ont cru. Chacun eut la liberté de propofer les réflexions
; & cette critique ayant produit plufieurs
changemens & augmentations , le fénat s’affembla
pour examiner de nouveau ces lois , & , après que
tous les ordres furent demeurés d’accord de les accepter,
le fénat les approuva par un arrêt ; & pour
les faire recevoir dans les comices afljpmblés par
centuries on ordonna des comices pendant trois
jours de marché : & enfin les dix tables ayant été
reçues folemnellement par le peuple , on les grava
fur des colonnes d’airain, arrangées par ordre dans
la place publique , & elles fcrvirent de fondement
à toutes les decifions.*
Depuis que ces dix tables furent ainfi expofées
en public, on trouva qu’il y manquoit beaucoup de
chofes néceffaires à la religion à la fociété ; on
réfolut d’y fuppléer par deux autres tables , & les
décemvirs prirent de-là occafion de prolonger encore
leur adminiftration pendant une troifieme année
; les onzième & douzième tables furent donc
préfentées au peuple, aux ides de Mai de l’année
fuivante ; on les grava pareillement fur des tables
d ’airain, que l’on mit à côté des premières. Et Dio-
dore de Sicile dit que chaque table fut attachée à un
des éperons de navire, dont le frontifpice du fénat
étoit orné.
Ces premières tables furent confumées peu de
tems après dans l’incendie de Rome par les Gaulois,
mais elles furent rétablies, tant fur les fragmens qui
en reftoient, que fur les copies qui en avoient été
tirées ; & pour en mieux conferver la teneur, on
les fit apprendre par coeur aux enfans. Rittershufius,
dans fes commentaires fur cette lo i , prétend que les
douze tables périrent encore lors de l’irruption des
Goths. Ce qu’il y a de certain , c’eft qu’elles fubfif-
toient encore peu de tems avant Juftinien ;puifqu’on
lit dans le digefte que Caïus les avoit toutes commentées
, & en avoit rapporté tous les textes, dont
la plus grande partie fe trouve aujourd’hui perdue ;
& il y a apparence que ce fut du tems de Juftinien
que les exemplaires de cette loi furent détruits, de
même que les livres des jurifconfultes dont il com-
pofa le digefte.
Plufieurs auteurs ont travaillé à raffembler dans
les écrivains de l’ancienne Rome les fragmens de la
loi dis douçc tables , dont il nous refte encore cent
cinq lois ; les unes , dont le texte s’eft confervé en
partie ; les autres, dont on ne fait que la fubftance.
Suivant les différentes induûions que l’on a tiré
des auteurs qui ont parlé de cette loi, on tient que la
première table traitoit des procédures civiles; la fécondé
, des jugemens & des vols ; la troifieme, des
dettes ; la quatrième, de la puiflance paternelle ; la
cinquième, des fuccelîions & des tutelles ; la fixieme,
de la poffeflion des biens & du divorce ; la feptieme,
des crimes ; la huitième, des métiers, des biens de
ville & de campagne, & des fervitudes ; la neuvième
du droit public ; la dixième , des cérémonies
funèbres ; les onzième & douzième, fervant de
fupplément aux dix autres, traitoient de diverfes
matières.
Pour donner une idée de l’efprit de cette loi,
nous remarquerons que quand le débiteur refu-
foit de payer ou de donner caution , le créancier
pouvoit l’emmener chez lu i, le lier par le c o l, lui
mettre les fers aux piés , pourvu que la chaîne ne
pefât que i ç livres : & quand le débiteur étoit in-
folvable à plufieurs créanciers, ils pouvoient l’ex-
pofer pendant trois jours de marché , &c après le
troifieme jour, mettre fon corps en pièces, & le partager
en plus ou moins de parties, ou bien le vendre
à des étrangers.
Un pere auquel il naifloit un enfant difforme, de-
yoit le tuer aufii-tôt. 11 avoit en général le droit de
vie & de mort fur fes enfans, & pouvoit lés vendre
quand il vouloit : quand le fils avoit été vendu trois
fois, il cefloit d’être fous la puiffance paternelle.
Il eft dit que quand une temme libre avoit demeuré
pendant un an entier dans la maifon d’un
homme, fans s'être abfentée pendant trois nuits, elle
étoit réputée fon époufe, par l’ufage & la cohabitation
feulement.
La loi prononce des peines contre ceux que l’on
difoit jetter des forts fur les moilTons, ou qui fe fer-
voient de paroles magiques pour nuire à quelqu’un.
Le latin de la loi des douze tables eft aufli barbare
que le font la plûpart de fes difpofitions.
Au furplus , on y découvre l’origine de plufieurs
ufages qui ont paffé de cette loi dans les livres de
Juftinien , & qui font obfervés parmi nous, en quoi
les fragmens de cette loi ne laiffent pas d’être curieux
& utiles. Voyez le commentaire de Rittershufius, les
trois dijfertations de M. Bonamy, & le commentaire
de M. Terraffon inféré dans fo n hiß. de la jurifprud.
rom.
L o i d u T a l i o n e ft c e l le q u i v e u t q u e l ’o n in flig
e a u c o u p a b le u n e p e in e t o u te fem b la b le a u m a l
q u ’il a fa i t à u n a u t r e ; c ’e ft c e q u e l ’o n a p p e lle a u fli
la peine du talion.
Cette loi eft une des plus anciennes, puifqu’elJe
tire fon origine des lois des Hébreux. Il eft dit en la
Genefe , chap. ix . n°. 6V « qui aura répandu le fang
» de l’homme , fon fang fera répandu » ; & dans
l’Exode , chap. x x j . en parlant de celui qui a maltraité
un autre, il eft dit qu’il « rendra vie pour v ie ,
» oeil pour oeil , dent pour dent, main pour main ,
» pié pour pié , brfilure pour brûlure , plaie pour
»p la ie , meurtrifliire pour meurtrifliire» ; & dans
le Lévitique, chap. x x iv . il eft dit pareillement « que
» celui qui aura frappé & occis un homme , mourra
» de mort ; que celui qui aura occis la bête, rendra
» le pareil » , c’eft-à-dire bête pour bête ; que quand
quelqu’un aura fait, outrage à un de fes parens, il
lui fera fait de même, fracture pour fraiture , oeil
pour oe il, dent pour dent, &c.
Il paroît que les Grecs adoptèrent cette loi ; ca r ,
félon les lois de Solon , la peine du talion avoit lieu
contre celui qui avoit arraché le fécond oeil à un
homme qui étoit déjà privé de l’ufage du premier,
& le coupable étoit condamné à perdre les deux
yeux.
Entre les lois que les Romains empruntèrent des
Grecs , & dont ils formèrent une elpece de code,
que l’on appella la loi des douze tables, fut comprife
la loi du talion ; il étoit dit que tout homme qui au-
roit rendu un autre impotent d ’un membre , feroit
puni par la loi du talion , s’il ne faifoit pas un accommodement
avec fa partie.
La loi du talion fut encore en ufage long-tems
après les douze tables ; car Caton, cité par Prifcien,
Uv. V I . parloit encore de fon tems de la loi du talion
, comme d’une loi qui étoit a&uellement en
vigueur, & qui donnoit même au coufin du bleilé
le droit de pourfuivre la vengeance : talione proxi-
; mus cognatus ulcifcitur.
La loi des douze tables n’étendoit pas ainfi le
droit de vengeance jufqu’au coufin du léfé ; ce qui
a fait croire à quelques-uns que Caton avoit parlé
de la loi du talion relativement à quelque autre
peuple.
Il n’y a même pas d’apparence que la loi du talion
ait guere eu lieu chez les Romains, le coupable
ayant le choix de racheter la peine en argent ; elle
n’aiiroit pu avoir lieu qu’à l’égard des miférables
qui n’avoient pas le moyen de fe racheter, encore
n’en trouve-t-on pas d’exemple ; & il y a lieu de pen-
fer que, dans les tems polis de Rome, on n’a jamais
mis en ufage cette loi.
II
Il eft du-moins certain que long-tems avant Jüfli-
nien , la loi du talion étoit abolie, puifque le droit
du préteur, appellé/tfi honorarium, avoit établi que
les perfonnes léfées feroient procéder à l’efîimation
du mal par-devant le juge ; c’eft ce que nous apprend
Juftinien dans fes inftitutes, liv. IV. tu. IV. où il dit
q u e , fuivant la loi des douze tables, la peine pour
un membre rompu étoit le talion, que pour un os
caffé il y avoit une peine pécuniaire ; cela fait voir
que' le talion n’avoit pas lieu dans tous les cas.
Juftinien ajoute que la peine des injures introduite
par la loi des douze tables, eft tombée en défuétude,
qu’on pratique dans les jugemens celles que les préteurs
ont introduites.
Jefus-Chrift , dans faint Matthieu , chap. v. condamne
la loi du talion : « Vous avez entendu, dit-il,
» que l’on vous a dit, oeil pour oe il, dent pour dent ;
» mais moi je vous dis de ne point vous défendre
» du mal qu’on veut vous faire, & fi quelqu’un vous
» frappe fur la joue droite, tendez lui la gauche ».
Cette loi qui enfeigne le pardon des injures eft une
doftrine bien plus pure que celle du talion.
Les meilleurs jurifconfultes ont même regardé la
loi du talion comme une loi barbare , contraire au
droit naturel. Grotius, dejurebelli & pacis , l. III.
c. ij. dit qu’elle ne doit avoir lieu ni entre particuliers
, ni d’un peuple à un autre : il tire fa décifion
de ces belles paroles d’Ariftide : « Ne feroit-il pas ab-
» furde de juftifier & d’imiter ce que l’on condamne
» en autrui comme une mauvaife afrion» ?
Il faut cependant convenir que le droit de repréfailles
| dont on ufe en tems de guerre envers les ennemis,
approche beaucoup delà loi du talion. Voyez
le jurifconfulte P au l, lib. fentent. V. tit. IV. Aulu-
Gell. I. X X . c. j . injlitut. de injur. §. y. Jurifprud,
rom. de Terraffon , part. II. § .j) .
L o i Ta RPEIa , Voyez ci-devant L o i A t e r in A.
L o i T e r e n t i a & Ca s s i a , fut une des lois frumentaires
;-.elle Fut faite fous le confulat de M. Te-
rentius & de Caflïus Varus ; elle ordonna que l’on
achèterait du blé pour le distribuer au peuple dans
les tems de difette, ce qui devint très-préjudiciable
à la république. Le blé de Sicile devoit être diftri-
bué également à toutes les villes ; mais Verrès, gouverneur
de cette province,fut plus occupé de fon intérêt
particulier que de celui du public, comme C icéron
le lui reproche.
L o i T e r e n t i l l a , fut faite par Terentius Arfa,
tribun du peuple, à l’occafion des mécontentemens
du peuple romain qui fe plaignoit de ce qu’il n’y
avoit aucun droit certain, & que le fénat jugeoit
tout arbitrairement ; elle ordonnoit que le peuple,
après avoir affemblé légitimement des comices, choi-
liroit dix hommes d’un âge mûr, d’une lâgeffe con-
fommée, & d’une réputation faine pour compofer
un corps de lois, tant pour l’adminiftration publique
que pour la décifion des affaires particulières, & que
ces lois feroient affichées dans la place publique, afin
que chacun pût en dire fon avis. Cette loi excita de
nouvelles divifions entre le fénat & le peuple; enfin
après cinq années de conteftations au fujet de l’acceptation
de .la loi Terentilla, les plébéiens Remportèrent
; tk. ce qui eft de fingulier, c ’eft que ce fut
Romilius-, homme confulaire, qui pourfuivit l’exécution
de la loi Terentilla. On envoya donc trois
députés en Grece pour y raffembler les meilleures
lois, dont les décemvirs formèrent enfuite la loi des
1 2 tables. Voyez le catalogue de Zazius, & ci-devant
au mot L o i d e s d o u z e t a b l e s . (A ).
L o is t e s t a m e n t a i r e s , on appelle ainfi les lois
romaines qui concernent la matière & la forme des
teftamens.
Lois, t h é a t r a l e s chez les Romains, étoient
celles qui regloient les places que chacun devoit oc-
Tome IX ,
cuper au théâtre & dans les jeux publics, félon fon
rang & fa condition.
La première loi qui régla ainfi les places ne fut
faite par Vatere que 656 ans après la fondation de
Rome; jufques-là perfonne ne s’étoit avifé de prendre
place devant les fénateurs. Cependant, au rapport
de Tite-Live, le peuple s’offenfa de cette loi ;
& lorfque Rofcius eut fait faire la loi qui donna rang
à part aux chevaliers dans le théâtre , ce qui arriva
fous le confulat de Cicéron, cela occafioona aii théâtre
une grande fédition que Cicéron appaila promptement
par fon éloquence, dont Plutarque le loue
grandement. Augufte fit aufli quelques années après
une lot théâtrale furnommée de fon nom Julia. Voye,£
Tite-L ive, liv. X X X I I I . Loifeau, des ordres, c ./ .
n.jic,.
L o i T h o r i a a Gr a r i a , fut faite parle tribun
Sp. Thorius, lequel déchargea les terres du fife de
■ toute redevance, au moyen de quoi le peuple fut
privé de-ce revenu qu’ori lui diftribuoit auparavant.
Voyez LO IS AGRAIRES.
L oi T j t i a , il y en a eu plufieurs de ce nom*;
favoir la
to i Titia âgraria, qui fut une des lois agraires,1
faite par Sextus Titius. Voyez Valere Maxime.
Loi Titia de donis & muneribus, défendoit de rien
recevoir pour plaider une caufe. Voyez T a c ite, liv.
VI. Quelques-uns croient que c’eft la même que la
loi Cincia ; cependant Aufone en fait mention. Voyez
Zazius.
Loi Titia & Cornelia, défendit de jouer de l’argent
à moins que ce ne tût pour prix de quelque exercice
dont l’adreffe, le courage ou la vertu fiffent l’objet ;
il en eft parlé par le jurifconfulte Martien, ff. de
Meatoribüs.
Loi Titia de provinciis quoejloris, régla le pouvoir
des quefteurs dans les provinces où ils étoient envoyés.
Loi Titia de vocatione. confulatus, fut faite par P.‘
Titius, tribun du peuple du tems des triumvirs, poutf
ordonner que le confulat finiroit au bout de cinq ans.
Voye[ Appien, liv. IV. Sur toutes ces lois, voye^ Zazius.
(^1)
L o i T r i b u n i t i a p r im a , étoit celle par laquelle
le fenat de Rome confentit, en faveur du peuple,
à la création de cinq tribuns dont la perfonne
feroit facrée, c’eft pourquoi cette loi fut nommée
facrata ; il étoit défendu de rien attenter fur leur
perfonne. Elle fut furnommée prima, parce qu’il y
eut dans la fuite d’autres lois, faites en faveur des tribuns
, entre autres celle qui défendoit de les interrompre
lorfqu’ils haranguoient le peuple. La loi Tri-
bunida défendoit aufli de confacrer une maifon ou
un autel fans la permiflion du peuple. Voyez Fulvius
Urfinus dans fes notes fur le livre d'Antoine Augujlin ,
& la Jurifprud. rom. de M. Terraffon, pag. yS.
L o is t r i b u n i t i e n n e s , c’étoient lés plébifcites
qui étoient propofés parles tribuns & faits de l’auto-,
rite.du peuple.
L o i T u l l i a , d e a m e î t V , fut faite fous le
confulat dé M. TullitisiClcéron ; c’étoit un fenaîus-
confulte , portant que celui qui afpireroit à la magifi-
trature ne pourroit, dans les deux années qui précé-
deroient fon élévation,donner au peuple des j.etix ni
des repas, ni fe faire précéder ou accompagner de
gens gagés, fous peine d’exil., Voyez Cicéron, pxo
Murena. ■
L o i V a l e r i a ; on en cônnoît plufieurs de ce
nom, favoir la
Loi Valeria faite par M.Valerius, conful, collègue
d’Apuleius; elle défendoit de condamner à mort un
citoyen romain, même de le faire battre de verges.
Loi Valeria de provocatione, étoit de P. Valerius,
furnommé Publicola, lequel pendant fon copfulat
R R r 1;