pour élever a in fi. fa patrie ; pour voir qu’en choquant
les ufages reçus, en confondant toutes les
vertus , il montreroit à l’univers fa fageffe ! Lycurgue
mêlant le larcin avec l’efprit de juftice, le plus
dur efclavage avec la liberté, des fentimens atro*
ces avec la plus grande modération, donna de la Habilité
aux fondemens de fa v ille , tandis qu’il fem-
bloit lui enlever toutes les reflburces , les Arts, le
Commerce, l’argent, St les murailles.
On eut à Lacédémone, de l’ambition fans efperanee
d’être mieux ; on y eut les fentimens naturels : on
ft’y étoit ni enfant, ni pere, ni mari ; on y étoit
tout à l ’état. Le beau fexe s ’y fit voir avec tous les
attraits & toutes les vertus ; & cependant la pudeur
même fut ôtée à la chafleté. C ’eft par ces chemins
étranges, que Lycurgue conduifit fia Sparte au
plus haut degré de grandeur ; mais avec une telle
infaillibilité de fes in {finirions, qu’on n’obtint jamais
rien contre elle en gagnant des batailles. Après
tous les fuccès qu’eut cette république dans fes jours
heureux, elle ne voulut, jamais étendre fes frontières
: fon feul but fut la liberté, & le feul avantage
de fa liberté, fut la gloire.
Quelle fociété offrit jamais à la raifon un fpeûa-
cle plus éclatant 5c plus fublime ! Pendant fept ou
huit fiecles , les lois de Lycurgue y furent obfervées
avec la fidélité la plus religieufe. Quels hommes
aufli eflimables que les Spartiates, donnèrent jamais
des exemples aufli grands, aufîi continuels ; de.mo-
dération, de patience, de courage, de tempérance,
de juftice & d’amour de la patrie ? En liiant leur
hiftoire, notre ame s’é lè v e , 5c femble franchir les
limites étroites dans lefquelles la corruption de notre
fiecle retient nos foibles vertus.
Lycurgue a rempli ce plan fublime d’une excellente
république que fe font fait après lui Platon ,
Diogène, Zenon, ôc autres, qui ont traité cette matière
; avec cette différence, qu’ils n’ont laiffé que
des difcours ; au lieu que le iégiflateur de la Laconie
n’a laiffé ni paroles , ni propos ; mais il a fait
voir au monde un gouvernement inimitable , & a
confondu ceux qui prétendroient que le vrai fage
n’a jamais exifté. C ’eft d’après de femblables confi-
dérations, qu’Ariftore n’a pu s’empêcher d’écrire ,
que cet homme fublime n’a voit pas reçu tous les
honneurs qui lui étoient dus, quoiqu’on lui ait rendu
tous les plus grands qu’on puiffe jamais rendre
à aucun mortel, & qu’on lui ait érigé un temple ,
où du tems de Paufanias, on lui offroit encore tous
les ans des facrifices comme à un dieu.
Quand Lycurgue vit fa forme de gouvernement
folidement établie, il dit à fes compatriotes qu’il
alloit confulter l’oracle, pour fa voir s’il y a voit quelques
changemens à faire aux lois qu’il leur avoit
données ; & qu’en ce cas , il reviendroit promptement
remplir les decrets d’Apollon. Mais il réfolut
dans fon coeur de ne point retourner à Lacédémone,
& de finir fés jours à Delphes, étant parvenu à l’âge
oii l’on peut quitter la vie fans règret. Il termina la
fienne fecretement, en s’abftenant de manger; car
il étoit perfuadé que la mort des hommes d’état doit
fervir à.leur patrie, être une fuite de leur miniftere>
& concourir à leur procurer autant ou plus de gloire
, qu’aucune autre a&ion. Il comprit qu’après
avoir exécuté de très-belles chofes , fa mort met-
troit le comble à fon bonheur, & affureroit à fes
citoyens les biens qu’il leur avoit fait pendant fa vie,
puifqu’elle les obligeroit à garder toûjours fes ordonnances
, qu’ils avoient juré d’obferver inviola-
blement jufqu’à fon retour.
Dicéarque, que Cicéron eftimoit à un point fin-
gulier, eompofa la defcription de la république de
Sparte. Ce traité fut trouvé à Lacédémone même,
ii beau , fi exatt, 5c fi utile, qu’il fut décidé par les
magiflrats, qu’on lé liroit tous les ans en public à ta
jeuneffe. La perte de cet ouvrage eftfans doute très-
digne de nos regrets ; il faut pourtant nous en con-
foler par la letture des anciens hiftoriens qui nous
reftent, fur-tout par celle de Paufanias & de Plutarque
, par les recueils de Meurfius, de Cragius, &
de Sigonius, St par la Lacédémone ancienne & moderne
de M. Guillet * livre favant & très-agréablement
écrit. ( D. J. )
LA C E R , v . aû. ( Gramm. & art médian. ) c’eft
ferrer ou fermer avec un lacet ; on lace un corps en
paffant un lacet dans les oeillets percés fur fes bords
à droite & à gauche. On lace une voile en la faififfant
avec un quarentenier qui paffe dans les yeux du pié
& qui l’attache à la vergue , lorfqu’on eft furpris
de gros tems, Sc qu’il n’y a point de garcelles au
ris. On fait lacer fes lices par de bons chiens, c’eft-
à-dire couvrir, &c. Quand une lice lacée a retenu
, on dit qu’elle eft nouée.
LAC ERATION, f. f. ( Jurifprud. ) en termes de
palais, lignifie le déchirement de quelque écrit ou
imprimé. Quand on déclare milles des pièces qui
font reconnues fauffes , on- ordonne qu’elles feront
lacérées par le greffier : quand on fupprime quelque
écrit ou imprimé fcandaleux ou injurieux à quelque
perfonne ou compagnie conftituée en dignité, on
ordonne qu’il fera lacéré par l’exécuteur de la haute-
juftice , & enfuite brûlé. ( A )
L A C E R N E , f . f. lacerna, lacernum , ( Littér. )
nom d’une, forte d’habit ou de capote des Romains ;
j’en ai déjà parlé au mot habit des Romains ; j’ajoute,
ici quelques particularités moins connues.
La lacerne étoit une efpece de manteau qu’on
mettoit par-deffus la toge, & quand on quittoit cette
ro b e, par-deffus la tunique ; on l’attachoit avec une
agraffe fur lépaule, ou par-devant. Elle étoit d’ar
bord courte, enfuite on l’allongea. Les pauvres en
portoient conftamment pour cacher leurs haillons,
les riches en prirent l’iîfage pour fe garantir de
la pluie, du mauvais tems, ou du froid aux fpec-
tacles, comme nous l’apprenons de Martial.
Amphithcatrales nos commendamur ad ufus9
Quùm tegit algentes noftra lacerna togas.
L’ufage des lacernes étoit fort ancien dans les armées
de Rome; tous les foldats en avoient. O v id e ,
liv. II. des Fafies, v. y ^5 , nous apprend que Lucrèce
preffoit fes efclaves d’achever la lucerne de
fon mari Collatinus, qui affiégeoit Ardée.
Mittendo eft domino, nunc nuncproperate , puellce,
Quàm primiim noftrâ facta lacerna manu.
Mais fur la fin de la république, la mode s’en
établit à la ville comme à l’armée ; & cette mode
dura pour les grands jufqu’aux régnés de Gratien,
de Valentinien & deThéodofe, qui défendirent aux
fénateurs d’en porter en ville. Les femmes s’en fer-r.
voient même le foir, & dans certains rendez-vous
de galanterie, la clara lacerna ^’Horace, fatyr. VII.
liv. I I . v. 4 8 , c’eft-à-dire le manteau tranfparent,
vaut tout autant pour la leçon du texte, que la clara
lucerna9la lampe, allumée de Lambin.
Il y avoit des lacernes à tout prix. Martial parle
de quelques-unes qu’on achetoit jufqu’à. dix mille
fexterces. Enfin fi vous êtes curieux d’épuifer vos
recherches fur ce fujet, voye^ les auteurs de re vef,
tiariâ Romanorum, & Saumaife dans fes notes fuç
Spartien & fur Lampridius. ( D . /. )
LACERT , dracunculus , f. m. ( Hiß. nat. Lythor
log. ) poiffoij de mer ainfi nommé parce qu’il ref-
femble en quelque façon à un léfard. Sa longueur
eft d’un pié ; il a le mufeau pointu, la tête grande ,
large, applatie, & la bouche petite. Au lieu d’une
fente à l’endroit des ouies, il y a au-deffous de la
tête deux trous qui yfuppléent, un dé chaque côté.
Les yeux font auffi placés fur la face fupérieure de
la tête ; les nâgeoirej» font en partie de couleur d’o r ,
& en partie de couleur d’argent ; celles qui fe trouvent
au-deflbus des nageoires voifines des ouies,
ont plus de longueur, & font placées fort près de
la bouche. Le dos a deux nageoires : la première
eft fort petite j & de couleur d’o r , avec des traits
de couleur d’argent: la fécondé eft très-longue , &
terminée par cinq pointes ; il fe trouve au-delà de
l’anus une nageoire dorée dans toute fon étendue,
excepté le bord qui eft noir; le corps à peu de diamètre
; la queue a une nageoire très-longue, & noire
fur le bord ; la couleur du dös eft d’un jaune verdâtre
; les côtés ont de petites taches argentées &
bleuâtres ; le ventre eft blanc , large , p la t , & revêtu
feulement d’une peau déliée ; la chair du lacert
a beaucoup de rapport à celle du goujon. On voit
des làcerts à Gêne & à Rome. Voye^ Rond. Hift. des
poiffbns, liv. X . Voyeç PoiSSON.
LA C ET, f. m. (Art.mécan.) petit cordon ferré par
les deux bouts, qui fert à quelques vêtemens des femmes
ou des enfans, Sc à d’autres ufages ; il y a des
lacets ronds, des lacets plats, Sc des lacets de fil 6c
de foie.
Des lacets de fil. On fait avec le fil deux fortes
de lacets, les uns de fil de plain, 6c les autres de
fil d ’étoupes ; le fil de plain qui provient du chanvre,
qui porte le chénevi, & que neanmoins on nomme
mâle, parce que c’eft le chanvre le plus fo r t , fert
à la fabrique des meilleurs lacets, 5c ne s’emploie
jamais qu’en blanc, parce que ces lacets étant plus fins
Sc plus chers, le débit ne s’en fait qu’aux gens ailés
; le fil d’étoupes qui eft fait des matières groffie-
res qui reftent après que le frotteur a tiré la meilleure
filaffe, tant du chanvre femelle que du mâle,
s’emploie pour la fabrique des lacets d’étoupes que
l’on teint de différentes couleurs, parce que les gens
de la campagne donnent volontiers dans tout ce qui
eft apparent ; mais la vraie raifon eft que la teinture
altere beaucoup moins le fil d’étoupes que le
blanchiffage qui en abrégé confidérablement la durée.
On fait cependant blanchir la fixieme partie
du fil d’étoupes, pour faire un mélange de couleurs
dont il fera parlé ci-après ; on teint tout le refte,
mais la moindre partie en rouge avec le bois de
Brefil Sc l’alun, & le furplus en bleu avec le bois
d ’Inde ôc le verd de gris.
Du rouet. Le fil étant blanchi ori le dévidé en
bobines fur un rouet ordinaire, tel qu’on le voit à
la Planche I . fig. 1. Ce rouet A eft compofé d’une
roue B , de deux montans C qui la foutiennent,
d’une piece de bois D qui fert d’empâtement à toute
la machine, 5c de quatre morceaux de bois qui fervent
de pié pour élever cette piece de bois, au bout
de laquelle il y a une efpece de coffre E dans lequel
on met la bobine .F fur laquelle on doit de vider le
fil. Cette bobine tourne fur fon ax e, par le moyen
d’une broche de fer G , qui parcourt toute la longueur
du coffre ; cette broche traverfe les deux bouts
du coffre. Voyeç la bobine féparée de cette broche,
Planche I I I . fig. /.-Cette bobine tourne fur elle-
même par le moyen d’une petite poulie qui eft fixée
fur elle, 6c la corde de boyau paffant fur cette
poulie, la fait tourner avec la broche. A deux piés
de diftance fe trouve un dévidoir H fur lequel le
fil qu’on doit devider doit être mis. Ce qui étant dif-
pofé comme on le voit à la Planche I.fig. /. on com
mence par tirer d‘e la main droite le fil du dévidoir,
lequel étant parvenu au rouet, on l’attache
fur la bobine, l’ouvrier tourne de la main gauche
la roue qui par fon mouvement fait tourner la broche
, 5c de la droite il tient toujours le fil qu’il dirige
Sc entaffe fur la .bobine.
D u tri. Le fil étarit dévidé fur plufieurs bobines,
on les met fur un tri ; Planche L f i g 2. qui eft au
bas du métier à lacets. Ce tri A eft compofé de quatre
petites colonnes B B BB rangées en ligne droite,
5c enclavées fur le marche-pié du métier à lacets ;
elles font arrêtées dans le haut par une petite traverfe
qui les embraffe 6c leur fert de chapiteau. Ces
colonnes font hautes d’un pié 5c demi, & éloignées
d’un demi-pié l’une de l’autre ; elles font percées
fur leur hauteur, à diftance égale de quatre pouces.
On paffe dans ces trous des petites broches, de fer
dans lefquelles on fait paffer des bobines, 5c on en
met entre les colonnes le nombre dont on a befoin,
ce qui ne va qu’à trois ou quatre. Voyc^ Planche 1'.
fa 2 ' D u métier à lacet, Planche I. fig. j . il eft com-
pofe de deux colonnes AA, d’un îlemi-pié d’équa-
riffage, hautes de trois piés chacune. Elles font fou-
tenues par deux petites pièces de bois B B , longue^
de deux piés, qui font couchées, 5c dans lefquelles
font enclavées les deux colonnes : elles font éloignées
l’une de l’autre de trois piés, 5c arrêtées dans
le bas par deux planches CCy qui font clouées dè
chaque coté des colonnes , fur les deux pièces dé
bois fur lefquelles on met deux poids pefans chacun
cent livres Ou environ. Voyeç ces poids mis féparé~
ment, Planche I. fig. 6". A A . Ces deux colonnes foutiennent
une traverfe D qui eft percée à diftance
égale de vingt-quatre trous F , fur une ligne droite',
ôc de douze autres E rangés également fur une fe^
conde ligne, à l ’oppofitedes vingt-quatre premiers;
où l^n place les fers à crochet. Planche l I I . fig. 2.
Du fer à crochet. Le fer à crochet, Planche II.
fig r. eft une manivelle qui fert à tordre le lacet. A
en eft la poignée, B le coude, C un bouton qui appuie
contre la traverfe du métier, D le bout du fer
à crochet qui ayant paffé par la traverfe, Planche
H I. fig- 3 ’ eft recourbé à la pointe; c’eft au bout
de ce crochet qu’on attache le fil pour le tordre.
Derrière cette traverfe F , il s’en trouve une autre
F , de même longueur, qui eft attachée aux deux
bouts par deux petits cordons à la première traverfe
, & qui étant percée d’autant de trous que 11
première , reçoit le bout des fors à cfochet, &
les fait tourner tous enfemble. On Obferve que
cette fécondé traverfe n’eft attachée que foibie-
ment, afin qu’elle puiffe fe prêter au mouvement.
Derrière ce métier eft une efcabelle C , Planche I.
fig. 2. où s’affied l’ouvrier;
Du chariot. Le chariot, Planche I. fig. 4. eft un
fécond métier à lacet, quife met à l’oppofite du premier.
Il eft compofé d’un-montant A , arrêté par
deux gouffets montés fur deux roulettes ;.ôc terminé
au-deffous par une traverfe B pareille à celle du
premier métier, laquelle eft percée de douze trous
qui répondent aux douze autres trous de la fécondé
ligne, Planche I I I . fig. 4. du premier métier. Il y
a derrière cette traverfe, comme à celle du premier
métier ; Une autre double traverfe C, que les Fabri-
quans appellent la poignée, Planche II I . fig. 5 . qui
étant percée-d’autant de trous que cette première
traverfe, reçoit les fers à crochet, comme je l’ai
dit dans celle du premier métier. Cette fécondé traverfe
du chariot fert à accélérer le mouvement
des fers à crochet, en les faifant tourner en fens cori-
traire, Planche I. fig. y. de ceux du premier métier
, 6c par ce moyen on parvient à accélérer du
double le tortillement des lacets. On met für ce fécond
métier Un poids A de cent livres pefant, ôü
environ , pour arrêter la force de l’ourdiffemeht du
lacet, qui ne doit fè faire f'èntir qu’imperceptible-
ment.
Connoiffant à préfent la difpofition du métier à
lacet, 5c les inftrumens qu’on y emploie, il faut