Atteint d un coup à la cuisse droite, et d’un autre qui emporta
un morceau de mon habit, je poussai mob cheval sur celui de ces
Curdes qui m avait frappé ; je fus à l ’instant sur lui , quoiqu’il se
fût éloigne à toutes jambes. Il cherchait à se garantir avec son bouclier
; ce qui n’empêcha pas que je lui lâchai mes deux coups de
pistolets à bout touchant : ni l’un ni l’autre ne partirent; la poudre
¿tait pourtant fort bonne ; elle avait été renouvelée à Kermanchah ,
et la pierre mise à neuf. Je n’eus pas plutôt lâché les deux détentes,
que je voulus revenir sur mes pas ; mais je me vis , dans un instant,
entouré de ceux q u i, ayant lâché Bruguière, étaient venus
au secours de leur camarade ; ils menaçaient de m’assommer dé
leurs massues. J’allais me défaire de celui qui d’une main était prêt
à me frapper , et de l’autre à prendre la bride de mon cheval,
quand je fus atteint à la tête de deux coups de pierre à la fois. Je
perdis un moment connaissance, et je tombai de cheval en tirant
un coup de fusil qui heureusement ne tua personne , car j’aurais
infailliblement été tué à mon tour.
La chute me remit ; je me levai subitement, et portai ma main au
pistolet que j avais a la ceinture, mais il n’y avait point d’ennemis
autour de moi ; ils s étaient jetés sur mes armes. Je les; vis prendre
mon fusil èt mon pistolet à deux coups, ainsi que mon bonnet, et
s enfuir précipitamment ; ils n’avaient pu s’emparer de mon cheval :
ma chute et le coup de fusil lâche en tombant l’avaient fait s’élancer
vers lat caravane.
Cependant les servadars avaient relevé Bruguière, et se disposaient
à venir à mon secours : c’est sans doute à< leur présence et
au pistolet qui me restait , que je dois attribuer la fuite des Curdes.
Le gainqu ils avaient fait, était de trop peu de valeur pour ne pas.
desirer encore mes dépouilles.
J’eus de la peine à joindre la caravane ; j’étais couvert de sang ,
et jp boitais du premier coup que j’avais reçu à. la cuisse. Je
montai pourtant à cheval, et je mis moi-même, et sans aucun
secours:, sur mes deux blessures de la tê te , un premier appareil.
au, moyen d’un flacon d’eau de Cologne que j’avais, dans ma
valise.
Nous fîmes, ce jour-là, sept lieues ; nous vînmes loger dans le
caravanserai de Khasri-Schirin.
Le même soir on nous remit, de la part du pacha curde qui
commande la contrée, une lettre pleine d’excuses et de complimens,
et les onze piastres qu’on avait exigées de nous au bureau de Sarpil.
Nous profitâmes du retour de l ’exprès pour faire part au pacha de
ce qui venait de nous arriver, et pour le prier de vouloir bien faire
arrêter les voleurs que nous lui désignions, attendu qu’ils étaient
bien connus des chefs de la caravane. Nous finissions notre lettre
par lui dire que nous emplûîrions tout lé crédit dont nous jouissions
auprès de Suleyman-Pacha, pour tirer vengeance de cet
assassinat.
Notre lettre fit tout l’effet que nous pouvions en attendre. Deux
jours après notre arrivée à Bagdad, un officier de Suleyman vint
nous remettre, de la part de son maître, les armes qu’on nous avait
prises, et nous annoncer l’emprisonnement des cinq voleurs, tant
il est aisé, dans ce pa ys, â ceux qui ont le pouvoir en main , de
réprimer le brigandage quand ils lé veulent.
Nous séjournâmes, le 10 , au caravanserai de Khâsri-Schirin,
alin de laisser* reposer les chevaux, et lé 11 nous vînmes dans sept
heures à Kharnaki.
A mesure que nous nous éloignions des montagnes qui séparent
la Perse de l’Empire othoman , l’air devenait de plus en plus tempéré
: le jour il faisait un peu chaud, et la nuit nous n’éprouvions
pas le plus léger sentiment de froid.
Nous révîmes avec bien du plaisir les orangers et les dattiers. La
récolte des dattes yènalt d’être finie; elle avait été partout très-
abondante.
Le 12 , nous vînmes dans sept heures à Kesel-Abad. Un seigneui
Curde, campé aux environs, nous envoya, à l ’entrée de la n uit,
deux officiers pour nous .prier d'aller le voir. Bruguière t’y rendit
avec le drogman ; j’étais encore trop rhalade pour le suivre. Ce seigneur
le reçut dans sa tente ; il était entouré d’une quarantaine dé
personnes, et avait à ses côtés un Pe isan !qui se disait médecitli
Après quelques complimens, et après avoir fait distribuer du café