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Jugeurs ou Hommes jugeurs , jugeans ou
hommes jugeans, étoient ceux qui rendoient la juftice
à leurs égaux, ou que les prévôts ou baiflifs
appelloient avec eux pour juger, enforte qu’ils
étoient comme les affeffeurs & confeillers du juge
qui leur faifoit le rapport de l’affaire, & fur fon rapport
ils décidoient. Ils font ainfi nommés dans quelques
anciennes ordonnances, dans les lieux où la
juftice étoit rendue par des pairs ou hommes de fief.
On ne les qualifioit pas de jugeurs, mais de/»urs ou
hommes de fief. Voye{ les nous de M. Secouffe fur
Vordonnance de S. Louis en 12.54. p. J z , & fur les
établiffemens de S. Louis, liv. I . chap. cv. & liv. II.
chap. xv. & fur l’ordonnance, de Charles K . alors régent
du royaume, du mois de Mars 1366. (A )
JUGULAIRE, adj. ( Anatom. ) eft un nom que
les Anatomiftes donnent à quelques veines du cou,
qui vont aboutir aux fouclavieres. Voy. V eine.
Il y en a deux de chaque côté ; l’une externe,
ui reçoit le fang de la face & des parties externes
e la tête ; & l’autre interne, qui reporte le fang
du cerveau. Voye{ nos Planches d? Anatomie, & leur
explication , vol. I.
Jugulaire fe dit aufîi de quelques glandes du cou ,
qui font fituées dans les efpaces des mufcles de cette
partie.
' Elles font au nombre de quatorze & de différentes
figures, les unes plus groffes, les autres moins.
Elles font attachées les unes aux autres par des
membranes & des vaiffeaux , & leur fubftance eft
femblable à celle des maxillaires.
Elles féparent la lymphe qui retourne par les
vaiffeaux à tous les mufcles vôifins. C ’eft l’obftruc-
tion de ces glandes qui caufë les écrouelles. D ionis,
Voyt{ Ma l .
JUHONES, ( Géog. anc. ) peuple imaginaire que
l ’on a forgé fur un paffage altéré de Tacite ; j’entends
celui de fes annales , liv. X I I I . chap. Ivij. où
l’on a lû , fed Juhonum civitas focia nobis , au heu
qu’il falloit lire Ubiorum civitas ; c’eft de Cologne
dont il s’agit ic i, fituée dans le pays des Ubiens,
qui étoient alors feuls alliés des Romains en Germanie
, chez lefquels fe trou voit un colonie nouvellement
fondée- ( D . J. )
IVICA , ( Géog.) ville capitale d’une île de même
nom, dans la mer Méditerranée, entre le royaume
de Valence & l’île de Majorque, à 1 y lieues de l’une
& de l’autre. Les Anglois s’en rendirent maîtres en
1706 ; mais elle eft retournée aux Efpagnols. Les
falines font le principal revenu de 111e, qui eft plus
longue que large, & par-tout entourée d’écueils.
Diodore de Sicile & Pomponius Mêla en ont beaucoup
parlé. Pline nous dit que les figues y étoient
excellentes, qu’on les faifoit bouillir & féch er, &
qu’on les envoyoit à Rome ainfi préparées dans des
caiffes. Le milieu de 111e eft à 39 degrés de latitude.,
La longitude de la capitale eft à rg. 20. lat. 38.42.'
( D . J . )
JUIF, f. m. ( Hi(l. anc. & mod. ) fe&ateur de la
religion judaïque.
Cette religion, dit l’auteur des lettres perfannes,
eft un vieux tronc qui a produit deux branches , le
Chriftianifme & le Mahométifme , qui ont couvert
toute la terre ; ou plutôt, ajoute-t-il, c’eft une mere
de deux filles qui Pont accablée de mille plaies. Mais
quelques mauvais traitemens qu’elle en ait reçus, elle
ne laiffe pas de fe glorifier de leur avoir donné la
naiffance. Elle fe fert de l’une & de l’autre pour
embraffer le monde, tandis que fa vieilleffe vénérable
embraffe tous les tems. *-
Jofephe, Bafnage & Prideaux ont épuifé l’hiftoire
du peuple qui fe tient fi conftamment dévoué à cette
vieille religion, & qui marque fi clairement le berceau
, l’âge & les progrès de la nôtre.
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Pour ne point ennuyer le lefteur de détails qu’il
trouve dans tant de liv res , concernant le peuple
dont il s’agit ic i, nous nous bornerons à quelques
remarques moins communes fur fon nombre, fa dif-
perfion par tout l’univers, & fon attachement inviolable
à la loi mofaïque au milieu de l’opprobre
& des véxations.
Quand l’on penfe aux horreurs que les Juifs ont
éprouvé depuis J. C . au carnage qui s’en fit fous
quelques empereurs roùiains, & à ceux qui ont été
répétés tant de fois dans tous les états chrétiens, on
conçoit avec étonnementt que ce peuple fubfifte
encore ; cependant non feulement il fubfifte, mais,
félon les apparences, il n’eft pas moins nombreux
aujourd’hui qu’il l’étoit autrefois dans le pays de
Chanaan. On n’en doutera point, fi après avoir calculé
le nombre de Juifs qui font répandus dans
l’occident, on y joint les prodigieux effains de ceux
qui pullulent en O rient, à la Chine , entre la plupart
des nations de l’Europe & l’Afrique, dans les
Indes orientales & occidentales , & même dans les
parties intérieures de l’Amérique.
Leur ferme attachement à la loi de Moïfe n’eft
pas moins remarquable, fur-tout fi l’on confidere
leurs fréquentes apoftafies , lorfqu’ils vivoient fous
le gouvernement de leurs rois, de leurs juges . & à
l’afpett de leurs temples. Le Judaïfme eft maintenant,
de toutes les religions du monde, celle qui eft
le plus rarement abjurée ; & c’eft en partie le fruit
des perfécutions qu’elle a fouffertes. Ses feftateurs ,
martyrs perpétuels de leur croyance, fe font regardés
de plus en plus comme la fource de toute fain-
teté, & ne nous ont envifagés que comme des Juifs
rebelles qui ont changé la loi de D ie u , en fuppli-,
ciant ceux qui la tenoient de fa propre main.
Leur nombre doit être naturellement attribué à
leur exemption de porter les armes, à leur ardeur
pour le mariage, à leur coutume de le contrafter de
bonne heure dans leurs familles, à leur loi de divorce
, à leur genre de v ie fobre & réglée, à leurs
abftinences, à leur travail, & à leur exercice.
Leur difperfion ne fe comprend pas moins aifé-
ment. S i, pendant que Jérufalem fubfiftoit avec fon
temple , les Juifs ont été quelquefois chaffés de leur
patrie par les viciffitudes des Empires, ils l’ont encore
été plus fouvent par un zèle aveugle de tous
les pays où ils fe font habitués depuis les progrès du
Chriftianifme & du Mahométifme. Réduits à courir,
de terres en terres, de mers en mers , pour gagner
leur v ie , par-tout déclarés incapables de pofféder
aucun bien-fonds, & d’avoir aucun emploi, ils fe
font vus obligés de fe difperfer de lieux en lieux ,
& de ne pouvoir s’établir fixement dans aucune contré
e, faute d’appui, de puiffance pour s’y maintenir
, & de lumières dans l’art militaire.
Cette difperfion n’auroit pas manqué de ruiner
le culte religieux de toute autre nation ; mais celui
des Juifs s’eft foutenu par la nature & la force de
fes lois. Elles leur prefcrivent de vivre enfemble
autant qu’il eft poflible, dans un même corps, ou
du moins dans une même enceinte, de ne point s’allier
aux étrangers, de fe marier entr’eu x, de ne
manger de la chair que des bêtes dont ils ont répandu
le fang , ou préparées à leur maniéré. Ces ordonnances
, & autres femblables, les lient plus étroitement
, les fortifient dans leur croyance, les féparent
des autres hommes, & ne leur laiffent, pour
fubfifter, de reffources que le commerce, profeflion
long-tems méprifée par la plupart des peuples de
l’Europe.
De-là vient qu’on la leur abandonna dans les fié-'
clés barbares ; & comme ils s’y enrichirent nécef-
faireinent, on les traita d’infames ufuriers. Les rois
ne pouvant fouiller dans la bourfe de leurs fujets,
mirent
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mirent à la torture les Juifs, qu’ils ne regardôieiit
pas comme des citoyens. Ce qui fe paffa en Angleterre
à leur égard, peut donner une idée de ce qu’on
exécuta contre eux dans les autres pays. Le roi Jean
ayant befoin d’argent, fit emprifonner les riches
Juifs de fon royaume pour en extorquer de leurs
mains ; il y en eut peu qui échappèrent aux pour-
fuites de fa chambre de juftice. Un d’eux , à qui on
arracha fept dents l’une après l’autre pour avoir fon
bien, donna mille marcs d’argent à la huitième.
HenrLIlI. tira d’Aaron, ju i f d’Iorck , quatorze mille
marcs d’argent, & dix mille pour la reine. Il vendit
les autres Juifs de fon pays à Richard fon frere pour
un certain nombre d’années, ut quos rex excoriave-
rat, cornes evifceraret, dit Mathieu Paris.
On n’oublia pas d’employer en France les mêmes
traitemens contre les Juifs ; on les mettoit en pri-
fon, on les p illoit, on les vendoit, on les acculoit
de magie, de facrifier des enfans, d’empoifonner les
fontaines ; on les chaffoit du royaume, on les y lail-
foit rentrer pour de l’argent ; & dans le tems meme
qu’on les toléroit, on les diftinguoit des autres ha-
bitans par des marques infamantes.
Il y a plus, la coutume s’introduifit dans ce royaume,
de confifquer tous les biens des Juifs qui em-
braffoient le Chriftianifme. Cette coutume fi bizarre
, nous la favons par la loi qui l’abroge ; c’eft
l’édit du roi donné à Bafville le 4 Avril 13 92.. La
vraie raifon de cette confifcation, que l’auteur de
Yefprit des lois a fi bien développée, étoit une efpece
de droit d’amortiffement pour le prince, ou pour les
feigneurs, des taxes qu’ils levoient fur les Juifs, y
comme ferfs main - mortables, auxquels ils fuccé-
doient. Or ils étoient privés de ce bénéfice, lorlque
ceux-ci embraffoient le Chriftianifme.
En un mot, on ne peut dire combien, en tout
lieu , on s’eft joué de cette nation d’un fiecle à l’autre.
On a confifqué leurs biens, lorfqu’ils recevoient
le Chriftianifme ; & bien-tôt après on les a fait brûle
r , lorfqu’ils ne voulurent pas le recevoir.
Enfin, profcrits fans ceffe de chaque pays, ils
trouvèrent ingénieufement le moyen de fauver leurs 1
fortunes , Sc de rendre pour jamais leurs retraites
affurées..Bannis de France fous Philippe le Long en
13 18, ils fe réfugièrent en Lombardie, y donnèrent
aux négocians des lettres fur ceux à qui ils avoient
confié leurs effets en partant, & ces lettres furent
acquittées. L’invention admirable des lettres de
change fortit du fein du defefpoir ; & pour lors feulement
le commerce put éluder la violence, & fe
maintenir par tout le monde.
Depuis ce tems-là, les princes ont ouvert les
yeux fur leurs propres intérêts, & ont traité les
Juifs avec plus de modération. On a fenti, dans
quelques endroits du nord & du midi, qu’on ne pou-
voit fe paffer de leur fecours. Mais, fans parler du
Grand-Duc de Tofcane, la Hollande & l’Angleterre
animées de plus nobles principes, leur ont accordé
toutes les douceurs poflibles, fous la prote&ion invariable
de leur gouvernement. Ainfi répandus de
nos jours avec plus de fureté qu’ils n’en avoient encore
eu dans tous les pays de l’Europe où régné le
commerce, ils font devenus des inftrumens par le
moyen defquels les nations les plus éloignées peuvent
converfer & correfpondre enfemble. Il en eft
d’eux, comme des chevilles & des doux qu’on employé
dans un grand édifice, & qui font néceffaires
pour en joindre toutes les parties. On s’eft fort mal
trouvé en Efpagné de les avoir chaffés, ainfi qu’en
France d’avoir perfécuté des fujets dont la croyance
différoit en quelques points de celle du prince.
L’amour de la religion chrétienne confifte dans fa
pratique ; & cette pratique ne refpire que douceur,
qu’humanité, que charité. ( D . J, )
Tome IX .
1UI if
* Juifs , Philofophie des , ( tiifi. de ta Philofop. )
Nous ne connoiffons point de nation plus ancienne
que l* juive. Outre fon antiquité , elle a fur les autres
une fécondé prérogative qui n’eft pas moins importante;
c’eft de n’avoir point paffé par le polithéif-
me, & la fuite des fuperftitions naturelles & générales
pour arriver à l’unité de Dieu. La révélation
& la prophétie ont été les deux premières fources
de la connoiffance de fes fages. Dieu fe plut à s’en-
trenir avec Noé, Abraham , Ifaac, Jacob , Jofeph >
Moïfe & fes fucceffeurs. La longue vie qui fut accordée
à la plupart d’entre eux, ajouta beaucoup à
leur expérience. Le loifir de l’état de pâtres qu’ils
avoient embraffé, étoit très-favorable à la méditation
& à l’obfervation de la nature. Chefs de familles
nombreufes, ils étoient très-verfés dans tout ce
qui tient à l’économie ruftique & domeftique , & au
gouvernement paternel. A l’extin&ion du patriar-
chat, on voit paroître parmi eux un Moïfe, un Dav
id , un Salomon , un D aniel, hommes d’une .intelligence
peu commune , & à qui l’on ne refufera pas
le titre de grands légiflateurs. Qu’ont fçu les philo-
fophes de la Grece, les Hiérophantes de l’Egypte, &
les Gymnofophiftes de l’Inde qui les éleveau-deffus
des prophètes ?
Noé conftruit l’arche, fépare les animaux purs
des animaux impurs , fe pourvoit des fubftances
propres à la nourriture d ’une infinité d’efpeces
différentes , plante la vigne , en exprime le vin, &
prédit à fes enfans leur deftinée.
Sans ajouter foi aux rêveries que les payens &
les Juifs ont débitées fur le compte de Sem & de
Cham, ce quel’Hiftoire nou$ en apprend fuflit pour
nous les rendre refpe&ables ; mais quels hommes
nous offre-t-elle qui foient comparables en autorité,
en dignité, en jugement, en piété , en innocence,
à Abraham, à Ifaac & à Jacob. Jofeph fe fit admirer
par fa fageffe chez le peuple le plus inftruit
de la terre, & le gouverna pendant quarante ans.
Mais nous voilà parvenus au tems de Moïfe ; quel
hiftorien ! quel légiflateur l quel philôfophe ! quel
poète ! qoel homme !
La fageffe de Salomon a paffé en proverbe. Il écrivit
une multitude incroyable de paraboles ; il coûr
nut depuis le cèdre qui croît für le Liban, jufqu’à
l’hyffope ; il connut & les oiféaux, & les poiffons,
& les quadrupèdes, & les reptiles ; & l’on accou-
roit de toutes les contrées de la terre pour lé Voir ,
l’entendre & l’admirer.
Abraham, Moïfe, Salomon, Job, Daniel, &
tous les fages qui fe font montrés chez la nation ju i-
ve avant la captivitédë Babylone, nous fourniroient
une ample matière, fi leur hiftoire n’appartenoit
plutôt à la révélation qu’à la philofophie.
Paffons maintenant à l’hiftoire des Juifs, aufortir
delà captivitédë Babylone, à ces tems où ils ont
quitté le nom d’Ifraélites & d’Hébreux , pour prendre
celui de Juifs.
De la philofophie des Juifs depuis le retour de la captivité
de Babylone y jufqu'à la ruine de Jérufalem.Y ex-
fonne n’ignore que les Juifs n’ont jamais paffé pour
un peuple favant. Il eft certain qu’ils n’avoient au-;
cune teinture des fciences exaftes, & qu’ils fe trom-
poient grofiierement fur tous les articles qui en dépendent.
Pour ce qui regarde la Phyfique, & le déi
tail immenfe qui lui appartient, il n’eft pas moins
confiant qu’ils n’en avoient aucune connoiffance ,
non plus que des diverfes parties de l’Hiftoire.natu-i
relie. Il faut donc donner ici au mot philofophie une
lignification plus étendue que celle qu’il a ordinaire?
ment. En effet il manqueroit quelque chofe à l’hifj
toire de cette fcience , fi elle etoit privée du détail
des opinions & de la doélrine de ce peuple , détail