au premier de se fortifier ; ils ne firent p a s , pour empêcher la
désertion, tout ce qu’ils auraient pu faire.
Lorsque Charokh eut été joint par ses deux généraux, il ne perdit
pas un moment; il marcha vers les révoltés. Son armée, plus
nombreuse, plus aguerrie que celle de Seyd-Moliammed, lui faisait
espérer le succès le plus complet ; il ignorait qu’elle allait combattre
pour un chef qu’elle n’aimait plus , et que l’autre allait
défendre ce qu’elle avait de plus cher. Charokh-; jeune, bouillant,
présomptueux, n’avait pas encore acquis assez d’expérience, et son
adversaire avait vieilli dans les combats. Lie premier était brave ;
mais le second joignait 1 habilete a la bravoure. Les généraux de
Charokh auraient pu sans doute le faire triompher ; mais ils souhaitaient
de le voir descendre du trône pour y monter eux-mêmes
si l ’occasion leur était favorable, ou pour obtenir du moins toutes
les faveurs du nouveau roi.
Impatient d’en venir aux mains, Charokh ne chercha qu’à atteindre
l ’ennemi : celui-ci parvint facilement à l ’éviter, et prit si bien
ses mesures , il sut à bien combiner ses marches et se ménager au
loin des intelligences, que l ’armée royale manqua de vivres et se
débanda en partie. Seyd-Mohammed , profitant de ce désordre,
1 attaqua , la mit en déroute, fit le roi prisonnier, ordonna sur-le-
champ qu’on lui crevât les y eu x ; e t , sans perdre de tems, m u
consulter les -chefs des tribus, sans faire part de ses projets aux gouverneurs
des villes et. des provinces, sans avoir rien fait,encore pour
capter l ’opinion publique , aidé seulement de quelques religieux et
d’une trotipe dé fanatiques , il vint se faire proclamer roi à Mesched,
sous le nom de Suleyman*
Youssef-Ali, qui n’avait pas regardé d’abord comme bien dangereuse
la révolte de cet ambitieux, qui avait vu d’ailleurs autour
de Charokh plus de troupes qu'il n’en fallait pour punir un cou pable
et faire rentrer dans le devoir les habitons d’une ville, était
resté aux environs .d’H é ra t, où sa présence était très-nécessaire ;
mais lorsqu’il fut instruit de la défaite de Charokh et de l’élévation
de Mohammed au trône, il se mit aussitôt en marche pour l ’en
précipiter. Chemin faisant , i l écrivit à Mir-Alim et à Djaffar, qui
se trouvaient toujours à la tête de leurs troupes, pour les inviter à
venir lé joindre et à combattre de concert leur ennemi commun. Ces
deux généraux, qui voulaient sans doute prolonger les troubles de
leur patrie afin d'en profiter, ne se rendirent point à cette invitation
, sous prétexte que les troupes qu’ils commandaient, refusaient
de combattre celles du nouveau roi.
Youssef n’avait .avec lui que dix mille cavaliers turcomans, et
trois ou quatre mille hommes de la garde à cheval de Charokh ,
qui étaient venus le joindre. Seyd-Mohammed avait rassemblé dix
ou'douze mille cavaliers et autant de fantassins autour de Mesched,
et avait attendu de pied ferme son ennemi.
Les deux armées, également impatientes d'eii venir aux mains,
ne furent pas-plus tôt en présence l’une de l’autre, que le signal
du combat fut donné. Youssef-Ali avait ordonné à ses troupes
d’attaquer' toutes à la fois et sur tous les points tandis qu’il tomberait
sur le centre, où il jugeait que se trouvait Seyd-Mohammed.
Ses ordres furent bien exécutés : les Turcomans, plus aguerris,
plus exercés et mieux montés que leurs ennemis-, fondirent sur
eux avec tant d’impétuosité, que rien ne résista à ce premier choc*
L ’armée du rebelle céda de toutes parts, et fut en un instant dan»
une déroute complète. Seyd-Mohammed fit en vain des efforts pour
la rallier ; il ne put y parvenir. Youssef l’atteignit, lui fit mettre
bas les armes, et ordonna qu'il eût à son tour les yeux crevés f
mais comme ce châtiment ne pouvait expier le crime de s’êtrô
révolté contre son souverain et de l’avoir privé de la vue , il fut
condamné, peu de jours après, à avoir la tête tranchée avec deux
de ses fils, qu’on avait pris en combattant à ses côtés