le teins paraissait se disposer à la pluie; nous n’en eûmes cependant
pas tout le tems que nous restâmes à Téhéran.
Le roi était, depuis plusieurs jours, aux environs de Firuseuh ;
il devait arriver le 15 à Téhéran, mais l ’astrologue s’y était opposé ;
les astres, selon lui, n’étaient pas assez favorables. Nous avons déjà
dit qu’on ne fait rien, en Perse, parmi le peuple comme parmi les
grands, parmi les ignorans comme parmi ceux qui se prétendent
instruits, sans consulter les personnes qui se mêlent d’astrologie.
Le roi à toujours auprès de lui plusieurs astrologues qui le/llrigent
dans ses opérations , qui tout au moins les avancent ou les retardent
à leur gré.
Enfin, le 20, Méhémet fit son entrée. Elle fut annoncée par une
décharge d’artillerie. Il descendit de cheval à dix heures du matin ,
dans la seconde cour de son palais. Il était tout resplendissant du
feu des pierreries dont ses deux bras étaient couverts. Une partie
de ces pierreries avait été enlevée aux deseen dans de Kérim-Khan
l ’autre venait d’être ravie au petit-fils de Nadir-Chah. Hadgi-Ibra-
him entra dans la ville trois quarts d’heure après le roi ; les autres
ministres le suivirent de près.
• Le même jou r , à cinq heures du so ir , nous apprîmes que Méhémet
avait signalé son arrivée par une exécution qui avait mis en
deuil tout son palais 1 voici ce qui s’était passé. Parmi les objets
dont il s’était emparé à Mesched , il y avait un portrait, sous
verre, de Charokh-Chafa, fait par un Européen, qui était, dit-on,,
très-ressemblant et très-bien peint. Le roi l’avait considéré attentivement
, et l’avait remis ensuite à un de ses officiers, en lui recommandant
d’en avoir soin. Quelqfces heures après son arrivée , il
demanda a v o ir ce portrait ; il voulait, à ce qu’on croit, le placer
dans'le salon qu’il occupait. Lorsqu’il fut déballé,le verre se trouva
cassé, et la peinturé un peu endommagée. Le ro i, transporté de
colère, sans entendre le coupable , sans lui demander aucune expli-;
cation , donna- sur-le-champ l ’ordre de lui arracher les yeux ; ce qui
fut promptement exécuté- Ce malheureux fu t, après cela, dépouillé1
de tout ce qu’il avait ,- et chassé de Téhéran.
Ces sortes d’exécutions sont très-fréquentes en Perse ; mais elles.
"sont ordinairement réservées aux grands , c’est-à-dire , à ceux dont
on redoute l ’ambition, ou à qui on veut ôter les moyens de parvenir
au suprême pouvoir. Les gens du peuple’, pour des fautes,
légères, reçoivent ordinairement des coups de bâton sous la plante
des pieds; pour des fautes plus graves, et qui ne méritent pas la
mort, on leur coupe le nez , les oreilles, les poignets. Méhémet
était dans l ’u sage, à l’égard de ses serviteurs qui avaient le malheur
de lui déplaire, de leur faire ouvrir le ventre et arracher les
entrailles. Il avait même poussé , à l’égard de quelques-uns d’en-
tr’eux,, l ’atroce barbarie jusqu’à leur mettre les entrailles autour du
cou, et les exposer dans cet état, encore vivans, à la dent des animaux
carnassiers.
Cruel, féroce au-delà de toute expression, il faisait également
ouvrir le ventre à ceux de ses sujets musulmans qui étaient accusés
de boire du vin. Sous les Sophis, sous Nadir-Chah , sous Kérim-
K han, les Persans pouvaient se livrer à cette boisson sans craindre
d’être inquiétés ; les premiers même en donnaient publiquement
l'exemple. Toutes les peintures qu’on voit daiis les palais d’Ispahan,
représentent des repas où des femmes versent du vin aux convives.
Tous les voyageurs nous ont dit que Chah-Abbas Ier. et ses successeurs
les forçaient à boire avec eux dans les festins qu’ils donnaient.
Mais ces rois, à travers les vices que l ’ignorance et la mauvaise
éducation leur laissèrent, ou qu’ils dûrent aux préventions de leur
rang ou à l’adulation de leurs ministres, ces rois, dis-je, à travers
les crimes qu’ils commirent, laissèrent entrevoir quelques vertus.
Excepté Nadir-Chah dans les dernières années de sa vie ( et ces
années se passèrent dans un délire phrénétique ) , ils eurent tous le
désir de faire le bien ; ils firent quelques efforts pour mériter l ’amour
du peuple : tous eussent été heureux de son bonheur.
Quant à l’eunuque Méhémet, qui n’e u t , dans sa jeunesse, d’autres
plaisirs que celui de contrarier, e t , dans l’âge mur, que celui
de faire trembler tous ceux qui lui furent soumis ; lui qui ne connut
ni l ’amour ni ses délices, qui ne sentit jamais les douces émotions
de l’amitié ; lui dont le coeur fut souvent agité par la crainte, et
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