très ; le fécond d’en chaffer la poufliere. Si la pouf-
fiere reftoit dans la laine, & fi les brins n’étoient pas
divifés, l’huile qu’on lui donneroit dans la fuite ne
s’étenderoit pas pàr-tout, Sc elle ne manqueroit pas
de former une elpece de camboui qui la gâteroit.
Mais l ’opération du battage n’expulfant que la
pouffiere, & laiffant aprè6 elle les pailles Sc autres
ordures, il faut y faire fuccéder l’épluchage.
D e l'épluchage des laines. L’éplucheur fépare de la
laine toute l’ordure qui a échappé à la vigilance du
trieur, foit qu’il fe foit négligé dans fon travail, foit
tjue la laine n’étant pas aflez ouverte, il n’eût pu y
difeerner ce qu’il en falloit rejetter. Pour cette operation
, on la remet entre les mains d’enfans ou autres
perfonnes qui la manient brin par brin ; évitant
toutefois de la rompre.
Quelques auteurs, entre lefquels on peut, je crois,
compter celui du fpeélacle de la nature, ont avancé
que le mélange des laines d’Efpagne avec celles de
France contribuoit à la fabrication des draps plus
fins & plus beaux. Ils n’ont pas conçu que les unes
foulant moins que les autres, ils en deviendroient
-au contraire ce que les ouvriers appellent creux, &
que la qualité en feroit très-imparfaite. Ils n’ont qu’à
confulter là-deffus les ordonnances Sc réglemens du
mois d’Août 1669, regiftrés en parlement le 13 du
même mois.
Ce qu’on pourroit tenter de mieux ; ce feroit
d’employer une qualité de laine à la chaîne, mais fans
aucun mélange, & une autre qualité de laine à la trame,
mais aufii fans aucun mélange. Cependant cette
maniéré de fabriquer n’efi pas même celle qu’il faut
préférer.
Des draps mélangés & des étoffes fimples & blanches.
Tous les draps mélangés ont été fabriqués avec des
laines teintes de différentes couleurs. Les bleus Sc
les verds, quoique fans mélange, ont été faits de
laines teintes avant la fabrication. Les draps ainfi
fabriqués font plus chers, mais la couleur en eft aufii
plus durable.
Pour les draps mélangés, on a foin de prendre
une certaine quantité des laines diverfement colorées
qu’on pefe chacune féparément. On les brife Sc
carde enfemble, par ce moyen toutes font effacées
& fe fondent en une couleur nouvelle, telle que. le
fabriquant fe propofoit de l’avoir. Il s’en aflùre par
un échantillon qu’on nomme le feutre ; le feutre contient
des laines différentes une quantité proportionnée
au tou t, Sc fert de guide pour le relie.
Il y des teintures q ui, cqrnme le noir, mordent
la laine fi rudement, que le travail en deviendroit
prefqu’impoffible, fi l’on commençoit par les teindre.
Il y en a d’éclatantes qui, comme le rouge de
la cochenille, perdroient leur éclat en paffant par
un grand nombre de manoeuvres, Sc fur-tout à celle
du foulon où l’on emploie la terre à dégraiffer Sc le.
favon qui ne manqueroient point de déteindre.
Pour prévenir ces inconyéniens, on fabrique l ’étoffe
en blanc, Sc c’eft en blanc qu’on la livre au
teinturier. L’expérience du rapport du profit à la
perte, du bien au mieux, a réglé toutes ces chofes.
Il réfulte de ce qui précédé qu’il ne fe fabrique
que des draps blancs Sc des draps mélangés; jamais
ou du moins rarement des draps ont la laine teinte.
Les manufaâturiers qui travaillent en blanc font
peu d’étoffes mélangées, de même que ceux qui fabriquent
des draps mélangés en font peu de blancs.
Lorfque les laines ont été lavées, pilotées, fé-
chées, battues, épluchées, & réépluchées, il s’agit
de les carder.
D u carder des laines. On ne carde les laines d ’Efpagne
que deux fois. II faut carder jufqu’à trois fois
les laines plus communes ou moins fines.
Mais avant que d’en venir à cette opération, on
les arrofe ou humeûe avec l’huile d’olive. On employé
fur la livre de laine qui doit être mife en trame,
un quart de livre d’huile, Sc un huitième fur la livre de
laine qui doit être mife en chaîne pour les draps fins.
Quant aux draps groffiers depuis fept & huit jufqu’à
neuf francs l’aune, la quantité d’huile efl la même
pour la trame que pour la chaîne, c'eft-à-dire qu’on
emploie communément trois livres Sc demie d’huile
ou à peu près fur vingt livres de laine.
L’huile la meilleure qu’on puiffe donner à la laine
deflinée à la carde & à la fabrication des draps fins,
efl fans contredit celle d’olive. Onluifubflitue cependant
celle de navette, lorfqu’il s ’agit des draps les
plus grofliers, parce qu’elle coûte moins ; mais aufii
il en faut davantage, cette huile ne s’étendant ni
autant ni aufii facilement, parce qu’elle efl moins
tenue.
La raifon pour laquelle on emploie plus d’huile
fur la laine deflinée à la trame que fur la laine def-
tinée à la chaîne, c’efl que la trame n’étant tordue
qu’autant qu’elle a befoin de l’être pour acquérir
une confiftance, Sc que s’il étoit poflible de l’employer
fans la filer, le drap en feroit plus parfait, il
efl néceffaire de l ’humeéler davantage : il n’en eft
pas ainfi de la chaîne qui a befoin d’un tors confidé-
rable pour fupporter la fatigue de la fabrication, les
coups du battant ou de la chaffe dont l’ouvrage eft
frappé, la violence de l’extenfion dans la levée con-,
tinuelle des fils , &c.
Les cardes font des planchettes de bois couvertes
d’un cuir de bafanne, hériffées de pointes de fer ,
petites & un peu recourbées. Elles rompent la laine
qui pafie entr’elles, en parcelles très-menues.
Les hautes Sc les baffes laines ne fe cardent pas
différemment. L’intention du travail efl de préparer
line matière touffue, lâche & propre à former un fil
peu dur dont les poils faffent reffort en tous fens les
uns contre les autres, Sc cherchent à s’échapper de
toute part. Or les menus poils qui ont pafie entre
les cardes, étant mêlés d’une infinité de maniérés
poflibles, ne peuvent fe tordre ou être pliés fans
tendre continuellement à fe redreffer & à fe défunir.
Le fil qui en eft formé en doit être hériffé, fur-tout
s’il efl peu tors. Il fournit donc pour la trame une
matière propre à gonfler l’étoffe & à la faire drapper,
en élançant en dehors des poils engagés du refie
par quelque endroit de leur longueur dans le corps
delà piece.
La laine fe carde à diverfes reprifes où l’on emploie
fuccefiivement deis inflrumens plus fins Sc des
dents plus courtes.
La laine d’Efpagne n’efi cardée que deux fois ; fa
fineffe ne pourroit réfifler à trois opérations de cette
efpecè que la laine grofliere fou tient; elle fe brife-,
roit en fe divifant.
Au contraire plus la laine commune eft cardée ,
plus elle s’emploie facilement. Cependant ori ne la
pafie Sc repalle que trois fois ; deux fois avec la
grande carde au chevalet, Sc une fois avec la petite
carde fur les genoux.
A cette derniere opération elle fort de deffous la
carde en forme de petits rouleaux d’un pouce, plus
ou moins de diamètre, fur environ douze pouces
de long.
Ces rouleaux de laine veules fe nomment loquets ,
ploques ou fauciffons, fuivaiit l’ufage du p a ys , & fe
filent au grand rouet fans le fecours de la quenouille.
On voit dans nos Planches, fig. yj. A le chevalet ;
fig. vij. b x b , les grandes cardes ; fig. vüj. c , c , les
petites cardes ; er fig.,vj, la carde pofée fur le chevalet;
ƒ , même fig. la boëte à renfermer la laine que
l ’ouvrier veut travailler. \
Du filage de la laine. L’ouvrier préfente de la main
gauche l’extrémité du loquet à la broche de la fuféê
du rouet ; delà droite, il met la’roue, lacbrde & la
fufée en mouvement. La laine faille par le bout.dé
la broche qui tourne fe tortille dans le même fens.
L ’ouvrier éloigne fa main Sc allonge de trois ou quatre
piés le loquet, qui en s’aminciffant Sc prenant
d’un bout à l’autre le mouvement de la fufée, devient
un fil allez tors pour avoir quelque réfiftence ;
& affez lâche pour laiffer en dehors les extrémités
de fes poils dégagés.
D ’une fecouffe de revers donnée brufquement à
la roue, l’ouvrier détache fon filde la broche Sc l’enroule
auffi-tôt fur la fufée en redonnant à la: roue
fon mouvement ordinaire. Il approche enfuite Un
nouveau loquet à l’extrémité du fil formé Sc enroiu
lé ; il applique le point d’union du loquet qui commence
au fil formé du loquet précédent; il continue
d’opérer, Sc il met en fil ce fécond loquet qu’il enroule
comme le précédent.
En accumulant de cette maniéré plufieurs fauciffons
ou loquets filés, il garnit tellement le fond de la
fufée, diminuant de plus en plus les volumes de l’enroulement
jufqu’au bout de la broche, qu’en confé-
quence le fil fe range en cône. Ce cône ell vuide au
centre; ce vuide y eft formé par la broche qui le
traverfe. On l’enleve de deffus la broche fans l’ébouler.
• L’huile ou la fimple humidité dont la laine a été
pénétrée, fuffit pour en aflbuplirle reffort, & l ’on
tranfporte fans rifque le cône de la laine filée fur
une autre broche.
Remis fur cette broche, il fe diftribue fur le dévidoir
où on l’unit par un noeud léger avec le fil d’une
autre fufée ; & le tout fe forme enfuite en éche veaux,
à l’aide d’un dévidoir qui réglé plutôt l’ouvrier que
l ’ouvrier ne le réglé. On voix fig. ix. le grand rouet.
A , fon banc; b, marionette ou foutien des frafeaux ;
C , roue du grand rouet; Z>, moyeu de la roue; e,
broche fur laquelle s’affemble le fil en maniéré de
cône ; ƒ , efquive qui arrête le vçlume du fil fur la
fufée ; g , frafeaux qui font deux cordons de natte
doubles Sc ouverts pour recevoir Sc laiffer jouer la
broche; H y arbre ou montant qui fupporte la roue.
Du devidage de la laine. On donne à la cage du
dévidoir l’étendue que l’on veut, en écartant ou rapprochant
fes barres. Veut-on enfuite que l’écheveau
foit formé, par exemple de trois cens tours
de fil ? il faut que l’eflieu engraine par un pignon de
quatre dents fur une roue qui en ait vingt-quatre,
Sc que l’eflieu de celle-ci, dont le pignon en a également
quatre, engraine par ce pignon dans une
grande roue de quarante. Chaque dent du dévidoir
emportant une dent de la petite roue, le dévidoir
fera fix tours pour épuifer. les quatre fois fix dents
ou les vingt-quatre dents de la petite roue. Celle-ci
fera de même autant de tours que fon pignon qui
tournera dix fois pour emporter les quarante dents
de la grande roue. Ainfi pendant que la grande roue
fait un tour, la petite en fait d ix , Sc le dévidoir foi-
xante. Il faut donc cinq tours de la grande roue pour
avoir cinq fois foixante tours du dévidoir. Un petit
marteau dont la queue eft emportée par une cheville
de détente fixée à la grande roue, frappe cinq coups,
par cinq chutes, après les cinq tours de la grande
roue. Ç ’eft-là ce qui a fait donner le nom de fions aux
foixante fils qui font partie de l’écheveau, qui dans
fon total eft appellé echevtau de cinq fions.
La grande roue eft encore traverfée d’un elfieu
qui enroule une corde fine, à laquelle un petit poids
eftfnfpendu. Or ce poids fe trouvant arrêté après
le cinquième tour, avertit l ’ouvrier qu’il a trois cens
fils fur fon dévidoir, puifque le dévidoir a fait cinq
fois foixante ou trois cens tours.
Les écheveaux formés par une quantité fixe &
connue de fils, foit trame foit chaîne, font affemblés J
de maniéré qüé tous orit leurs bouts réunis à un mê-
me'point d ’attache, afin d’itrèretrouvésffànspeine.
Cette façon de d,evider le fil,, foit chaîne ,'foit
trame, eft d’une telle utilité qu’il éftimpoflible de
conduire fûrement une manufacture fans l’ufage de
cette ingéniéiife machine. ■
■ Elle a deux objets principaux; le premier defoub-
nir au manufacturier le moyen d& connoître parfaitement
la qualité du fil qu’il doit employer à l ’éroffe
qu’il fe propofe de faire ; le fil devant être plus ou
moins gros , félon la fineffe de la laine Sx. celle du
drap, ce qu’il découvrira facilement par le poids de
l’écheveau dont la longueur eft- donnée. La différence
des poids le réglera. Il ordonnera à fa volonté
de filer un écheveau, foit chaîne ,.foit trame , à tant
de poids chaquefon oü- à tant defons pour tel poidsi
Le fécond a rapport au payement du fileur & du
tiffeur qui ne font payés qu’a tant la longueur de fil
Sc non à tant la livre de poids. Si l’ouvrier étoit payé
au poids , celui qui fileroit gros gagnèroit plus que
celui qui fileroit fin. Il a fallu régler le prix du filage
à un poids fixe pour chaque écheveau d’une longueur
déterminée.
Il faut en-ufer de même avec les tiffeurs, & les
payer tant-par écheveau , Sc non pas tant par
piece, icorame il fe pratique dans les manufactures
mal-dirigées. Il s’en fuit-de cette derniere manière
de pa yer, qu’un ouvrier fait entrer plus ou moins
de trame dans fon étoffe fans gagnèr ni plus ni moins*
Une chaîne cependant qui ne fera par hafard pas
auffï pefante qu’une autre, doit prendre plus de trame
pour que l’étoffe foit parfaite. II eft donc jufte
que celui-ci foit plus payé. Payez - le par piece, Sc
il fournira fa piece le moins qu’il pourra, Sc confé-
quemment fon ouvrage fera foible Sc défectueux.
Voye^y dans nos Planches, figures 10 & 111 le dévidoir.
A y banc ou felle du dévidoir, b, b , b , mon-
tans. ce , ce , c c , Sec. bras du dévidoir; fon arbre
dd tournant Sc engrénant par fa petite lanterne c
de quatre canelures dans les denjs de la roue D t
F y autre roue que la fupérieure emporte par un pignon
également de quatre dents. G , marteau dont
le manche eft abaiffé par une cheville, h de détente
attachée à la roue inférieure F , & dont la tête vient
frapper après la détente fur le taffeau l ; i, corde qui
s’enroule fur l’eflieu de la roue inférieure F , & qui
foutient un poids K . Ses tours fur l’eflieu indiquent
ceux du devidoire, Sc terminent la longueur de
l’écheveau. La figure 11 montre le même tour, vû de
profil.
Mais avant que d’aller plus lo in , il eft à propos
de parler d’une précaution, legere en apparence,
mais qui n’eft pas au fond fans quelque importance ;
c’eft relativement au tors qu’on donne au fil. Ge tors
peut contribuer beaucoup à l’éclat des étoffes légères
, Sc au moelleux des étoffes drapées. Il faut filer
Sc tordre du mêms fens la chaîne & la trame defti-*
nées à la fabrication d’une étoffe luifante, comme
l’étamine Sc le camelot dont nous parlerons dans la
fuite, & filer & tordre en fens contraire la trame
& la chaîne des draps.
Il ne s’agit pas ici du mouvement des doigts, qui
eft toujours le même, mais de la corde du rouet qu’on r
peut tènir ouverte ou croifée. La corde ouverte qui
enveloppe le tour de la roue, & qui aflùjettit à fon
mouvement la fufée Sc le fil, ira comme la rouey
verticalement de bas en haut, Sc fera pareillement
aller tous les tours du fil, en montant verticalement.
Sc de bas en haut. Au lieu que ft la corde qui em-
braffe la roue fe croife avant que de paffer fur la
noix de la fufée où le fil s’affemble, elle emportera
néceffairement la fufée dans un fens contraire au
précédent, verticalement, mais de haut en bas.
Tous les brins de laine qui fe tortillent les uns fur.