
habiles, des jurifconfultes profonds, des’poëtes qui
ont illuftré les Mufes françoifes à Légal des Mules
grecques, des orateursfublimés 6c pathétiques, des
politiques dont les vues honorent l’humanité, Si
quelqu’autre langue que la latine devient jamais l’idiome
commun des favans de l'Europe^ la langue
françoife doit avoir l’honneur de cette préférence :
elle a déjà les fuffragés de toutes les cours où on la
parle prefque comme à Verfailles ; 6c il ne faut pas
douter que ce goût univerfel ne foit dû autant aux
richefles de notre littérature , qu’à l’influence de
notre gouvernement fur la politique générale de
l’Europe. ( B. E. R. M. )
Langue angloise, {Gramm. ) elle eft moins
pure, moins claire, moins correfte que la langue
françoife, mais plus riche, plus épique 6c plus énergique
; c’eft ce qui a fait dire à un de leuis poètes,
an-moins avec efprit :
A weighty Bullion o f one Jlerling line.
Drawn to frenchwire , should through one page shinc.
Elle emprunte de toutes les Langues, de tous les
arts, & de toutes les fciences, les mots qui lui font
néceffaires, 6c ces mots font bientôt naturalifés dans
une-nation libre & favante; elle admet lestranfpo-
fitions & les inverlions des langues grecque 6c latine,
ce qui lui procure la poëfie du ftyle 6c l’harmonie.
Enfin Langlois a l’avantage fur routes les langues,
pour la fimplicité avec laquelle les tems 6c les modes
des verbes fe forment.
Ce fut en 136 1 , qu’Edouard III. ftatua, de concert
avec le parlement, qu’à l’avenir dans les cours
de judicature, 6c dans les aftes publics, on fe fervi-
roit de la langue angloife au lieu de la langue françoife
ou normande, qui étoit en vogue depuis Guillaume
le conquérant. ( D . J. )
Langue Françoise, IGramm.') il me femble
que les ouvrages françois faits fous le fiecle de Louis
XIV. tant en profe qu’en vers, ont contribué autant
qu’aucun autre événement, à donner à la langue
dans laquelle ils font écrits, un fi grand cours,
qu’elle partage avec la langue latine, la gloire d’être
cette langue-que les nations apprennent par une convention
tacite pour fe pouvoir entendre. Les jeunes
gens auxquels on donne en Europe de l’éducation,
connoiffent autant Defpréaux , la Fontaine & Molière
, qu’Horace, Phèdre & Térence.
La clarté, l’ordre, la jufteffe, la pureté des termes
, diftinguent le françois des autres langues, 6c
y répandent un agrément qui plait à tous les peuples.
Son ordre dans l’expreflion des penfées, le rend
facile ; la jufteffe en bannit les métaphores outrées ;
& fa modeftie interdit tout emploi des termes grof-
fiers ou obfcénes.
Le latin dans les mots brave l'honnêteté,
Mais le lecteur françois veut être refpeclé.
Cependant, je ne crois pas qu’à cet égard notre
langue ait en elle-même un avantage particulier fur
les langues anciennes. Les Grecs & les Romains par-
loient conformément à leurs moeurs ; nous parlons ,
ainfi que les autres peuples modernes, conformément
aux nôtres ; & les.différens ufages que l’on fait
d’inftrumens pareils, ne changent rien à leur nature,
& ne les rendent point fupérieurs les uns aux autres.
On doit chérir la clarté, puifqu’on ne parle que
pour être entendu, 6c que tout difeours eft deftiné
par fa nature, à communiquer les penlees 6c les fen-
timens des hommes ; ainfi la langue françoife mérite
de grandes louanges en cette partie ; mais quelque
précieufe que foit la clarté, il n’eft pas toujours né-
ceffaire de la porter au dernier degré de la fervitu-
4e , & je crois que c’eft notre lot. Dans l’origine
d’une langue, tout le mérite du difeours à dû fan9
doute fe borner-là. La difficulté qu’on trouve à s’énoncer
clairement, fait qu’on ne cherche dans ces
premiers commencemens qu’à fe faire bien entendre,
en fuivant un ordre févere dans la conftruftion
de fes phrafes. On s’en tient donc alors aux façons
de parler les plus communes 6c les plus naïves, parce
que l’indigence des expreflïons, ne laiffe point de
choix à faire entre elles, & que la fimplicité du lang
e , ne connoît point encore les tours, les délica-
teffes, les variétés & les ornemens du difeours.
Lorfqu’une langue a fait des progrès confidérables,
qu’elle s’eft enrichie, qu’elle a acquis de la dignité,
de la fineffe, 6c de l’abondance, il faut favoir ajouter
à la clarté du ftyle plufieurs autres per ferions
qui entrent en concurrence avec elle, la pureté,
la vivacité, la nobleffe, l’harmonie, la force , l’élégance
; mais comme ces qualités font d’un genre
différent & quelquefois oppofé, il faudroit les l a cri-
fier les unes autres, fuivant le fujet &les occafions.'
Tantôt il conviendroit de préférer la clarté à la pureté
du ftyle ; 6c tantôt l’harmonie, la force ou l’élégance,
donneroient quelque atteinte à la régularité
de la conftruftion ; témoin ce vers de Racine :
Je t'aimois inconfiant, qu'euffai-je fait fidèle !
Dans notre profe néanmoins ce font les réglés de
la conftruâion, 6c non pas les principes de l’harmonie,
quivdécident de l’arrangement des mots : le génie
timide de notre langue, ofe rarement entreprendre
de rien faire contre les réglés, pour atteindre à
des beautés où il arriveroit, s’il étoit moins ferupu-
leux.
L’afferviffement des articles auquel la langue françoife
eft foumife, ne lui pas permet d’adopter les inver-
fions & les tranfpofitions latines qui font d’un fi grand
avantage pour l’harmonie. Cependant, comme le
remarque M. l’abbé du Bos , les phrafes françoifes
auroient encore plus de befoin de l’inverfion pour
devenir harmonieufes, que les phrafes latines n’en
avoient befoin ; une moitié des mots de notre langue
eft terminée par des voyelles ; & de ces voyelles, Ve
muet eft la feule qui s’élide contre la voyelle qui
peut commencer le mot fuivant : on prononce donc
bien fans peine, fille aimable; mais les autres voyelles
qui ne s’élident pas contre la voyelle qui. commence
le mot fuivant, amènent des rencontres de fons désagréables
dans la prononciation. Ces rencontres rompent
fa continuité, & déconcertent fon harmonie ; les
les expreflïons Suivantes font ce mauvais effet, l'amitié
abandonnée, la fierté opulente ,Cennemi idolâtre, & C .
Nous Sentons fi bien que la eollifion du fon de
ces voyelles qui s’entrechoquent, eft défagréable
dans la prononciation, que nous faifons Souvent de
vains efforts pour l’éviter en profe, 6c que les réglés
de notre poëfie la défendent. Le latin au contraire
évite aifément cette eollifion à l’aide de fon inver-
fion, au lieu que le françois trouve rarement d’autre
reffouree que celle d’ôter le mot qui corrompt l’harmonie
de fa phrafe. Il eft Souvent obligé de Sacrifier
l’harmonie à l’énergie du fens, ou l’énergie du fens
à l ’harmonie ; rien n’eft plus difficile que de confer-
ver au fens 6c à l’harmonie leurs droits refpeftifs,
lorfqu’on écrit en françois, tant on trouve d’oppo-
fition entre leurs intérêts, en compofant dans cette
langue.
Les Grecs abondent dans leur langue en terminaisons
6c en inflexions ; la nôtre fe borne à tout abréger
par fes articles 6c fes verbes auxiliaires. Qui ne voit
que les Grecs avoient plus de génie & de fécondité
que nous ?
On a prouvé au mot Inscription que la langue
françoife étoit moins propre au ftyle lapidaire que les
langues grecques 6c latine. J’ajoute qu’elle n’a point
en partage l’harmonie imitative, & les exemples en
font rares dans les meilleurs auteurs; ce n’eft pas
qu’elle n’ait différens tons pour les divers fentimens;
mais fou vent elle ne peint que par des rapports éloignés,
& prefque toujours la force d’imitation lui
manque. Que fi en confervant fa clarté, fon élégan-
ce 6c fapurete, on parvenoit à lui donner la vérité
de Limitation, elle réuniroit fans contredit de très-
grandes beautés.
Dans les langues des Grecs 6c des Romains, chaque
mot avoit une harmonie réglée, & il pouvoit s’y rencontrer
une grande imitation des fons avec les objets
quil falloit exprimer; auffidans les bons ouvrages
de l’antiquité, l’on trouve des deferiprions pathétiques
, pleines d’images, tandis que la languefrançoife
n ayant pour toute cadence que la rime, c ’eft-à-dire
la répétition des finales, n’a que peu de force de
poëfie & de vérité d ’imitation. Puis donc qu’elle eft
dénuée de mots imitatifs, il n’eft pas vrai qu’on puiffe
exprimer prefque tout dans cette langue avec autant
de jufteffe & fte vivacité qu’on le conçoit.
Le françois manque encore de mots compofés-, 6c
par confequent de l’énergie qu’ils procurent ; car une
langue tire beaucoup de force de la compofition des
mots. On exprime en grec, en latin, en anglois ,
par un feul terme, ce qu’on ne fauroit rendre en
françois que par une périphrafe.
Il y a pareillement auffi peu de diminutifs dans
notre langue, que de compofés; 6c même la plûpart
de ceux que nous employons aujourd’hui, comme
cajfette , tablette , n’ont plus la lignification d’un diminutif
de caiffe6t de table; car ils ne lignifient point
une petite caiffe ou une petite table. Les feuls diminutifs
qui nous reftent, peuvent être appellés des diminutifs
de chofes, 6c non de terminaifons : bleuâtre,
jaunâtre y rougeâtre, font de ce caraftere, & marquent
une qualité plus foible dans la chofe dont on
parle.
Ajoutons, qu il y a un très-grand nombre de chofes
effentielles, que la langue françoife n’ofe exprimer
par une fauffe délicatefiè. Tandis qu’elle nomme
fans s’avilir une chevre, un mouton1, une brebis,
elle ne fauroit fans fe diffamer dans un ftyle un peu
noble, nommer un veau , une truie, un cochon.
ivfruthç 6c fivxoXoi, font des termes grecs élégans qui
répondent à gardeur.de cochons, 6c à gardeur de
boeufs , deux mors que nous employons feulement
dans le langage familier.
Il me refte à parler des richefles que la langue fran-
çoifea acquifes fous le régné de Louis X I V. Elles
font femblables à celles que reçut la langue latine,
fous le fiecle d’Augufte.
Avant que les Romains s’appliquaffent aux Arts
& aux Sciences* fpeculatives , la langue des vainqueurs
de toutes les nations manquoit encore d’un
prodigieux nombre de termes , qu’elle fe procura
par les progrès de Lefprit. On voit que Virgile entend
l'Agriculture, LAftronomie, la Mufique, 6c
plufieurs autres fciences ; ce n’eft pas qu’il en préfente
dès détails hors de propos , tout au contraire,
c ’eft avec un choix brillant, délicat, & inftruâif.
. Les lumières que les fieeles ont amenées,fe font foû-
jours répandues fur la langue des beaux génies. En
donnant de nouvelles idées, ils ont employé l’es ex-
preffions les plus propres à les inculquer, & ont limité
lès lignifications équivoques. D e nouvelles
connoiffatoces-, un nouveau fentiment, ont été décorés
de nouveaux termes, denouvelles allufions :
ces acquifitions font très'-fenfibles dans l'a langue
françoife. Corneille, Defcartes, Pafcal, Racine,
Defpréaux, &c. fourniffent autant d’époques de nouvelles
perfe&ions. En un mot, le dix-feptieme & le
dix-huitieme fiecle ont produit dans notre langue tant
d ouvrages admirables en tout genre, qu’elle eft devenue
néceffairement la langue des nations 6c des
cours de l’Europe. Mais fa richeffe feroit beaucoup
plus grande, fi les connoiffances fpéculatives ou
d expériences s’étendoient à ces perfonnes, qui peuvent
donner le ton par leur rang 6c leur naiffance.
, de.tf ? nommes étoient plus éclairés, notre langue
s ennchiroif de mille expreffions propres ou figurées
c,m lu. manquent, & dont les favans qui écrivent,
tentent feuls le befoin.
Il eft honteux qu’on n’ofe aujourd’hui confondre
■ H proprement dit, avec les termes dès'Arts
St des Sciences, & qu’mi homme de la cour fe dé-
fende de eônnoître ce qui lui feroit utile & honorable.
Mais à quel caraftere, dira-t-on, pouvoir di-
ltmguer les expreffions qui ne feront plus hafardées ?
Cetera fans doute en refléchiflsnt fur leur nèceflïté
& fur le genie de la langue. On ne peut exprimer
une decouverte dans un art,, dans une fciénce, que
par un nouveau mot bien trouvé. On ne peut être
emu que par une aéüon ; ainfi tout terme qui por-
teroit avec foi uneimage, feroit toûjours digne d’être
applaudi ; de-là quelles richefles ne tireroit-on pas
des Arts , s’ils étoient plus familiers ?
» ^ vollJons vérité ; la langue des François polis
n eft quun ramage foible 6c gentil : difons tout,
notre langue n’a point une étendue fort confidéra-
ble ; elle n’a point une noble hardieffe d’images, ni
de pompeufes cadences, ni de ces grands mouve-
mens qui pourroient rendre le merveilleux; elle n’eft
point épique ; fes verbes auxiliaires, fes articles, fa
marche uniforme, fon manque d’inverfions nuifent
à 1 enthoufiafme de laPoéfie ; une certaine douceur,
beaucoup d’ordre , d’élégance, de délicateffe & de
termes naïfs, voilà ce qui la rend propre aux feenes
dramatiques.
Si du-moins en confervant à la langue françoife fon
génie, on 1 enrichiffoit de la vérité de Limitation,
ce moyen la rendroit propre à faire naître les émotions
dont nous femmes fufceptibles, & à produire
dans la fphère de nos organes, le degré de vivacité
que peut admettre un langage fait pour des hommes
plus agréables que fublimés, plus fenfuels que paf-
fionnes, plus fuperficiels que profonds.
Nous fuppofons en finiffant cet article, qu’on a
déjà lu au mot François , les remarques de M. de
Voltaire fur cette langue.
On connoît le diftionnaire de l’académie, dont
la nouvelle édition fera plus digne de ce corps.
Les obfervations 6c les étymologies de M. Ménag
e , renferment plufieurs chofes curieufes. Mais ce
lavant n’a pas toûjours confulté l’ufage dans fes obfervations
; & dans fes étymologies, il ne s’eft pas
toûjours attaché aux lettres radicales, qui font fi
propres à dévoiler l’origine des mots, 6c leurs degrés
d’affinité.
Vaugelas tient un des premiers rangs entre nos auteurs
de goût, quoiqu’il fe foit fouvent trompé dans
fes remarques 6c dans fes décifions ; c’eft pour cela
qu il faut lui joindre les obfervations de Corneilfe
& d u P. Bouhours, à qui notre langue a beaucoup
d’obligations.
Les deux difeours de M. I’abbé Dangeau, l ’un fur
les voyelles, & l ’autre fur les confonnes, font précieux.
Le traité d’ortographe de l ’abbé Reignier,
& celui de Port-Roya'l, de l’édition de M. Duclos,
me femblent tout ce qu’il y a de meilleur en ce
genre.
Les fynonymes de' l’abbé Girard font inftru&ifs :
la Grammaire de M. Reftaut a de bons principes
fur les accens, la ponâuation, 6c la prononciation ;
mais les écrits de M. du Marfais, grammairien de
genre, ont-un tout autre-mérire ; voyez-en plufieurs
morceaux dans cet ouvrage. ( D . J. )
Langue des Cantabres , ( Hi(l. des Langues. )