transplantées dans un des faubourgs d’Ispahan. Si l ’art militaire
n avait pas fait les mêmes progrès que parmi nous, les Persans surpassaient,
ou.du moins égalaient, dans cet art, les peuples voisins
qui pouvaient les inquiéter. La navigation était peu honorée, peu
.encouragée. Livrée à la classe la plus pauvre , la moins instruite
elle n était qu une science de routine, un art sans principes, sans
combinaisons; néanmoins elle suffisait à un grand commerce ; elle
pouvait contenir les Arabes, les menacer même s’ils troublaient la
tranquillité dont les provinces méridionales jouissaient. Cet Empire
enfin, par les communications qui avaient été établies avec l’Eu-
rope, devait un jour , autant que pouvait le permettre un gouvernement
essentiellement mauvais, voir éclore dans son sein, et se
développer jusqu’à un certain point tous les genres d’industrie,
tous les arts utiles, les sciences même, qui contribuent si puissamment
à rendre l ’homme meilleur, plus judicieux; qui le garantissent
d une infinité de maux, fruits de l ’ignorance, de la superstition
et des préjugés; qui finissent par améliorer les gouvernemens, et
les forcent à s’asseoir sur les véritables bases de la civilisation.
Telle était la situation de la Perse lorsque Chah-Hussein, en
1694, mônta sur le trône. Suleyman son père avait été c ru e l,
injuste, vindicatif, adonné au vin et aux femmes ; il avait négligé
les affaires , et s’était entièrement reposé sur son conseil et uses
ministres. Chah-Hussein , âge de vingt-quatre ans, faisait espérer
un règne long et heureux. Une physionomie douce, Un caractère
de b onté, et surtout l ’improbation qu’il avait donnée à dés châti-
mens trop cruels ou trop sévères, ordonnés par son père, avaient
prévenu toute la nation en sa faveur, avaient favorablement disposé
tous les esprits.
Les premières années de ce règne furent tranquilles : quelques
UCtes de justice continrent les grands; quelques actes de bienfaisance
satisfirent le peuple ; quelques démarches- en -faveur de la
religion furent très-agréables au corps nombreux des'gens de loi.
Mais bientôt on s’apperçut qu’on n’avait rien à attendre de grand,
dé généreux d’un roi qui passait sa vie dans son harem', et s’y livrait
4 tous les plaisirs que ses femmes et ses eunuques inventaient, les
unes pour l’amuser et le retenir auprès d’elles, les autres pour le
distraire et l ’éloigner de toutes les affaires. L ’État fut gouverné
par des ministres qui se haïssaient entr’eux , mais qui profitaient
de la faiblesse du maître pour amasser des trésors et accroître leur
autorité. Un conseil composé des premiers eunuques du serrail dirigeait
ou entravait toutes les opérations, tant militaires qu’admi-
mstratives. Le chef de ces eunuques, homme vain, soupçonneux et
très-borné dans ses vues , parvenu à capter la confiance du r o i ,
ne s’en servait que pour éloigner des emplois ceux q u i, par leur
mérite et leurs talens, pouvaient lui faire ombrage; ceux qui, par
des services signalés, pouvaient avoir part aux bontés de Hussein*
La cour, divisée en deux factions, n’était qu’un foyer d’intrigues,
dont les hommes les plus sages furent les victimes, dont le peuple
eut à gémir, dont les ennemis naturels de cet Empire profitèrent
pour secouer le joug ou se livrer au brigandage.
Dans un Etat despotique , lorsqu’un roi , trop faible pour
gouverner lui-même, abandonne les rênes du gouvernement aux
ambitieux qui se les disputent ; lorsqu’il n’agit que d’après l’impulsion
des courtisans mdroits qui le flattent et le séduisent, s’il
n’est pas lui-même un tyran , tous ceux à qui il confie le pouvoir
le deviennent.
Sous le règne de Chah-Hussein , de ce roi bon, les injustices
furent plus fréquentes, les actes de cruauté plus multipliés, les extorsions
plus hardies que sous le règne du cruel Suleyman. L a justice
ne s’y rendit plus qu’à prix d’argent; les emplois furent à l ’enehère ;
les chefs de tribus, enhardis par la faiblesse du ro i, ou rassurés par
la corruption de la c o u r , suscitèrent des troubles dans tous les
points de l ’Empire , et se révoltèrent ouvertement dans quelques-
uns. - ' ■
Cependant Chah-Hussein, incapable de prendre une résolution
généreuse, incapable de prévoir le résultat de tous les désordres
que sa faiblesse et sa trop grande bonté pouvaient occasionner ,
ne voulut ni s’occuper d’affaires, ni quitter son harem, ni interrompre
le cours de ses plaisirs. Quelques hommes courageux qsè-
rent lui donner des conseils; il ne voulut pas les écouter. Le