dans le reste ,de l ’armée.
. L utf-Ali fit; courir après son parent, sans qu’on pût l ’engager à
revenir sur. le champ de bataille ; il fit tpus, ses efforts pour (fétruire
la mauvaise impression que ce départ avait produite dans l ’armée,
sans pouvoir non plus y parvenir. Ses troupes, découragées, n ’obéirent
plus, à leurs chefs - bien loin de poursuivre i’ermem,i, et l ’empêcher
de. se rallier, elles prirent à toutes jamhes le chemin de la
ville. • ,.
; ,pMéhé,met, revenu de sa première frayeur , ne perdit pas un montent
pour annoncer 1 à ses troupes ce, qui se passait, et pour les
ramener à la charge ; il en vint facilement à bout ;> mais il leur
ordonna
ordonna eh vain de.se faire jour et de pénétrer dans la ville. "Lutf-
A li se retirait en bon ordre avec quelques escadrons auxquels il
avait su inspirer son courage , et renversait tout ce qui se présentait
devant lui ; il combattit de même à la porte de la ville jusqu’à
ce que tous les siens fussent rentrés. La perte qu’il éprouva, fut
peu considérable ; mais il fut extrêmement sensible à la trahison de
Mohammed ; il ne pouvait pardonner à un proche parent de lu;
avoir fait perdre une si belle occasion de détruire son ennemi, et
par-là de ramener la paix et le bonheur dans tout l’Empire.
Après ce succès , l’armée de Méhémet vint occuper le camp
retranché qui se trouve à une portée de canon des remparts :
c ’était celui qu’Ali-Murad avait fait construire, et qui se trouvait
encore en bon état. Elle tenta , pendant plus de quarante jours
qu’elle resta dans ce lieu, plusieurs attaques contre les parties les
plus faibles de la ville; elle fut toujours repoussée"’avec une très-
grande perte. A la fin, Méhémet désespérant de réduire la place
tant qu’elle serait défendue par un ennemi aussi brave et aussi
actif, craignant même d’être bloqué à son tour s’il demeurait plus
long-tems dans ce camp, il le quitta la nuit du 19 au 20 septembre
, et se retira à Téhéran, abandonnant à l'ennemi ses tentes et
une partie de son bagage.
Ce qui le détermina à se retirer avec tant de précipitation, c’est
qu’il venait de recevoir l’avis que les Bakhtiaris, indignés de la conduite
de Mohammed-Khan, s’étaient armés en faveur de son neveu.;
-et qu’ils marchaient pour délivrer Chiras. Ils rentrèrent dans leur«
-foyers dès qu’ils apprirent que le siège était levé. Lutf-Ali profit^,
bientôt après , de la bonne disposition de ces montagnards envers
lu i , pour mettre en fuite son oncle, et punir la plupart de ceux qui
¡l'avaient si indignément abandonné.
Lorsqu’il se fiat pleinement satisfait à cet égard, il songea à se
rendre maître d’Ispàhan par un coup de. main. Il sortit à cet,effet
; de Chiras, vers la fin dei novembre, de la même année,, avec dix
.îniUe cavaliers d’élite, n’emportant avec lui ni tente , ni bagage ,
ni rien qui pût arrêter sa marche. Il comptait, pour la nourriture
.du soldat, sur les villages qu’ils rencontreraient ; et sur quelques
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