
peut âppellér le fa it, & ce qu’on peut appellera
droit ( nous ne parlons toujours que de i’ulage intérieur
, qui eft Feffentiel ) , il nie paroît, toutes les
autorités & les observations étant oppolëes , comparées
, réfumées , & en y joignant le réfultat de
mes propres expériences, qu’on a dit en général du
lait trop de bien & trop de mal.
Premièrement, trop de bien, C3r il eft fur que le
lait ne guérit véritablement aucune maladie grave,
nommément les phtifies décidées, c’eft-à-dire dès le
commencement du fécond degré , lors même qu’il
réu ffit, ou paffe très-bien. J’ai même obfervé plus
d’une fois que quoiqu’il calmât certains Symptômes,
ce n’étoit-là qu’un calme trompeur, comme celui
de l’opium, & que la maladie n’en alloit pas moins
fon train perfide. Que s?il réuffit quelquefois très-
bien dans le premier degré de phtifie, c’eft que cet
état eft moins une maladie qu’une menace de maladie.
11 ne guérit non-plus aucun ulcéré des organes
intérieurs , ni les rhumatifmcs, ni les maladies de la
peau, notamment les boutons au vifage, ni les ophtalmies.
Il a , dans la petite v éro le, le défaut Capital
de conftiper trop opiniâtrément,trop long-tems;
c’eft même, comme nous l’avons obfervé déjà , un
des effets des plus communs de la diete lactée : cette
diete a encore l’inconvénient très-grave de devenir
prefqtre néceffaire pour toute la v ie , une fois qu’on
s’y eft accoutumé, notamment chez les goutteux qui
éprouvent, félon l’obfervation de Sydenham, des
accès plus cruels & plus fréquens , lorfqu’après s’ê-
ire fournis pendant un certain tems à la diete la&ée,
ils reviennent à l’ufage des alimens ordinaires. En
général l’ufage du lait demande une façon de vivre
très-réguliere , & à laquelle il eft difficile de réduire
là plupart des malades ; & foit par des erreurs de
régime prefque inévitables, foit même fans aucune
de ces erreurs, il eft très-fujet à caufer des naufées,
des abolitions totales d’appétit, diarrhées, des vents,
des fueurs, une mélanchoïie noire , des douleurs de
tête, la fievre. Or tous ces accidens, qui rendent
fon ufage dangereux, même dans l’état de fanté,
comme nous l’avons obfervé plus haut, font bien
plus funeftes, fans doute, dans l ’état de maladie, &
principalement dans les maladies chroniques de la
poitrine,& prefque tous les cas de fuppuration interne.
Il n’eft pas rare non-plus d’obferver dans ces derniers
cas, & lorfque le pus a une iffue, comme dans
les ulcérés du poumon ou de la matrice, que cet
écoulement eft fupprimé par l’ufage du lait, avec
augmentation de fymptômes & accélération de la
ffiort. Enfin c’eft un reproche très - grave à faire au
la it, que celui de ne pouvoir être fupporté que par
la moindre partie des fujets non-accoutumés , auxquels
on lè preferit.
Secondement, trop de mal, car il eft obfervé d’abord
que fi on s’obftine à ufer du lait, quoiqu’il cau-
fé la plûpart des accidens ci-deffus rapportés, ilri’eft
pas rare de voir tous ces accidens difparoître peu-
â-peu, & le lait paffer enfuite affez heureufement. Il
eft obfervé encore, comme nous en avons touché
quelque chofe déjà , que de même que le lait paffe
très-bien quelquefois fans que le fond de la maladie
reçoive aucun amandement Utile, de même il paroît
quelquefois caufer &mêffie il caufe en effet dans les
cas graves, certains accidens, ou qui ne font funeftes
qu’en apparence, ou qui n’en exiftercfient pas
moins fi onn’avoit pas donné le lait. Il eft fur encore
que le lait fait communément très-bien dans-Ies amai-
griffemens externes , fans fievre fuppuratqiré, dans
lès toux fimples & vraiment peâorates ou gutturales
dans les menaces de phtifie, & dans les-difpo-
fitiôns à l’hémoptifié, dans lès fleurs blanches, &c.
Qn- l’a. vu même réuffir plus d^une.fois dans les vapeurs
hÿftériqües, & dans les àffeftions mélancoliques
hypôcondriaques ; mais le lait brille principalement
fur un ordre de fujets que beaucoup de médecins
n’ont pas été à portée de diftinguer & d’obferver
, favoir les habitàns élevés délicatement des
grandes villes. Toutes les petites incommodités
prefque particulières aux grands & aux riches , aux
conftitutioris dégénérées parle lu x e , que les Médecins
comprennent fous le nom à'ajfeHions vaporeu-
f t s ou nerveufes , dont la plus grande partie font
inconnues dans les provinces ; tout cela , dis-je,
eft affez bien affoupi, mafqué par l’ufage du lait ; &
l’on ne fepafferoitque très-difficilement de ce fecours
dans la pratique de la Medecine exercée dans légrand
mondei Enfin le laiteâ au-moins une reffource dans
les cas defefpérés pour calmer les angoiffes , les douleurs
, l’horreur du dernier période de la maladie >
pour cacher au malade, par l’emploi d’un fecours
indifférent, la trifte vérité qu’il n’a plus de fecours
à efpéter.
Le lait étant fuffifamment indiqué par la nature
de la maladie, il refte à déterminer les autres cir-
conftances qui doivent diriger dans fon adminiftra-
tion,&premièrement la conftitution. du fujet. Quant
à ce premier chef, toutes les réglés fe réduifent à
celle-ci. On le donne fans héfiter à ceux qui y font
accoutumés ; Bennet ajoûte, & qui l’appetent vivement
, avidè petentibus. On ne le donne point à
ceux qui l’ont en horreur, & même on en fufpend,-
on en fupprimé l’ufage lorfqu’il dégoûte celui qui en
ufe. Enfin, dans les fujets neutres, s’il eft permis
d’appeller ainfi ceux qui n’ont pour le lait, ni penchant,
ni dégoût, & qui n’y font point accoutumés ,
on n’a d’autre reffource que le tâtonnement.
z°. La faifon de l’année ; on choifit, lorfque le9
circonftances le permettent, le printems & l’autom-
mne; quand la néceflïté eft urgente, on le donne en
tout tems.
3°. L’heure dans la journée. Si on n’en prend qu’une
fois par jou r, c’eft le matin à jeun, ou le foir en fé
couchant, trois heures au moins après lefoqpèr.S’il
s’agit de la diete la&ée, ou de la boiffon du tait en
guife de ptifane dans la toux par exemple, où dans
certaines maladies aiguës, la queftion n’a plus lieu.
Dans le premier cas , on le prend à l’heure des repas
, & dans le fécond , à toutes les heures de la
journée.
4°. Faut-il préparer le fujet au moins par une médecine
? Cette pratique eft falutaire dans la plupart
des c;as ; mais certainement on en fait une loi trop
univerfelle.
5°. Quel régime doivent obferver ceux qui prennent
le lait ? Il y a ici une diftinfrion effentielle à faire
favoir entre le lait donné pour toute nourriture, ou à
peu près ; & le lait pris pendant l’ufage ,fub ufu , des
alimens communs. Dans le premiers cas, la première
eft de régime,c’eft-à-dire la privation de tout aliment
ou boiffon qui pourroit corrompre le lait, eft com-
prife dans la prefeription même de cet aliment médicamenteux
, puifqu’on le prend pour toute nourriture
, e?éft-à-dire pour tout aliment & pour toute boiffon.;
Cependant comme cet ufage eft moins févere
que ne î ’àfinonce la valeur de ces mots pour toute
nourriture, on accorde communément avec le lait,
comme nous l’avons dit plus haut, les farineux fermentés
& non fermentés, & on fupprimé tout autre
aliment.
Une taffe de lait purou coupé, d’environ fix onces
le matin, unefoupe faite avec deux ou trois petites
tranches de pain, &c environ dix ou douze onces de
lait à midi, un riz clair avec pareille quantité de
lait à fept heures du foir, & une taffe de lait pareille
à celle du matin, le foir en fe couchant ; cette maniéré
dé v iv r e , dis^-je, fait une diete lattée très-pleine,
& capable de foutent* les forces & .l'embonpoint.
point. Une diete laftée parement fuffifante pour vivre,
peut ne confifter qu’en trois petites taffes à caf-
fé de lait par jour.
On interdit à ceux qui ufent en même tems du
lait, & les alimens communs, tout ce qui peut cailler
le lait y & principalement les acides. En général
cette pratique eft bonne, mais non pas autant qu’on
le croit, ni par la raifon qui le fait croire ; car il eft
de fait que le lait eft caillé » même dans l’eftomac le
plus fain avant d’être digéré ; qu’il fubit dans l’état
fain une vraie digeftion, à la maniéré des alimens
folides ; par confequent les acides ne nuifent pas en
le coagulant. D ’ailleurs ils ne nuifent pas auffi généralement
qu’on le croit ; & peut-être font-ils utiles
au contraire dans certains cas ; dans celui du défaut
de la préfure naturelle, à laquelle ils peuvent fup-
pléer utilement. On a vu plufieurs perfonnes ne digérer
jamais mieux le lait ,que lorfqu’elles prenoient
enfuitedes acides. Une femme m’a affuré qu’elle ne
pcfuvoit fouffrir le lait que coupé avec la limonade ;
j ’ai entendu dire que ce mélange étoit communément
ufité en Italie. Quoi qu’il en foit, il eft clair
que la fobriété eft plus néceffaire à ceux qui prennent
le lait, que la privation de tel ou tel aliment.
Cependant fi ce doit être là la première loi diététique
, la fécondé chez les gens vraiment malades,
doit être d’éviter autant qu’il eft poffible les crudités
, fur-tout les fruits verds, les alimens éminemment
indigeftes.
Une réglé commune à la diete la ô é e , & à l’ufage
nôn-exelufif du lait, c’eft que ceux qui en u fent,
foienttrès-circonfpeâs, très-fobres fur l’ufage de la
veille , des exercices, de l’a&e vénérien , des paf-
fions ; & qu’ils évitent l ’air humide & froid, & le
chaud exceffifr
6°. Quels font les effets du lait évidemment mauvais
, & qui doivent engager à en fufpendre, & même
à en abandonner abfolume’nt l’ufage. Nous avons
déjà répondu en partie à cette queftion, lorfque
nous avons rapporté les accidens divers qui fuivent
affez fou vent l ’ufage du lait. C a r , quoique nous
ayons obfervé qu’il arrivoit quelquefois qu’en bravant
ces accidens, & s’obftinant dans l’emploi du
lait, on réuffiffoit à le faire paffer ; quoique nous
ayons remarqué auffi que les malades ne fe trou-
voient pas mieux , quoiqu’on eût éloigné par la fup-
preffion du feir les accidens qui étoient évidemment
dûs à l’ufage de ce remede ; cependant ce n’eft pas
là la loi commune ; & en général lorfque le lait donne
des naufées, des gonflemens, des vents, des pertes
d’appétit, des diarrhées, des fueurs, des maux de
tête , la fievre, ou feulement une partie de ces accidens
, il faut en fufpendre , ou en fupprimer abfolu-
ment l’ufage.
Nous avons déjà obfervé que la coagulation du
lait dans l’eftomac, n’étoit point un mal ; par con-
féquent ce n’ eft pas une raifon pour quitter le lait,
que d’en v®mir une partie fous la forme d’un caillé
blanc & peu denfe.
Mais lorfque pendant l’ufage du lait, les gros ex-
crémens font mêlés d’une màtiere coagulée denfe,
de la nature du fromage, blanchâtre, verte ou
jaune , & qu’en même tems les hypocondres font
gonflés, & que le malade fe fent lourd, bouffi, foi-
ble, & qu’il n’a point d’appétit, &c. alors, dis-je, il
faut quitter le lait. C e genre d’altération ne fe corrige
ni par les remedes, ni par le tems ; l’efpece d’engorgement
fans irritation, iners, qu’il caufe dans l’eftomac
& dans les inteftins, augmente chaque jour,
& élude fi bien la force expultrice de ces organes,
qu’on a vu des malades rendre abondamment de ces
concrétions fromàgeufes fix mois après avoir quitté
le lait ; or ces embourbemens font toujours funeftes.
La conftipation opiniâtre , c’eft-à-dire qui ne ce-
Tome IX .
L A I 205
de point aux remedes ordinaires que nous allons
indiquer dans un inftant, eft auffi une raifon po*r
quitter le la it , fur-tout chez les vaporeux des deux
fexes; ou fi elles donnent des vapeurs à ceux même
qui n’y étoient pas fujets, ce qui eft une fuite très-
ordinaire de la conftipation.
Enfin le dégoût du lait, fiir-tout lorfqu’il eft con-
fidérable, eft une indication certaine & évidente
d’enintërdire, ou au moins d’èn fufpendre l’ufage.
7®. Quels font les remedes de cgs divers accidens
caufés par le lait, foit qu’ils exigent qu’on en
fufpende l’ufage, foit qu’on fé propofe d’y remédier
, afin de continuer le lait avec moins d’inconvénient.
Lorfqu’on fe détermine à renoncer au lait, il eft
prefque toujours utile de purger le malade ; & c’eft:
même l’unique remede direû à employer dans ce
cas. Les autres remedes [deftinés à réparer le mal
caufé dans les premières vo ies, doivent être réglés
non-feulement fur cette vû e , mais même fur la
confidération de l’état général du malade.
La conftipation caufee par le lait n’eft pas vaincue
communément par les lavemens; ils ne font que faire
rendre quelques crotins blancs ; & il arrive .fou-
vent même que la conftipation augmente. La magné-
fie blanche, & la caffe cuite qui font fort ufitées
dans ce cas neréuffiffent pas toujours ; lé fus d’herbe
de violette, de mauve & dé cerfeuil, mêlés èn parties
égales, ajoutés à pareille quantité d’eau de
veau ou de poulet, & pris à la dofe de quelques
cuillerées feulement dans la matinée, font à merveille
dans ces fujets délicats, dont nous avons parlé
déjà: or c’eft à ceux-Ia principalement, comme
nous l ’avons obfervé encore , que convient la diete
lactée ; c’eft eux auffi que tourmentent particulièrement
les conftipations & les bouffées portant à
la tête & à la poitrine, qui font les fuites les plus fa-
cheùfes de la conftipation.
On remédie communément d’aVance autant qu’il
eft poffible , aux autres mauvais effets du la it, par
les diverfes circonftances de fa préparation, que
nous allons expoferfur le champ.
On donné le lait pur & chaud‘fortant dn pis , où
.bouilli ou froid ; on le mêle ou on le coupe àvec
différentes liqueurs, avec dé l’eau pure (ce qui fait
le mélange appellé par les Grecs uJ)>o->«?,<* ) , avec
des décoftions des femences farineufes, principalement
de l’orge , avec les fîtes , infufions ou décoctions
de plufieurs plantes vulnéraires , aftringentes,
adouciffantes , antifcôrbutiques, fudorifiqués, &c.
telles que le fuc ou la décôâion de plantain, l’infu-
fion de millepertuis, de violette, de bouillon-blanc,
le fuc de creffon, la décôûion d’efquine , &c. avec
des bouillons & des brôüets; tels que le bouillon commun
de boeufou de mouton, l’eau de veau , l’eau de
poulet, &c. avec les liqueurs fermentées même,
comme le vin & la bierre, avec les eaux minérales,
&c. On l ’affaifonne avec le fucre, le fe l, le miel,
divers fyrops , les abforbans , le fer rouillé &c rougi
au feu , & éteint dedans, &c. On l’emploie comme
affaifonnemént lui-mêmé dans les crèmes de riz,
de gruau , d’orge mondé, avec les pâtes d’Italie, le
fagou , &c. On le donne entier , ou privé de l’un de
fes principes, d’une partie du beurre, par exemple ,
ce qui fait le lait écrémé, ou de plufieurs de fés principes,
du beurre & du fromage, par exemple ; ce qui
fait le petit lait, dont nous Ferons un petit article à
part, à la fuite de celui-ci. Le beurre & le fromage,
foit confondus enfemble, foit féparés, ne font pas
mis communément au rang des laitages confidérés
médicinalement : nous en avons fait des articles particuliers.
Voye{ ces artioles.
Le lait pur demande la trop grande habitude pour
bien paffer. La circonftance d’être pris chaud, froid,
D d .