lettres ëtoient données par des lieutenans du ro i,
elles dévoient être confirmées par lui & paffées à
la chambre des comptes, ainfi qu’il eft dit dans des
luttes du roi Jean du z Oâobre 1354. Charles V.
étant régent du royaume fit une ordonnance le 19
Mars 1359, portant défenfes aux préfidens du parlement
commis pour rendre la juftice, le parlement
non feant, d’obéir à ces lettres, lorsqu’elles feroient
contre le bien de la juftice , quand elles auroient
été accordées par le régent même ou par le connétable
, les maréchaux de France , le maître des
arbalétriers, ou par des capitaines ; cette défenfe
ne concernoit pas feulement les lettres de don, mais
auffi celles de rémiffion & pardon. (A )
L e t t r e s d’h o n o r a ir e , font des lettres de
grande chancellerie , par Iefquelles le roi accorde
les honneurs & privilèges de vétéran à quelque ma-
giflrat.
Celles que l’on accorde à d’autres officiers inférieurs
, s’appellent fimplement lettres de vétérance.
On ne les accorde ordinairement qu’au bout de
vingt années de Service , à moins que le roi par
des confédérations particulières ne difpenfe l’officier
d’une partie de ce tems.
Elles font néceflaires pour jouir des honneurs &
privilèges, & doivent être regiftrées.
On n’en donne point au chef de compagnies, parce
qu’ils ne peuvent après leur démiffion , confer-
ver la même place.
Ceux qui ont obtenu des lettres d'honoraire n’ont
point de part aux émolumens ; cependant en 1513,
la chambre des comptes en enregiftrant celles d’un
auditeur , ordonna qu’il jouiroit de Ses gages ordinaires
pendant deux ans, en fe rendant fujet au fer-
vice comme les autres & à la réfidence,& fans tirer
à conféquence , & on lui fit prêter un nouveau
ferment contre lequel les auditeurs protefterent.
On trouve un exemple de lettres d’honoraire , accordées
à une perfonne décedée ; fçavoir, celles
qui furent accordées le 18 Septembre 1671 pour feu
meffire Charles de la V ieuville, furintendant des finances.
Foye[ Teffereau, hifoire delà chancellerie ,
&C les mémoires de la chambre des comptes. JA )
Lettres d’hypoteque; c’eft un écrit, contrat
ou jugement, portant reconnoiffance de Vhypoteque
ou droit réel qu’un créancier ou bailleur de fond a
fur un bien poffedé par celui qui donne cette recon-
noiffance. On demande à chaque nouveau détenteur
de nouvelles lettres d'hypoteque. JA)
Lettres d’innocence ou de pardon. On les
appelle plus communément de ce dernier nom. Voy.
ei-après LETTRES DE PARDON. {A )
Lettres d’intercession. F. d-devant Lettres
DE DÉPRECATION.
Lettres de jussion , font des lettres du grand
fceau , par Iefquelles le roi ordonne à fes cours
de procéder à l’enregiftrement de quelque ordonnance
édit ou déclaration que les cours n’ont pas
crû devoir enregiftrer fans faire auparavant de très-
humbles remontrances au roi.
Lorfque le roi ne juge pas à propos d’y déférer ,
il donne des lettres de jujjion fur Iefquelles les cours
font encore quelquefois de très-humbles repréfenta-
tions ; & file roi n’y defere pas, il donne de fécondés
lettres de jujjion fur Iefquelles les cours ordonnent
encore quelquefois d’itératives repréfenta-
tions.
Il y a eu dans certaines occafions jufqu’à quatre
lettres de jujjion données fucceffivement pour le même
enregiftrement, comme il arriva par rapport à
l ’édit du mois de Juin 1635 * portant création de
plufieurs officiers en la cour des monnoies.
-Lorfque les cours enregiftrent en conféquence de
Lettres de jujjion, elles ajoutent ordinairement dans
leur arrêt d’enregiftrement du très-exprès commandement
de S . M.
Il eft: parlé de jujjion dans deux novelles de Jufti-
nien : l’une eft la novelle. 125 qui porte pour titre,
ut judices non expeclent Jacras jujjiones jed quas vi-
dentur eis décernant ; l’autre eft la 113 qui porte ne
ex divinis jujjionibus à principe impelratis Jed antiquis
legibus lites dirimantur ; mais le terme de jujjion n’eft
pas pris dans ces endroits dans le même fens que
nous entendons les lettres de jujjon ; ces novelles ne
veulent dire autre chofe , finon que les juges ne
doivent point attendre des ordres particuliers dû
prince pour juger ; mais qu’ils doivent juger félon
les anciennes loix,& ce qui leur paroîtra julte. Foy.
Parlement & Remontrances. (A )
Lettres de justice , font des lettres de chancellerie
qui font fondées fur le droit commun , ou
qui portent mandement de rendre la juftice, & que
le roi accorde moins par faveur que pour fubvenir
au befoin de fes fujets , fuivant la juftice & l’équi-
te. Tels font les reliefs d’appel fimple ou comme
d’abus , les anticipations , défertions , compulfoi-
res , debitis , commiffion pour affigner, les paréatis
fur fentence ou arrê t, les refcifions , les requêtes
civiles & autres femblables, &c. (A )
Ces fortes de lettres font ainfi appellées par op-
pofirion à celles qu’on nomme lettres de grâce. Foy.
ci-devant Lettres de grâce. JA )
Lettres de légitimation, font des lettres du
grand fceau, par Iefquelles le roi légitime un bâtard,
& veut que dans tous les ades il foit réputé légiti-
me, & jouiffe de tous les privilèges accordés à fes
autres fujets nés en légitime mariage. Foy. ci-devant
légitimation. (A )
Lettres de licence, font des lettres expédiées
par le greffier d’une des facultés d’une univerfité , qui
attellent qu’un te l, bachelier de cette faculté, après
avoir foutenu les ailes néceflaires, a été décoré du
titre de licencié. Foyt[ Bachelier, D octeur &
Licencié. ( A )
Lettres lombardes : on donnoit ce nom anciennement
aux lettres de chancellerie qui s’expé-
dioient en faveur des Lombards, Italiens & autres
étrangers qui vouloient trafiquer ou tenir banque en
France ; on comprenoit même fous ce terme de lettres
lombardes, toutes celles qui s’expédioient pour
tous changeurs ^banquiers, revendeurs & ufuriers,
que 1 on appelloit tous Lombards , de quelque nation
qu’ils fuflent ; on les taxoit au double des autres en
haine des ufures que commettoient les Lombards.
( A )
Lettre lue , en Normandie lignifie un contrat
de vente ou defiejfe à rente rachetable qui a été leclu-
réy c’eft-à-dire publié en la forme preferite par Xarticle
46s de la coutume. Foye^ Clameur a droit
de lettre lue, & Lecture. ( A )
Lettres de majorité, on appelle ainfi dans
quelques provinces, & notamment en Bourbonnois,
les lettres d’émancipation , ce qui vient de ce que
l’émancipation donne au mineur la même capacité
que la loi donne à celui qui eft majeur de majorité
coutumière. JA')
Lettres de main souveraine, font des lettres
qui s’obtiennent en la petite chancellerie par un
v afla l, lorfqu’il y a combat de fief^entre deux fei-
gneurs pour la mouvance, à l’effet de fe faire rece*
voir en loi par main jouveraine, & d’avoir main-levée
de la faifie féodale. Foye[ Foi & Hommage
& Réception en foi par main souveraine
( - 0
Lettre de maître t s Ar t s , font des lttm$
accordées à quelqu’un par u^&univerflté pour pou-
voir enseigner la Grammaire, la Rhétorique, ISPhh
lofophie & autres Arts libéraux. Foyeç Maître ès
Arts. ( A )
Lettres de maîtrise , font des lettres de privilège
que le roi accorde à quelques marchands ou
artifans pour les autorifer à exercer un. certain commerce
ou mener, fans qu ils aient fait leur appren-
tiffage & chef-d oe uvre, ni été reçus maîtres par les
autres maîtres du même commerce ou métier.
Les communautés donnent auffi des lettres de maî-
trije à ceux qui ont pafle par les épreuves néceflaires.
Foye{ Maître & Maîtrise. ( A )
I Lettres de maîtrise , ( Police. ) on nomme
ainfi, dans ce royaume, des ailes en forme que les
maîtres & gardes, & maîtres jurés délivrent à ceux
qu’ils ont admis à la maîtrife, après examen, chef-
d’oeuvre ou expérience qu’ils ont fait ; c’eft en vertu
de ces lettres qu’ils ont droit de tenir magafin, ouvrir
boutique, exercer le>négoce ou métier, foit du
corps, foit de la communauté dans laquelle ils ont
ete reçus ; mais on ne leur expédie ces lettres qu’a-
près qu’ils ont prêté ferment & payé les droits de
confrairie.
Expofons ici les réflexions d’un auteur moderne,
à qui l’Encyclopédie doit beaucoup, & qui a joint à
de grandes connoiffances du commerce & des finance
s, les vues défintéreflees d’un bon citoyen.
Il eft parlé dans les anciens capitulaires de chef-
d’oeuvre d’ouvriers , mais nulle part de lettres de
maîtrife ; la raifori ne favorife en aucune maniéré l’idée
d’obliger les artifans, de prendre de telles lettres
^ & de payer tant au roi qu’aux communautés,
un droit de réception. Le monarque n’eft pas fait
pour accepter en tribut le fruit du labeur d’un malheureux
artifan, ni pour vouloir aftreindre fes fujets
à un feul genre d’induftrie, lorfqu’ils font en état
d’en profefler plufieurs. L’origine des communautés
eft due vraiffemblablement au foutien que les particuliers
induftrieux cherchèrent contre la violence
des autres. Les rois prirent ces communautés fous
leur proteélion, & leur accordèrent des privilèges.
Dans les villes oîi l ’on eut befoin d’établir certains
métiers, l’entrée en fut accordée libéralement, en
faifant épreuve, & en payant feulement une légère
rétribution pour les frais communs.
Henri III. voulant combattre le parti de la ligue,
& étant trompé par ce même parti, ordonna le premier
en 1581, que tous négocians, marchands, artifans,
gens de métier, réfidens dans les bourgs &
villes du royaume, feroient établis en corps, maîtrife
& jurande, fans qu’aucun pût s’en difpenfer.
Les motifs d’ordre & de réglé, ne furent point oubliés
dans cet édit ; mais un fécond qui fuivit en
1583, dévoilà le myftere. Le roi déclara que la per-
miffion de travailler étoit un droit royal & domanial;
en conféquence, il preferivit les fommes qui feroient
payées par les afpirans, tant au domaine qu’aux jurés
& communautés.
Pour dédommager les artifans de cette nouvelle
taxe, on leur accorda la permiffion de limiter leur
nombre, c’eft-à-dire d’exercer des monopoles. Enfin
, l ’on vendit des lettres de maîtrife, fans que les
titulaires fuflent tenus à faire épreuve ni apprentif-
fage ; il falloit de l’argent pour les mignons.
Cependant le peuple en corps ne cefla de reclamer
la liberté de l’induftrie. Nous vous fupplions,
Sire, dit le tiers-état dans fes placets, « que toutes
» maîtrifes de métiers foient à jamais éteintes ;
» que les exercices defdits métiers foient laiffés li-
» bres à vos pauvres fujets, fous vifite de leurs ou-
» vrages & marchandifès par experts & prud’hom-
» mes, qui à ce feront commis par les juges de la
» police : nous vous fupplions, Sire, que tous édits
» d Arts & Métiers, accordés en faveur d’entrées,
p mariages, naiflançes ou d’autres caufes, foient
» révoqués; que les marchands & artifans ne payent
» rien pour leur réception, levement de boutique,
» falàire, droits de confrairie, & ne faffent ban-
» quets ou autres frais quelconques à ce fujet, dont
» la depenfe ne tend qu’à la ruine de l’état, &c.
Malgré ces humbles & juftes fupplications , il continua^
toujours d’être défendu de travailler à ceux
gp|ip avoient point d’argent pour en acheter la permiffion,
ou que les communautés ne vouloient pas
reçevqir, pour s ’épargner de nouveaux concurrens.
M. le duc de Sully modéra bien certains abus écla-
tans des lettres de maîtrife; mais il confirma l’invention,
n’appercevant que de l ’ordre dans un établif-
fement dont les gênes & les contraintes, fi nuifibles
au bien politique, fautent aux yeux.
Sous Louis X IV. on continua de créer de nouvelles
places de maîtres dans chaque communauté, &
ces créations devinrent fi communes, qu’il en fut
accorde quelques-unes en pur don, indépendamment
de celles qu’on vendit par brigue.
Tout cela cependant ne préfente que d’onéreufes
taxes fur l’induftrie & fur le commerce. D e - là font
venues les permiffions accordées aux communautés
d emprunter, de lever fur les récipiendaires & les
marchandifès, les fommes néceflaires pour rembour-
fer ou payer les intérêts.
Les lèuls inconvéniens qui font émanés de ces permiffions
d’emprunter, méritent la réforme du gouvernement.
Il eft telle communauté à Paris, qui doit
quatre à cinq cent milles livres, dont la rente eft une
charge fur le public, & une occafion de rapines ;
car chaque communauté endettée fu ien t la permiffion
de lever un droit, dont le produit excédant la
rente, tourne au profit dés gardes. Ces fortes d’abus
régnent également dans les provinces, excepté que
les emprunts & les droits n’y font pas fi confidéra-
bles, mais la proportion eft la même ; ne doutons
point que la multiplicité des débiteurs ne foit une
des caufes qui tiennent l ’argent cher en France au
milieu de la paix.
Ce qui doit paroître encore plus extraordinaire,'
c’eft qu’une partie de ces fommes ait été & foit journellement
confommée en procès & en frais de jufti-
ee. Les communautés de Paris, grâce aux lettres de
maîtrife, dépenfent annuellement près d’un million
de cette maniéré ; c ’eft un fait avéré par leur regiftre.
A ne compter dans le royaume que vingt mille corps
de jurande ou de communautés d’artifans, & dans
chacun une dette de cinq mille livres , l’un portant
l’autre ; fi l’on faifoit ce dépouillement,, on trouve-
roit beaucoup au-delà ; ce font cent millions de dettes
, dont l’intérêt à cinq pour cent fe leve fur les
marchandifès ebnfommées, tant au-dedans qu’au
dehors ; c’eft donc une impofition réelle dont l’état
ne profite point.
Si l’on daigne approfondir ce fujet, comme on le
fera fans doute un jour, on trouvera que la plûpart
des autres ftatuts de M. Colbert, concernant les lettres
de maîtrife & les corps de métiers, favorifent les
monopoles au lieu de les extirper, détruifent la concurrence
, & fomentent la difeorde & les procès entré
les claffes du peuple , dont il eft le plus important
de réunir les affellions du côté du travail,
de ménager le tems & la bourfe.
Enfin, l’on y trouvera des bifarreries, dont les rai-
fons font inconcevables. Pourquoi, par exemple ,
un teinturier en fil n’a-t-il pas la permiffion de teindre
fes étoffes ? Pourquoi eft-il défendu aux teinturiers
d’avoir plus de deux apprentifs ? Pourquoi leurs
veuves font-elles dépouilléés de ce droit? Pourquoi
les chapeliers font-ils privés en même tems de faire
le commerce de la bonneterie ? La lifte des pourquoi
feroit grande, fi je voulois la continuer; on ne peut
donner à ces fortes de queftions d’autre réponfe ,• fi