que ce scheik était àK h ou é r i, il s’empara de l ’île K a re k , qu’occupaient
depuis long-tems les Hollandais, et où. ils s’étaient assez bien
fortifiés.
Mir-Mahenna ne jouit pas long-tems du plaisir d’être rentré dans
ses domaines, de les avoir même agrandis par la prise de Karek.
Ses propres troupes , que sa tyrannie et sa férocité lui avaient
depuis long-tems aliénées, résolurent, peu de tems après leur arrivée
à Bender-Rik, de se saisir de lui, et de le livrer à Kérim. Instruit
de ce complot, il prit la fuite, et vint à Bassora, où il espérait
vivre en paix en attendant qu’il eût pu conjurer l ’orage ; mais
il se trompa : le mutselim , qui le regardait comme un ennemi des
Turcs, le fit arrêter et lui fit trancher la tête.
Apres la mort de Mir-Mahenna, Bender-Rik et les deux îles de
Khouéri et de Karek rentrèrent sous la domination de Kérim.
Pendant plusieurs années la Perse jouit de la plus grande tranquillité.
Moyennant les Otages que le vékil avait réunis à Chiras et
a Kaseroun, ou qu’il avait placés isolément dans l’armée, il'ri’eùt
à punir aucune rébellion, ni à réprimer aucune tribu un peu considérable.
La précaution qu’il prit de ne jamais congédier ses troup
e s , et de les tenir sans cessé en mouvement, devait rendre les
khans circonspects,. et empêcher, parmi les militaires, les complots
que 1 oisiveté aurait fait naître. Oh pense bien qu’il ne manquait
jamais de prétextes lorsqu il fallait occuper ses troupes : tantôt il
envoyait des détachemens vers les provinces dont les gouverneurs
lui paraissaient suspects , ou qui mettaient trop de lenteur à faire
passer les sommes d’argent destinées pour le trésor royal ; tantôt
il ordonnait à divers corps d’aller pour quelques mois dans les
Contrées les plus abondantes, en comestibles ou en fourrages. Si les
caravanes paraissaient avoir des craintes d’être pillées, c’était un
motif pour detacher cinq ou six mille hommes vers les endroits qui
pouvaient être menacés.
Le Mazanderan et l’Aderbidjan furent surtout les provinces où
-Kérim fit passer le plus fréquemment des troupes. Il fallait contenir,
dans la première, les seigneurs qui,ne pouvaient s’accoutumer au
joug d’un Curde, et se tenir ep garde contre les entreprises des
Turcomans et des Ouzbeqs , qui pouvaient fondre des diverses
contrées du Khorassan. II fallait, dans la seconde, surveiller les
Lezguis, les Géorgiens , les Arméniens et les Turcs, et se tenir
toujours prêt à combattre le khan de Kouba s’il s’écartait de ses
devoirs.
Mais cet état de pa ix , qui faisait le bonheur des peuples, excitait
de tems en tems le murmure des troupes. L a militaire desirait la
guerre, parce que ce n’est que dans le tumulte des armes, et à la
suite d’une bataille gagnée ou 'après la prise d’une ville, qu’il peut
espérer de s’enrichir promptement. Le danger n’est rien pour lui ;
il est toujours prêt à le braver, pourvu qu’il se flatte de pouvoir
s’approprier tout ce qui tombera sous sa main.
Kérim résolut de faire cesser ces murmures en faisant la guerre
aux Turcs.
Depuis que les Persans sont régis par les lois du Coran, ils n’ont
jamais cessé de porter leurs regards vers cette heureuse contrée que
le Tigre et l’Euphrate arrosent ensemble de leurs eaux. C’est le
berceau de la religion des Chiis ; c’est là que reposent les dépouilles
mortelles d’A li et de quelques-uns des imans légitimes que la puissance
des califes a opprimés ; c ’est sur cette terre que les Persans
croient, devoir se rendre une fois en leur vie , et où ils ordonnent,
s’ils le peuvent, que leur corps soit transporté après leur mort.
Samarra, Bagdad, Kerbela et Mesched-Ali sont des lieux aussi
sacrés , aussi \ vénérés par eux , que Médine et la Mecque par les
Othomans , que Bethléem , Nazareth -et Jérusalem par les Chrétiens.
Indépendamment du motif religieux qui devait entraîner une
partie de la nation vers cette guerre, Kérim y voyait un motif
politique.
Le commerce de la Turquie a v e c ,l ’Inde , qui donnait autrefois
de très-grands bénéfices à la Perse, ne se faisait presque plus que
par Bassora. Les marchandises qn’on transportait par terre, sous le
règne des Sophis, de l ’Indoustan en Perse, et de la Perse en Turquie,
ainsi que celles qu’on déposait àOrmus_ou à Gomron, et
auxquelles on faisait traverser le Laarestan et le Farsistan pour les