danger devint pressant, et il ne songea pas à lever des troupes et
à combattre à la fois toutes les tribus révoltées.
Toujours guidé par les courtisans , qui ne voyaient d’autres ennemis
que ceux qui pouvaient les supplanter , il rappelait les généraux
qui obtenaient des succès ; il faisait crever les yeux aux ministres
qui auraient pu conjurer l'orage; il éloignait de ses conseils les
hommes assez courageux pour désigner Íes vrais ennemis de l’Etat.
L ’Empire était menacé, et Chah-Hussein prodiguait l’or de ses Sujets
pour la construction d’un palais magnifique .à deux lieues d’Ispa-
han (1). Les impôts ne pouvant suffire à toutes les dépenses extraordinaires
qui dûrent avoir lieu , on pressura le peuple, on dépouilla
les riches, on mit à contribution les grands, et on eut recours, pour
cela, aux exactions, aux violences, à tous les actes de cruauté.
Cet état de choses ne pouvait durer. Les Afghans du Kandahar
secouèrent le joug et marchèrent sur Kerman.
Les Abdalis tuèrent le gouverneur de H érat, et se rendirent maîtres
de la ville.
Les Arahes de Mascate s’emparèrent dès îles de Barrhein, et
firent des incursions dans tout le midi de la Perse. '
Les Curdes réunis dans la plaine d’Amadan menacèrent cette ville,
et osèrent s’avancer jusqu’aux portes d’Ispahan, où ils enlevèrent
plusieurs chevaux des haras du roi.
Les Ouzbeqs et les Turcomans, tribus guerrières et féroces, ravagèrent
, à l ’est et au sud-est de la Caspienne, le Khorassan, le
Déhéstan, le Jorjam et lés environs d’Aster-Abad.
Les Lezguis ne recevant plus les subsides que la cour s’était depuis
long-tems engagée à le u r p a y e r , se soulevèrent, e t jetèrent le
trouble et la désolation dans la Géorgie, le Daghestan, le Tabes-
seran, le Chyrvan et tous les pays situés à l’occident de la Ca,s-
piènne.
Dans l’espace de quelques années, toutes les provinces furent
agitées, tous les trésors dissipés, toutes les ressources épuisées, e t ,
(1 ) Ce palais se nommait Fërabat] il était près du faubourg de Julfa. J’en ai parlé
au chapitre VI,
-t ce
ce qui fut le plus fâcheux , la confiance dés peuples envers le roi
et les ministres fut détruite.
Dans ces circonstances malheureuses, Mahmoud, jeune homme
plein de courage, et fier des succès que sa nation a obtenus sur
les Persans (x) -, voyant le'moment favorable pour l ’exécution de
ses projets , lève une armée de vingt-cinq mille Afghans, traverse
des,déserts brûlans èt arides, franchit deux cent cinquante lieues
de terrain, laisse les villes qui lui résistent, arrive , au commencement
de mars 1722, à Gulnabat (2) 5 défait, le 8, l ’armée persane,
beaucoup plus nombreuse que la sienne; s’avance jusqu’aux portes
dTspahan; s établit à Férabat, maison royale que l’on vient d’abandonner
5 s’empare de Julfa, qui n’est pas secouru (3) , et se dispose
attaquer les ponts du Zenderout pour se frayer une route à là
v ille .,
Les Persans, quoique mal commandés, quoique livrés à des chefs
sans courage, sans énergie; quoiqùe trahis par l’un de ces chefs ,
étaient cependant si nombreux, la ville était si Vaste, la population
, presque toute guerrière , était si considérable , que les A f ghans
sont un moment effrayés de leur entreprise. Mahmoud offre
même à Hussein de se retiren s’il veut lui donner une de. ses filles
en mariage, et lui céder en toute souveraineté lés provinces dp
Kandahar, de Kerman, de Ségestan et de Khorassan. Hussein, qui
compte, sur les secours que doivent lui amener les gouverneurs de
provinces., refusé de souscrire à ces propositions.
Trop engagé pour reculer , trop exposé à être harcelé et même
battu dans sa retraite, Mahmoud, qui ne peut espérer de prendre
de vive force, avec une poignée de guerriers , la capitale de la
Perse, veut essayer de la réduire par famine. Il ravage à cet effet
(1) Le Kandahar s’était rendu indépendant, et ses habitans avaient ravagé le
Kerman.
(2) Gulnabat, village à trois lieues à l’orient d’Ispahan.
(3) Julfa, faubourg considérable'au sud d’Ispahan, vers la rive droite du Zenderout.
Les Arméniens, que la cour avait fait désarmer, se défendirent néanmoins
«vec courage. Pour peu qu’ils eussent été secourus, jamais les Afghans ne se seraient
emparés de leur faubourg.
Tome III. q c