châtelain, ceux des autres lieux prirent le nom de
maires, •
Les ducs & les comtes jugeoient avec leurs pairs
Tappel des juges inférieurs, & les affaires de grand-
criminel ; mais dans la fuite ils le déchargèrent encore
de ce foin fur des.officiers que l’on appella bail-
Lïfs, & en d’autres endroits fénéchaux : mais ces
baillifs & fénéehaux n’étoient d’abord que des juges
de feigneurs.
A Paris, & dansles autres villes du domaine, qui
étoient alors en très-petit nombre, le roi établiffoit un
prévôt royal pour rendre la juftice en fon nom. Ces
prévôts royaux avoient d’abord la même autorité
que les comtes & vicomtes qui les avoient précédés.
Le parlement qui étoit encore ambulatoire, avoir
l’infpeérion fur tous ces juges ; nos rois des deux premières
races envoyoient en outre dans les provinces
éloignées des commiffaires appeliés mifji domi-
nici, pour recevoir les plaintes que l’on pouvoit
avoir à faire contre les feigneurs ou leurs officiers.
Les feigneurs fe plaignant de cekeinfpeérion qui
les ramènoit à leur devoir, on ceffa pour un tems
d’envoyer de ces commiffairesi mais au lieu de ces
officiers ambulatoires, le roi créa quatre baillifs
royaux permanens , dont le fiége fut établi à Vermand
, aujourd’hui Saint Quentin, à Sens, à Mâcon,
& à Saint Pierre-le-Moutier.
Le nombre de ces baillifs fut augmenté à mefure
q u e l autorité royale s’affermit. Philippe- Augufte
en 1 190 , en établit dans toutes les principales villes
de fon domaine, & tous ces anciens duchés & comtés
ayant été peu-à-peu réunis à la couronne , les
baillifs & fénéchaux, prévôts, & autres officiers
qui avoient été établis par les ducs & comtes, devinrent
juges royaux. ■
Il y eut cependant quelques feigneurs qui donnèrent
à leurs juges le,titre de. baillifs ; & pour les diftinguer
des baillifs royaux, ceux ci furent.appellés
baillici majores, & ceux des feigneurs baillici minores..
: ..
Le dernier degré des juges royaux, eft celui des
prévôts, châtelains, viguiers, maires, &c. dont l’appel
reffortit aux bailliages & fénéchauffées. , ,
Quelques bailliages & fénéchauffées ont été érigés
en préfidiaux, ce qui leur donne un pouvoir plus
étendu qu’aux autres.
L ’appel des bailliages & fénéchauffées reffortit au
parlement.
Outre les parlemens qui font fans contredit le premier
ordre des juges royaux, nos rois ont établi encore
d’autres cours fupérieures, telles que le grand-
confeil, les chambres des comptes , les cours des
aides, qui font auffi des juges royaux.
Il y a dçs juges royaux ordinaires , d’autres d’attribution,
& d’autres de privilege. Voyez Juge d’a t -
tr ibu tio n , Juge ordinaire , Juge de p r iv i le
g e .
Tous juges royaux rendent la, juftice au nom du
roi ; il n’y a cependant guere que les arrêts des cours
qui foient intitules du nom du roi ; les jugemens des
autres fieges royaux font intitulés du nom du bail-
lif qu fénéchal de la province.
La connoiffance des cas appeliés royaux , appartient
aux juges royaux, priva rivement, à ceux des
feigneurs.
Ils précèdent en toutes .occafions les officiers des
feigneurs, excepte lorfque .ceux-ci font dans leurs
fondions.
. Ils,pe peuvent pofféder aucun office dans la juftice
des feigneurs , a moins qu’ils n’ayent obtenu du roi
des termes de compatibilité à cet effet. Voye^ Ba il -
l i f s , C o m t e , C o u r , Pr é s id ia u x , Prévôt
r o y a l , Sé n é c h a l , V ic o m t é , V ig u ier . ( ^ )
Juge Séculier , eft celui qui eft établi par le
roi ou par. quelqu’autre feigneur. Cette qualification
eft oppofée à celle .de juge d’églife ou eccléfiaftique.
Voyt{ Juge d’égl ise. ( A )
Juge de Seigneur , eft celui qui rend la juftice
au nom du feigneur qui l’a établi. On l’appelle auffi
juge fubalterne. Voye{ JUSTICE SEIGNEURIALE. (A )
Juge se ign eu r ial , eft la même chofe que juge
de feigneur. On l’appelle ainfi pour le diftinguer du
juge royal. Voye^ JUGE DE SEIGNEUR , 6* JUGE
ROYAL. ( A )
Juge souverain , eft celui qui eft dépofitaire
de l’autorité fouveraine pou* juger en dernier ref-
fort les conteftations qui font portées devant lui.
Les magiftrats qui compofent les cours font des
j ugesfouverains.
Quelques-tribunaux ont le même caraftere à certains
égards feulement, comme maîtres des requêtes
de l’hôtel, lefquels dans les affaires qu’ils ont
droit de juger fouverainement, prennent le titre de
juges fouverains en cette partie.
Le caraûere des juges fouverains eft plus éminent,
& leur pouvoir plus ©tendu que celui des juges en
dernier reffort ; les juges fouverains étant les feuls
qui puiffent, félon les circonftances, faire céder la
rigueur de la loi à un motif d’équité. Voye^ C ours <*
& Juge en dernier res so r t. ( A )
Ju g e Subalterne , lignifie en général un juge
inférieur qui en a un autre au-deffus de lui ; mais on
donne ce nom plus communément aux juges de feigneurs
relativement aux juges royaux qui font au-
deffus d’eux. Voye[ Ju s t ic e SEIGNEURIALE. ( A )
Juge Su bd élé gué, eft celui qui eft commis par
un juge qui eft lui-même délégué. Voye{ Juge DÉLÉGUÉ
& SUBDÉLÉGUÉ. ( A )
Juge Supérieur , fe dit quelquefois d’une cour
fouveraine, ou d’un magiftrat qui en eft membre. .
Mais on entend auffi plus fouvent par-là tout juge
qui eft au-deffus d’un autre. Ainfi le juge haut jufti-
cier eft lejugefupérieur du bas & du moyen jufticier ;
le bailli royal eft le juge fupérieur du juge feigneurial,
de même que le parlement eft le juge fupérieur du
bailliroyal. Le terme de juge fupérieur eft oppofé en
ce fens à Celui déjugé inférieur. Voye^ ci-devant Juge
INFÉRIEÜR.ÿif ^ )
Juges des t r a it e s ou des tr a it e s fo r a i nes
, .qu’on appelle auffi Maîtres des port s , font
des juges royaux d’attribution, qui connoiffént en
première inftance tant au.civil qu’au criminel, des
conteftations qui furviennent pour les droits qui fe
perçoivent fur les marchandifes qui entrent ou qui
fbrtent du royaume ; ils connoiffént encore desmar-
çhandifes de contrebande & de beaucoup de matières
qui regardent l ’entrée & la fortie des perfon?
nés & des chofes hors du royaume, fuivant leur éta-
bliffement.
Henri II. par des lettres patentes en forme d’édit,
du mois de Septembre 1549, créa des maîtres des
ports j lieutenans, àc autres officiers, auxquels il attribua
priyativement à tous autres jugesla connoiffance
& jurifdiérion en première inftance , non-feulement
des droits anciens d’impofition. foraine ow
domaine forain, qui faifoient partie de l’appanage
des rois & de la couronne, mais encore, des droits
qu’il établit nouvellement , auffi appeliés droits d’im-
pofitjon foraine fur les chbfes qui entrent & fortent
& même fur les perfonnes qui pourroient également
entrer ou fortir du royaume. L’article iJ. de cet édit
enjoint aux officiers défaits maîtres des ports, chacun
en droit foi refpeérivemenr, d’envoyer de quartier
en quartier, les états,lignés au vrai de leurs mains
aux tréforiers de France, de ce qu’auront valu les,
droits de domaine forain & haut paffage, & à l’égard
gard de l’impofitiori foraine aux généraux des financés.
Cet édit fut adreffé & vérifié au parlement ; mais
comme les droits de l’impofition n’étoient point de
fa compétence, l’arrêt d’enregiftrement porte, lecld
publicatâ & rtgifratâ , in quantum tetigit domaniurn ,
domini nofrî regis audito procuratore générait.
Cette referve ou forme d’enregiftrement, fe trouv
e dans plufieurs arrêts de vérification de cette
cour ; ce qui prouve l’union & la fraternité qui re-
gnoit entre ces deuxcoürs également fouveraines.
Lé même roi Henri II. ayant inftitué en 1551 de
nouveaux officiers & maîtres des ports, pour éviter
la confufion dans la perception des droits de dorhai-
ne forain & d’impofition foraine, établit des bureaux
dans les différentes provinces du royaume;
Ces bureaux, dont le plus grand nombre tirent
leur origine de cet édit, fi l’on excepte celui de Paris
, furent fucceffivement connus fous le nom de
bureaux des traites , à la referve des trois qui font
connus par diftinérion fous le nom de douanne, foit
par leur fituation ou leur ancienneté, qui font les
bureaux des douannes de Paris , L y o n , & Valence.
L’on prétend que le nom de douanne , vient d’un
terme bas-breton doen, qui fignifie porter $ parce que
l’on tranfporte dans ces bureaux toutes fortes de
marchandifes.
Les maîtres des ports furent confirmés dans leurs
fon&iôns & établiffement fous Louis XIV. par un
édit du mois de Mars 1667, & furent indiftinôe-
ment dénommés maîtres des ports, ou juges des traites.
- Mais cè même prince, après avoir établi par fes
ordonnances de 1680 & 1687 , une jurifprudence
certaine pour la perception des droits qui compofent
les fermes générales'des gabelles, aydes, entrées,
& ahtres y jointes, dont la connoiffanoe appartient
aux élus en première inftance, & par appel
à la cour des aydes , fixa & détermina pareillement
des maximes concernant la perception des droits de
fôrtre & d’entrée- fur les marchandifes & denrées
par fon ordonnance du mois de Février 1687 , contenant
13 titres, dont le douzième attribue la compétence
& la connoiffance de tous différends civils
& criminels, concernant les droits de fortie & d’entrée
, & ceux qui pourroient naître en exécution
de ladite ordonnance ', aux maîtres des ports & juges
des traites en première inftance, 8c par appel aux
cours des aydes'de leur reffort.
Cette même ordonnance preferit aux juges la
forme de procéder tant en première inftance que fur
l’appel. ( ^ )
JUGEMENT , f. m. ( Métapkyjîque. ) puiffance de
l’ame, qui juge de la convenance , ou de la difeon-
venance des idées.
Il ne faut pas confondre le jugement avec l’accord
fucceffif des connoiffances que procurent les fens,
indépendamment des facultés intelle&uelles ; car le
jugement n’a aucune part dans ce qui eft apperçu 8c
difeerné par le feul effet des fenfations. Lorfque
. nous buvons féparément du vin & de l’eau , les im-
preffions différentes que ces deux liqueurs font fur
notre langue, fuffilent pour que nous les diftinguions _
l’une de l’autre. 11 en eft de même des fenlations
que nous recevons par la. vue , par i’ouie, par l’odorat
; le jugement n’y entre pour rien.
Nous ne jugeons pas , lorfque nous appercevons
que la neige eft blanche, parce que la blancheur de
la neige fe diftingue par la fimple vue de la neige.
Les hommes & les bêtes acquièrent également cette
connoiffance parle feul difeernement, fans aucune
attention, fans aucun examen , fans aucune recherche.
Le jugement n’a pas plus lieu dans les cas où
l’on eft déterminé par fenfation à agir, ou à ne pas
Tome I X ,
agir. Si nous fournies, par exemple, placés trop
près du feu , la chaleur qui nous incommode nous’
porte, ainfi que les b ê t e s à nous éloigner, fans la
moindre délibération de l’efprir.
Le jugement eft donc une opération de l’ame rai-
fonnable ; c’eft un afte de recherche , par lequel
après avoir tâché de s’affurer de la vérité, elle fe
rend à fon évidence. Pour y parvenir, elle combine,
elle compare ce qu’elle veut connoître avec préci-
fion. Elle pefe les motifs qui peuvent la décider à
agir, ou à ne pas agir. Elle fixe fès d'effeins ; elle
choifit les moyens qu’elle doit préférer pour lés exécuter.
On eftime les chofes fur Iefquelles il s’agit d’éta-
blir fon jugement, en appréciant leur degré de pér-
feélion ou d’imperfe&ion , l’état des qualités, la valeur
des aétions, des caufes, des effets, l’étendue &C
l’exaéritude des rapports. On les compte par les re-'
gles du calcul ; on les mefure en les comparant à des
valeurs , à des quantités, ou à des qualités connues
& déterminées.
'Cependant comme la faculté intelleéhielle que
nous appelions jugement, a été donnée à l’homme,
non-feulement pour la fpéculation, mais auffi pour
la conduite dé fa v ie , il feroit dans un trifte é tat, s’il
devoit toujours fe décider d’après l’évidence, & la
certitude d’une parfaite connoiffance ; car cette évidence
étant refferrée dans des bornés fort étroites ,
l’homme fe trouveroit fouvent indéterminé dans la
plupart des aérions de fa vie. Quiconque ne voudra
manger qu’après avoir vu démonftra'tivemént qu’ un
tel mets le nourrira fans lui caufer d’incommodité ;
& quiconque ne voudra agir, qu’après avoir vu certainement
que ce. qu’il doit entreprendre fera fuivî
d’un heureux fuccès, n’aura prefque autr-e chôfé' à
faire, qu’à fe tenir en repos ou à périr d’inani-
1 tion.
S’il y a des chofes expoféesà nos yeux dans une
entière évidence, il y en a un beaucoup plus grand
nombre, fur Iefquelles nous n’avons qu’une lumière
ôbfcure, & fi je puis ainfi m’exprimer, urt crépuf-
cule de probabilité. Voilà pourquoi l’ufage Sé l’excellence
du jugement {e bornent ordinairement à pouvoir
obferver la force ou le poids des probabilités ;
enfuite à en faire une jufte eftimatiôn ; enfin, après
les avoir pour ainfi dire toutes fommées exaélemènt,
à fe déterminer pour le côté qui emporte la Balance.
Les perfonnes qui ont le plus d’efprit & le plus'
de mémoire , n’ont pas toûjours le jugement le plus
folide & le plus profond : j’entends par efprit, l’art
de joindre promptemént les idées, dé des varier»
d’en faire des tableaux qui divértiffent &Trap-'
pent l ’imagination. L ’efprit en ce fens eft fatisfait.
de l’agrément de la peinture, fans s’èmbârràffer des
réglés feveres du raifonnement. Le jugement au contraire,
travaille à approfondir les chofes, à diftinguer
foigneufement une idée d’avec'■ uné autre, & à
éviter qu’urte infinité ne lui donne le change. '
• Il eft vrai que fouvent le jugement ri’émane. pas de
fi bons principes ; les hommes incapables du degré
d’attention qui eft. requis dans une-longue fuite de
gradations , ou de'différer quelque tems'à fe déterminer
, jettent les yeux deffus à vue depra y s , & îùp-
pofent, après un leger coup d’oeil ; que les chofes
conviennent ou difeonvienneht entre elles. ‘
Ce feroit la matière d’un grand ouvrage, que d’examiner
combien l’imperfeérion dans la faculté de
diftinguer les idées , dépend d’une trop grande précipitation
naturelle à Certains tempéràmens, de l’ignorance,
du manque de pénétration ^ d’exercice ,
& d’attention du côté de l’entendement-, de'la grof-
fierefé, des vices j Ou du défaut d ’organes; «S’c.'Mais
il fuffit de remarquer ic i, que c’eft à ' fe repréfenteç
nettement les idées, & à pouvoir les diftinguer exà-^
C