et se disposaient à s’opposer à tontes ses entreprises. Lorsque
Youssëf en fut instruit, il fit à ces deux généraux, dont il connaissait
la bravoure et l’intelligence, les promesses les plus propres
à lesséduire ; il leur fit espérer les emplois les plus lucratifs, le gouvernement
des plus riches provinces et le partage de tout le butin
qui tomberait entre leurs mains, s’ils voulaient se joindre à lui et
l ’aider à soumettre tout l’Empire au jeune roi.
Mir-Alim et Djaffar, qui avaient déjà une armée très-nombreuse,
composée d’Arabes et de Curdes, déclarèrent qu’ils ne consentiraient
jamais à aucune proposition tendante à replacer sur le trône
un aveugle, et encore moins à ce qu’Youssef les gouvernât au nom
de cet aveugle.
Youssef se vit alors obligé de sortir de Mesched avec toutes ses
forces, et d’aller combattre ceux dont il ne pouvait gagner l ’amitié.
Mir-Alim et D jaffar, pleins de confiance dans la valeur et la bonne
discipline de leurs troupes, vinrent au-devant de lui, et l ’atteignirent
à deux journées de Nichapour. Le combat fut long et opiniâtre ; la
victoire fut long-tems incertaine ; mais vers la fin du jour Youssef
ayant été blessé, les Turcomans qu’il commandait, le croyant mort,,
se débandèrent et prirent la fuite.' Youssef tomba par ce moyen au
pouvoir de ses ennemis, qui lui firent à l’instant crever les yeux.
Après cette victoire , les deux généraux prirent la route de
Mesched, où ils entrèrent sans opposition dans le courant de mai
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Charokh, le malheureux Charokh, toujours en butte à sa mauvaise
fortune, fut encore une fois précipité du trône et conduit
dans une étroite prison.
Mir-Alim et Djaffar avaient l’un et l ’antre trop d’ambition et
trop de mauvaise foi pour vivre long-tems en bonne intelligence.
Unis d’intérêt contre Youssef tant que celui-ci fut puissant,.ils se
désunirent lorsqu’il s’agit de partager entr’eux l’autorité ou de la
céder l’un à l’autre. Égaux en forces, ils le furent en prétentions j
ils ne voulurent point travailler de concert pour soumettre le reste
de la Perse , ni en venir à un arrangement amical au sujet du
Khorassan , dont ils. étaient déjà les maîtres. A peine eurent-ils fa it
leur entrée à Mesched, qu’ils rompirent leurs liaisons, et qu’ils
résolurent de recourir aux armes pour décider à qui resterait le
suprême pouvoir.
Ils sortirent de la ville en juin de la même année par deux portes
opposées, campèrent quelques j ours à deux ou trois lieues des murs,
et en vinrent aux mains avec un acharnement tel qu’on peut le supposer
entre deux hommes qui ont la perspective du trône ou du cercueil.
Les Çurdes, plus robustes, plus aguerris, furent un moment
sur le point de triompher. Les Arabes plièrent au premier choc et
se débandèrent'en partie ; mais bientôt ils se rallièrent à la voix
de leur chef; ils firent des prodiges de va leur, et fixèrent enfin la
victoire. Les Curdes, vivement pressés à leur tour dans tous les
points, cédèrent le champ de bataille. Djaffar fut pris en combattant,
et amené aux pieds de son ennemi, qui eut la cruauté de lui
faire arracher les yeux.
Mir-Alim, par cette victoire, se voyant maître des trésors de
Charokh, d’Youssef et de D jafïar, ainsi que de tous les revenus
du Khorassan , put soudoyer toutes les troupes qui se trouvaient
éparses dans la province. Les Turcpmans qui avaient combattu
pour Youssef, les Curdes de Djafïar et quelques Ouzbeqs que ses
promesses séduisirent,’ tous vinrent se ranger sous ses drapeaux :
ses forces réunies se montaient à plus de soixante mille hommes.
Déjà il méditait la conquête de la Perse ; déjà il se disposait à
prendre la route du Mazanderan pour combattre Mohammed-Has-
san-Khan qui s’y fortifiait, lorsqu’il apprit qu’un ennemi plus dangereux
le menaçait.
Achmed, que nous avons dit être allé dans le Kandahar après la
mort de Nad ir, et s’y être fait proclamer r o i , ne devait pas toujours
rester indifférent aux dissentions de ses voisins : il avait à ses
ordres une armée aguerrie qu’il fallait occuper; il venait d’ériger
en royaume une simple province; il avait l’ambition d’étendre son
pouvoir. La Perse était livrée à plusieurs chefs : la famille de Nadir
•se détruisait entr’elle’; celle de Chah-Hussein était depuis long-tems
étèinte. Jamais il ne pouvait se présenter une plus belle occasion
de réunir encore une fois le Kandahar à la Perse , et de ne faire
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