3 3 4 L E C
barbarie ; favôir, que la plus légère teinture des-
iciençes dérogeoit à la noblcfle , afïeâent de fe fa-
miliarifer avec les mufes , oient l’avouer, & n’ont
après tout dans leurs dédiions fur les ouvrages qu’un
goût emprunté -, ne penfant réellement que d’après
autrui. On ne voit que des gens de cet ordre parmi
nos agréables & ces femmes qui lilent tout ce
qui paroît. Ils ont leur héros de littérature, dont
ils ne font que l’écho ; ils ne jugent qu’en féconds,
entêtés de leurs choix , & léduits par une forte de
préfomption d’autant plus dangereufe qu’elle fe
cache fous une efpece de docilité .& de déférence.
Ils ignorent que pour choilir de. bons guides en ce
genre, il ne faut guere moins de lumières que pour
1e conduire par foi-même ; c’eft ainfi qu’on tâche
de concilier fon orgueil avec les intérêts de Pignon
rance & de la parelïe. Nous voulons prefque tous
avoir la gloire de prononcer, & nous fuyons prefque
tous l’attention , l’examen, le travail & les
moyens d'acquérir des connoiffances.
Que les auteurs foient donc moins curieux de
fuffrages de la plus grande , que de la plus faine
partie du public !
Neque te ut miretur turba, iabores ;
Contentus paucis leûoribus. (D . /.)
Lecteur , f. m. ( jLittérat.') leclor, quelquefois à
fludïis , & en grec àvayvoç-nç , c’étoit chez ces deux
peuples un domeftique dans les grandes maifons
deftiné à lire pendant les repas. Il y avoit même
un domeftique lecteur dans les maifons bourgeôifes,
où l’on fe piquoit de goût & d’amour pour les lettres.
Servius, dans fes Commentaires fur Virgile, liv.
X I I . v. iSc) , parle d’une le â r ice , leclrix.
Quelquefois le maître de la maifon prenoit l’emploi
de lecteur ; l’empereur Sévere, par exemple,
lifoit fouvent lui-même aux repas de fa famille. Les
Grecs établirent des anagnojles qu’ils confacrerent à
leurs théâtres, pour y lire publiquement les ouvrages
des poëtes. Les anagnoftes des Grecs Sc les
lecteurs des Romains avoient des maîtres exprès qui
leur apprenoient à bien lire , & on les appelloit en
latin proelectores.
Le tems de la le&ure étoit principalement à fou-
per dans les heures des vacations, au milieu même
de la nuit, fi l’on étoit réveillé & difpofé à ne pas
dormir davantage : c’étoit du moins la pratique de
Caton , dont il ne faut pas s’étonner, car il étoit
affamé de cette nourriture. Je l ’ai rencontré , dit
Cicéron , dans la bibliothèque de Lucullus , aftis au
milieu d’un tas de'livres de Stoïciens , qu’il dévo-
roit des yeux : Erat in eo inexhaufla aviditas legendi,
nec fatiare poterat , quippe nec reprehenjionem vulgi
inanern reformidans, in ipfâ curia foleret fotpius legeref
dum fenatus cogeretur , ità ut helu librorum videbatur.
Atticus ne mangeoit jamais chez lui en famille,
ou avec des étrangers, que fon lecteur n’eût quelque
chofe de beau, d ’agréable & d’intéreflant à lire à la
compagnie ; de forte , dit Cornélius Népos , qu’on
trôuvoit toujours à fa table le plaifir de l’efprit
réuni à celui de la bonne chere. Les hiftoriens ,
les orateurs, & fur-tout les poëtes étoient les livres
de choix pendant le repas, chez les Romains comme
chez les Grecs.
Juvenal promet à l’ami qu’il invite à venir manger
le foir chez lui, qu’il entendra lire les vers d’Ho-
mere & de Virgile durant le repas, comme on promet
aujourd’hui aux convives une reprife de brelan
après le fouper. Si mon lecteur, dit-il, n’eft pas des
plus habiles dans fa profeflion, les vers qu’il nous
lira font fi beaux , qu’ils ne laifferont pas de nous
faire plaifir.
Nojîra dabunt alios ho die convivia ludos, .
Çonditor iliados cantabitur atque Maronis
L E C
Altifoni, dubiam facientia carmina palmam :
O nid refert taies verfus quâ voce legantur ?
Satyr.II.
Je finis, parce que cette matière de lecteurs, d’ana-
gnôjîes & de lecture a été épuifée par nos favans ;
ceux qui feront curieux de s’inftruire à fond de
tous les détails qui s’y rapportent, peuvent lire Fa-
bricii Biblioth. antiq. cap. xix. Grævii Thef. antiq.
rom. Pignorius de Servis. Meurfii Gloflarium. Ale-
xandri.ab Alexandro Génial, dier. I. 11. c. xxx. Pu-
teanus de Stylo, t. X I I . p. 2.58. Gelli l. X V III. ç. vt:
Bilbergii Differt. acad. de anagnojlis, Upfal. 1689 ,
i«-S°. & finalement Th. Raynaud de Anagnojlis ad
menfam religiofam , in operib. edit. Lugd. 1665, tn-fol.
■ I WÊÊÊtÊ LECTEURS dans l'Eglife romaine, (Théol.) clercs
revêtus d’un des quatre ordres mineurs. Voyeç
Ordres Mineurs.
Les lecteurs étoient anciennement & en commençant
les plus jeunes des enfans qui entroient dans le
clergé. Ils fervoient de fecrétaires aux évêques 8c
aux prêtres , & s’inftruifoient en écrivant ou en li-
fant fous eux. On formoit ainfi ceux qtû étoient plus
propres à l’étude, & qui pouvoient devenir prêtres.
Il y en avoit toutefois qui demeuroient/efiferrrr toute
leur vie. La fon&ion des lecteurs a toujours été né-
ceflaire dans l’Eglife, puifquel’ona toujours lu les
écritures de l ’ancien & du nouveauTeftament, foit
à la Mefle , foit aux autres offices , principalement
de la nuit. On lifoit auffi des lettres des autres évêques
, des aûes des martyrs , enfuite des homélies
des peres, comme on le pratique encore. Les lecteurs
étoient chargés de la garde des livres facrés,
ce qui les expofoit fort pendant les perfécutions.
La formule de leur ordination marque qu’ils doivent
lire pour celui qui prêche, & chanter les leçons,
bénir le pain & les fruits nouveaux. L’évêque les
exhorte à lire fidèlement & à pratiquer ce qu’ils li-
fent, & les met au rang de ceux qui adminiftrent la
parole de D ieu. La fonélion de chanter les leçons,
qui étoit autrefois affeûée aux lecteurs , fe fait aujourd’hui
indifféremment par toutes fortes de clercs,
même par des prêtres. Fleury, Infiit, au droit eccléf.
tome I . part. I . chap. v j .p .6 1. & fuiv.
Il paroît, par le concile de Chalcédoine, qu’il y
avoit dans quelques églifes un archi-lecleur, comme
il y a eu un archi-acolyte, un archi-diacre, un archi*
prêtre, &c. Le feptieme concile général permet
aux abbés , qui font prêtres & qui ont été bénis
par l’évêque, d’impofer les mains à quelques-uns de
leur religieux pour les faire lecteurs.
Selon l’auteur du fupplément de M orery,la charge
de lecteur n’a été établie que dans le troifieme fiecle.
M. Cotelier dit que Tertullien eft le premier qui
fafle mention des lecteurs. M.Bafnage croit qu’avant
que cet emploi eût lieu , l’Eglife chrétienne fuivoit
dans la leéture des divines Ecritures la méthode de
la Synagogue où le jour du fabbat un facrificateur,
un lévite , & cinq d’entre le peuple, choifis par le
préfident de l’affemblée , faifoient cette lefture ;
mais Bingham, dans fes antiquités de l'Eglife, t. I I .
p. 2.8. 6*fuiv. remarque qu’il ne paroît pas qu’il y
ait eu aucune églife , excepté celle d’Alexandrie,
où l’on ait permis aux laïcs de lire l’Ecriture-fainte
en public : cette permiffion étoit accordée même
aux catéchumènes dans cette églife. Son fentiment
eft que tantôt les diacres , tantôt les prêtres, &
quelquefois les évêques s’acquittoient de cette
fon&ion.
Dans l ’églife grecque , les lecteurs étoient ordonnés
par l’impofition des mains ; mais , fuivant Habert
, cette cérémonie n’avoit pas lieu dans l’Eglife
romaine. Le quatrième concile de Carthage ordonne
que l’évêque mettra la Bible entre les mains
L E C
du lecteur eft préfence du peuple, en lui cîifatit : Recevez
ce livre , & foye{ leéteur de la parole de Dieu :
f i vous remplijfeç fidèlement votte emploi , vous aure\_
part avec ceux qui adminiftrent la parole de Dieu.
C ’eft à l’ambon & fur le pupitre que la le&ure
fe faifoit ; de-là ces expreflions de faint Cyprien,
fuper pulpitum imponi., adpulpitum venire. Des per-
jfonnes de confidération fe faifoient honneur de
remplir cette fonâion. Témoin Julien , depuis empereur
, & fon frere Gallus , qui furent ordonnés
lecteurs dans l’églife de Nicomédie. Par la no velle 113
de Juftinien , il fut défendu de choilir pour lecteurs
des perf’onnes au-deffous de dix-huit ans. Mais avant
ce réglement , on avoit vu cet emploi rempli par
des enfans de 7 à 8 ans : ce qui venoit de ce que les
parens ayant confacré de bonne heure leurs enfans
à l’églife ; on vouloit par-là les mettre en état de fe
rendre capables des fondions les plus difficiles du
facré miniftere. Voyelle Diction. deMorery.
LECTfCAIRE , leclicarii, f. m. terme d'hifloire
eccléflaflique , c’étoient , dans l’eglife grecque , des
clercs dont la fondlïon confiftoit à porter les corps
morts fur une efpece de brancard, nommé leclurn ou
lectica, & à les enterrer. On les appelloit auffi copiâtes
& doyens. Voyeç ces mots à leur place.
• Chez les anciens Romains , il y avoit auffi des
leclicaires , c’eft-à-dire des porteurs de litières, qui
étoient à-peu-près ce que font chez nous les porteurs
de chaife. Voye£ Litiere.
L e c t ic a ir e , leclicarius, (Litthatf par Suétone,
porteur de Litiere ; les Romains avoient- deux fortes
de leclicaires , les uns qui étoient de leur train , de
leurînaifon , qu’ils avoient à leurs gages, comme
nos grands feigneurs ont à Verfailles des porteurs
de chaife à eux ; les autres leclicaires étoient au
public, on les louoit quand on vouloit fe faire porter
en litiere, comme on loue à Paris des porteurs
de chaife qu’on prend fur la place , & qu’on paye
pour fe faire porter où l ’on veut. Ces leclicaires publics
étoient à Rome dans la douzième région au-
delà du Tibre ; le nom de lecticaire fut enfuite appliqué
dans l’égtife grecque à ceux qui portoient les
morts en terre pour les enterrer , parce qu’on por-
toit quelquefois le corps mort au bûcher dans des
litières chez les Romains. ( D . J. )
LECTIONNAIRE , f. m. ( Gramni. & Lithurg. )
livre d’Eglife qui contient les leçons qui fe lifent à
l’office. Le plus ancien légionnaire a été compofé
par faint Jérôme.
LECTISTERNE , f. m. lectifternium, ( Antiq. romaines.)
cérémonie religieufe pratiquée chez les anciens
Romains dans des tems de calamités publiques
, afin d’en obtenir la ceflation.
L’an de Rome 3 54, un mal contagieux qui faifoit
mourir tous les beftiaux, jetta la confternatiôn dans
la ville. Les duumvirs, après avoir confulté les livres
facrés des fibylles , ordonnèrent le lectiflerne.
Cette cérémonie ancienne avoit déjà été mife
en ufage au rapport de Valere-Maxime , liv. IL
chap. iv. fous le confulat de Brutus & de Valerius
Publicola.
Pendant cette cérémonie , ôn défeendoit les fta-
tues des dieux de leurs niches ; on les couchoit fur
des lits autour des tables dreflees dans leurs temples
; on leur fervoit alors pendant huit jours , aux
dépens de la république , des repas magnifiques,
comme s’ils euffent été en état d’en profiter. Les
citoyens, chacun félon leurs facultés, tenpient table
ouverte.. Ils y invitoient indifféremment amis
& ennemis , les étrangers fur-tout y étoient admis.
On mettoit en liberté les prifonniers , & on fe feroit
fait un fcrupule de les faire arrêter de nouveau,
apres que la fête étoit finie.
Le foin & l’ordonnance de cette fête furent confiés
lome. IX %
L E C 335
âttx duumvirs fibiilins jufqu’à l’an 558 de Rome,
qu’on créa lès épulons , à qui l’on attribua l’intendance
de tous les feftins facrés.
Tite Live , en nous apprenant ce détail, ne dit
point fi le célébré leciißerne de l’an de Romé 354
ptoduifit l’effet qu’on en efpéroit ; mais le troifieme
lectiflerne qu’on drefla environ trente-fix ans apres
l’an 390, pour obtenir des dieux la fin d’une perte
cruelle , eut fi peu d efficace , que l’on recourut à.
un autre genre bien firtgulier de dévotion ; ce fut
à rinftitution des jeux fcéniques ; on fe flatta que
ces jeux n’ayant point encore paru à Rome , ils en
feroient plus agréables aux dieux*
Cafaubon a le premier remarqué fur un paffage
du feholiafte dePindare, Ôlymp. ode 1. que les lecti*
fiernes étoient en ufage chez les Grecs , avant que
d’être connus des Romains. Mais les Grecs mêmes
avoient pris cette coûtume des Medes & autres peu-*
pies orientaux, qui couchoient leurs dieux fur les
oreillers , pulvinaria , & leur fervoient de magnifiques
repas.
M. Spon a vu à Athènes un bas-relief de marbre,
qu’il croit être la figure d’un leciißerne. Ce bas-relief
repréfente un lit élevé d’un pié , & long de deux ,
fur lequel eft le dieu Sérapis, tenant une corne d’abondance.
Il a des fruits devant lui, & fon boifleau
fur la tête ; plus bas eft Ifis, & autour d’elle quatre
ou cinq figures d’hommes.
Lectiflerne eft un mot purement latin, qui lignifie
I’aûion de dreffer, de préparer des lits, à leclisflcr-
nendis ; ces lits étoient ainfi préparés dans les fêtes
• ou pour iqviter les dieux à s’y rendre pendant la
nuit, ou pour y placer leurs ftatues & leurs images.
Quant à la defl’erte des mets qu’on leur offroit pendant
la durée du lectiflerne, comme ils n’y rouchoient
pas, les prêtres de leurs temples en faifoient leur,
profit. ( D . J .)
LECTOURE, ou LE1CTOURE, ou LÈlTOUR,1
ou LAICTOURE, en latin Lactora, gcn. Laclorum>
Leclora , Leciura, Lectoriürn & Lecturum , ( Géogr. )
ancienne & forte ville de France en Gafcogne, capitale
de l’Armagnac, avec un vieux château , &
un évêché fuffragant d’Aufch. Elle eft fur une montagne
, au pié de laquelle parte la riviere de Gers,
à 5 lieues E. de Condom, 8 S. O. d’Agen , 8 N. E.
d’Auch, 145 S. O. de Paris.
Cette ville étoit le chef-lieu du peuple,Lactoratest
dont le nom eft marqué dans une infçription romaine
; mais il ne fe trouve indiqué nulle part avant
l’itinéraire d’Antonin , où l’on voit la ville Lectoure
fur le chemin qui, partant par Aufch, alioit à Corn*
minges. Depuis le cinquième fiécle, le nom Lactora,
& celui des évêques de cette ville, fe lifent dans les
fignatures des conciles. Philippe le Bel acquit Lectoure
en i3 o od ’ÉlieTalleiran, comte de Périgord*
On lit dans Gruter des copies d’inferiptions antiques
trouvées à Leictoure, dans l’une defquelles il
y a R. P. L a c t o r a t . & dans une autre Ci v i t .
L a c t o r a t . Ces titres de cité & de république marquent
une ville libre.
On a auffi découvert un très-grand nombre d’inf*
criptions tauroboliques à Lkcloure ; prefque toutes
ont été faites fous Gordien III. qu’on nomme autrement
Gordien Pie , pour le retour de la fanté de cet
empereur, quoique cette ville y prît le plus petit
intérêt du monde. Voye^ fur Laicloure moderne, Fîad.
de Vallois , not. Gall. p. 2.5$. & M. de.Marca dans
fon hiß. de Béarn , liv. I . ch. 10. Long. 18. iG, 5$ .
latit. 43. 5G. z .
L E C T U R E , f. f. ( 4 rts.) c’eft l’aftion de.lire,
opération que l’on apprend par le fecoiirs de l ’ait.
Cette opération une fois apprife, on la fait des
y eux , ou à haute voix. La première requiert feulement
la connoiffançe des lettres f de leur fon, & de
y v ij *