
expliquer comment on le fabrique. On commence
à placer le premier métier au bout d’une chambre,
voyt{ Pl. I I . figure i. que l’on rendfolide par deux
poids A A de cent livres chacun, qui fe placent de
chaque côté des colonnes , afin qu’il puifle fuppor-
ter tout l’effort de l’ourdiflement des lacets. On met
à l’autre bout de la même chambre le fécond métier
, que l ’on appelle le chariot B , qu’il faut éloigner
du premier métier , en ligne droite , de treize
piés , quoique la longueur du lacet ne doive etre
que d’onze. Car il faut obferver que quand les fils
ont acquis un certain degré de force élaftique par
le tortillement, le lacet fait effort pour tourner dans
la main de l’ouvrier ; c’eft par cette raifon qu’on
a mis deux roulettes au métier appellé le chariot,
qui étant tiré par l ’effdrt que fait le lacet en s’our-
diflant, diminue la grandeur que l’on a donne aux
fils , en fe retirant à mefure que le lacet s’ourdit.
On commence enfuite par tirer le fil des bobines C ,
qui font placées au bas du premier métier, comme
je l’ai déjà dit ci-defliis ; & réunifiant les trois fils
des trois bobines en un feul, l’ouvrier acroche par
un noeud ce triple fil au premier fer à crochet de là
première rangée du premier métier ; il va enfuite
acrocher ce même triple fil au premier fer à crochet
du fécond métier appellé le chariot. Ce triple fil
eft deftiné à faire la première partie des neuf fils
dont le lacet doit être compofé. Cela fa it , il revient
attacher un fécond triple fil au premier crochet
de la fécondé rangée , oppofé à celui où il a
attaché le premier, 8c va l’arrêter fur le même^ crochet
du chariot fur lequel il a déjà attaché le premier
triple fil. Enfuite il revient au premier métier
, 8c acroche un troifieme triple fil au fécond
crochet de la fécondé rangée ; il retourne l’attacher
fur le même crochet du chariot où il a déjà
attaché les deux autres ; ce qui forme une efpece
de triangle. 11 faut avoir attention que les fils que
l’on tire des trois bobines pour n’en former qjpui
feul , doivent être de même longueur , de même
groffeur 8c avoir une égale tenfion. Cette opération
étant faite fur les trente-fix fers à crochet dont
le premier métier eft compofé, 8c fur les douze fers
à crochet du fécond métier, l’ouvrier commence
par tourner pendant un demi-quart d’heure environ
, la double traverfe du premier m étier, laquelle
, par fon mouvement, fait tourner tous les fers
à crochet de gauche à droite , jufqu’à ce que les
neuf fils dont chaque lacet eft compofé , foient ourdis
en trois parties.
Tout étant ainfi difpofé, l’ouvrier prend un inf-
trument que l’on appellele fabot ; voy. Pl. I , fig. 5 .
où il eft placé entre la première & la fécondé rangée
des fers à crochet D du premier métier ; il
tourne la double traverfe de ce métier pendant cinq
minutes , cette traverfe faifant agir tous les fers à
crochet, ourdit chacun des trois fils en fon particulier
, 8c par ce mouvement le fabot A s’avance
peu-à-peu du côté du chariot. Quand il y eft arrivé
, l ’ouvrier l’arrête avec une ficelle , qui doit
être attachée au milieu du chariot ; enfuite il reprend
la double traverfe du premier métier , 8c
tournant encore quelques tours, il détache le fabot
; puis faifant tourner la traverfe du premier métier
pendant qu’une autre main fait tourner celle du
chariot, le mouvement qui fe fait du côté du chariot,
éloigne le fabot, & le renvoie du côté du premier
métier ; mais il faut que l’ouvrier qui eft du côté
du chariot ait fo in , pendant qu’il tourne d’une
main , de diriger le fabot avec l’autre main, au
moyen d’un bâton fourchu, PL I I I , fig. j . parce
que ce fabot fe trouve quelquefois 4arrêté par des
^oeuds qui fe rencontrent dans les fils. On fe fert
aufli d’un autre bâton crochu , fig. 4 , pour l’arrêter
lorfqu’il s’éloigne trop vite. Ce fabot J en s c*
loignant, gliffe entre les fils jufqu’au premier métier
par le mouvement du fécond métier. La traverfe du
chariot faifant mouvoir les douze fers à crochet du
fécond métier dont elle eft compofée, réunit en un
feul les trois fils que contient chaque fer à crochet
en fe roulant les uns fur les autres mais il faut
obferver que pendant cette fécondé' opération ,
c’eft-à-dire pendant que le lacet s’ourdit, il continue
de fe racourcir, & le chariot B remonte d’environ
deux piés. Quelquefois il arrive que plufieurs
fers à crochet s’embarraffent en tournant, par le
frottement qui fe fait contre la traverfe : c’eft à quoi
il faut bien prendre garde ; on peut y remédier en
prenant foin de les frotter de tems en tems d’huile
d’o live, qu’il faut avoir auprès de foi dans un vaif-
feau ; voye{ la Pl. I I I , fig. 10. Toute l’opération
que les ouvriers du pays appellent un tirage, fe fait
en un quart-d’heure.
Le lacet étant ourdi, on le cire avec un torchon
ciré , & on le détache des fers à crochet du métier.
On raffemble ces lacets en groflfe ; voye[ Planche
I I I , fig. G. La grofle de lacets eft compofée de
douze douzaines, ou de 144 lacets : ceux de fil de
plain doivent être garnis de neufs fils , 8c ceux
d’étoupes de fix. La grofle de lacets de fils d’étou-
pes mife en couleur , eft compofée de 18 lacets
blancs, de 18 mêlés de rouge 8c de blanc, de 36
mêlés de bleu 8c de blanc, 8c de 72 entièrement
bleus. On fabrique des lacets de cinq longueurs ,
d’une demi-aune, de trois quarts , d ’une aune *
d’une aune & demie 8c de trois aunes, qui eft la
plus grande longueur qu’on puifle leur donner. On
en fait d’un feul tirage une douzaine de ceux de
trois aunes , deux douzaines de ceux d’une aune ,
quatre douzaines de ceux de trois quarts, 8c fix
douzaines de ceux d’une demi-aune.
Du fer à lacet. Les lacets étant raflemblés en
grofle , on les garnit aux deux bouts d’un morceau
de fer-blanc, PL I I I , fig. 7 . La grofle de lacets
d’une aune de long 8c au-deflous, doit avoir à chaque
bout une garniture de fer-blanc de huit lignes
de longueur ; celle de trois quarts d’aune, de cinq
lignes , 8c celle d’une demi-aune, de trois lignes.
On peut, avec une feuille de fer-blanc ordinaire ,
garnir trois grofles de lacets ; mais on ne fe fert que
des retailles des Lanterniers , qui font à très - bon
marché.
On coupe le fer-blanc avec des cifailles, qui font
attachées fur une table, PL I I I ,fig. 8 , au moyen
d’une broche de fer qui les foutient .dans la pofition
où il faut qu’elles foient pour ce travail,
Le fer à lacet étant taillé, on le plie ; voyt{ Planche
I I I , figure 9 . L’ouvrier étant aflis, tient de la
main droite un marteau , & de la main gauche une
broche de fer ; voye^ cette broche PL I I I ,fig. 7 -
Sous cette broche qu’il tient de la main gauche , il
met un des morceaux de fer-blanc taillé, qu’il fou-
tient avec le fécond doigt de la même main. Il pofe
le tout enfemble fur l’une des cannelures dont la
petite enclume A eft garnie fur fa largeur ; voyez
fig. c). L ’ouvrier, avec un marteau dont le manche
n’a que la longueur qu’il faut pour l’empoigner ,
frappe légèrement fur la broche deux ou trois coups,
qui font prendre au fer la forme de la cannelure ;
8c pour donner à ce fer une demi-rondeur fufiifan-
te ,• il foutient toujours le bout du fer avec le bout
du fécond doigt de la main gauche ; & en le faifant
un peu tourner de côté & d’autre , .il frappe quelques
coups qui achèvent de donner au fer-blanc
la vouffure iuflïfante. Il y a ordinairement deux
cafés fur l’établi , l’une pour mettre les morceaux
de fer-blanc qui font plats , 8c l’autre pour les dé-
pofer , à mefure qu’ils font pliés.
Lorfqu’il eft queftion de ferrer le lacet, l’ouvrier
prend une groffe de lacets , qu’il attache fur une
petite table garnie d’une enclume, PL I II. fig. 10.
le tout pareil à la table qui fert à plier les fers , 8c
qui peut fervir auflï à ce double travail. II prend
l ’un des lacets , qu’il tient de la main gauche ; il
prend de l’autre main un fer plié , dans lequel jl
fait entrer le bout du lacet. Il applique l’un avec
l’ailtre fur l’une des cannelures de l’enclume. Il
frappe un premier coup pour adapter le fer au lar
cet ; puis tournant le bout du lacet avec ce fe r , il
arrondit & afîujettit le fer au lacet , en donnant
quelques coups avec le marteau.
A onze ou douze ans les jeunes gens font afliez
forts pour tourner le métier à lacet, & les enfans
de huit ans peuvent plier le fer-blanc 8c l’appliquer
aux lacets. Un ouvrier dans la force de l’âge ,
ou ce que l’on appelle un bon ouvrier , fait par
jour fes dix grofles de lacets d’une aune de long ;
mais un petit apprentif, ou un foible ouvrier, n’cn
fait que huit. Un feul homme en un jour coupe
allez de fer-blanc pour la garniture de 80 grofles
de lacets.
Mémoire fur la fabrique des lacets. Pe Queftion î
Combien fe vend le f i l , & de quelle qualité on l'emploie
pour Us lacets. Ré p o n s e . On diftingue trois fortes
de fil ; le fil fin , le fil de plain 8c le fil d’étoupes.
Le fil fin eft celui qui provient du meilleur chanvre
, improprement appellé femelle, que l’on recueille
le premier ; mais on n’emploie point ce fil
pour les lacets. Le fil de plain, qui provient du
chanvre qui porte le chénevi, 8c que néanmoins
on nomme le mâle, apparemment parce que c’eft
le plus fo r t , fert à la fabrique des meilleurs lacets :
il coûte ordinairement quinze fols la livre. Le fil
d’étoupes , qui eft fait des matières grofîieres qui
reftent après que le frotteur a tiré la meilleure filafle,
tant du chanvre femel le que du mâle, s’emploie pour
la fabrique des lacets de couleur, & coûte communément
'neufibis la livre. *
II. Si les fabriquans achètent le chanvre pour le faire
frotter & filer, ou s'ils achètent le fil tout fa i t , 6*
s'ils le font blanchir ou teindre- HÉ P . Ils achètent le
fil tout fa it , & ils font toujours blanchir le fil de
plain, qui ne s’emploie jamais qu’en blanc pour faire
les meilleurs lacets. Le fil d’étoupes ne fert jamais
qu’à faire des lacets de couleur : on n’en fait blanchir
qu’environ la fixiemo partie , pour faire un
mélange de couleurs dont il fera parlé ci-après , 8c
on teint tout le refte, mais la moindre partie en
rouge avec le bois du Brélil 8c l’alun, 8c le fur-
plus en bleu avec le bois d ’Inde & le verd-de gris.
III. Si les fabriquans font eux-mêmes le blanchif-
fage & la teinture du fil. RÉ P . Les fabriquans teignent
le fil par eux-mêmes, mais ils font faire tous
leurs blanchiflages au village de Marmagne, à une
petite demi - lieue de Montbard, où il y a une blan-
chiflerie renommée.
IV. Ce qu'il en coûte pour le blanchiffàge & pour
la teinture du fil. RÊP. Il en coûte un fol de blan-
chiflage par écheveau de fil , 8c chaque écheveau
pefe communément une demi-livre. La teinture en
rouge coûte deux fols fix deniers par livre de fil ;
& en bleu , un fol fix deniers, outre la peine , que
l ’on ne compte pour rien , attendu que les petits
fabriquans qui n’ont pas de fonds pour leur commerce,
peuvent teindre le fil à mefure qu’ils l’ache-
ten t, & en toute l’aifon, au lieu qu’il n’y a qu’une
laifon propre pour le blanchiflage , qui exige beaucoup
plus de tèms. Il ne faut que 24 heures pour
teindre , mais pour blanchir il faut fix femaines au
printems, & jufqu’à trois mois dans l’automne ;
ce qui fait que les petits fabriquans font fouvent
obligés, par cette feule raifon, de faire de? lacets de
couleur, quoique moins lucratifs 8c moins de défaite
que les blancs. Il réfulte que, tout confidérc ,
la livre de f il, foit à blanchir, l’oit à teindre, coûte
deux fols.
V . Ce qu'il en coûte pour devïder une livre de f iL
R é p . On paie aux dévideurs trois deniers par chaque
écheveau de f i l , ce qui fait fix deniers par livre
; les deux écheveaux pefent une livre environ,.
VI. De combien de longueurs différentes fe font les
lacets. RÉP. On en fabrique de cinq longueurs ;
d’une,demi-aune, de trois quarts, d’une aune, d’unes-
aune 8c demie 8c de trois aunes , qui eft la plus
grande longueur qu’on puifle leur donner ici. On
en fait d’un feul tirage une douzaine de ceux de
trois aunes , deux douzaines de ceux d’une aune
& demie , trois douzaines de ceux d’une aune ,
quatre douzaines de ceux de trois quarts, 8c fix
douzaines de ceux d’une demi-aune.
VII. De combien de fils chaque lacet tfl compofé f
& combien il faut de lacets pour faire une groffe»
RÉP. La grofle de lacets eft compofée de douze
douzaines , ou de 144 lacets : ceux de fil plain doivent
être garnis de neuf fils, 8c ceux d’étoupes dé
fix fils feulement.
VIII. Combien il entre de fil pefant dans Une groffe
de lacets de chaque qualité. R é p . Une groffe de la-
cets de fil de plain d’une aune de long, confomme
dix onces de fil, 8c il en faut onze onces pour ceux
de fil d’étoupes.
IX. Qiielle matière èmploie-t-onpour garnir le bout
des lacets , & combien cette matière coûte-t-elle à. couper,
pour la garniture déune groffe de lacets. RÊP. On fe
fert de fer-blanc pour garnir le bout des lacets , 8c
un feul homme coupe en un jour de quoi faire la
garniture de 80 grofles ; de forte q u e , en payant
fa journée quatorze fols, il en coûte deux deniers
par grofle.
X . Ce qu'il en coûte pour le fer-blanc de la garniture
d'une groffe de lacets, R é p . La grofle de Latets d’une
aune de long & au-deflus , qui doivent avoir à cha--
que bout une garniture de fer-blanc de huit lignes
de longueur, coûte deux fols pour le prix du fer-
blanc qui y entre. La grofle de lacets de trois quarts
d’aune , qui doivent être garnis de cinq lignes de
fer-blanc, coûte un fol fix deniers ; 8c la grofle de
lacets d’une demi-aune, dont la garniture ne doit
être que de trois lignes , un fol.
XI. D'où fe tire le fer-blanc qui Remploie à Mont-
bardpour la fabrique des lacets. RÊP. Le fer-blanc
fe tire de Lorraine , & il coûte, rendu à Montbard ,
fix fols une feuille de grandeur fuffifante pour la
garniture de trois grofles de lacets d’une aune de
long. Mais il eft un moyen de faire une épargne
fur cette matière, en fe fervant des retailles des
Lanterniers. Quelques colporteurs qui viennent
prendre ici des lacets, apportent de Lyon des rognures
de fer-blanc, qui coûtent, rendues ic i , neuf
fols la livre , & qui fourniflent de quoi garnir fix
grofles de lacets d’une aune de long ; par ce moyen,
il y a fix deniers à gagner par grofles. Mais quoique
ces retailles foient d'une forme avantageufe à
la fabrique , puifque ce font des lifieres coupées
quarrément, cependant ce fer-blanc étant plus épais
& plus dur que celui de Lorraine, il faut plus de
tems & de peine pour le couper , le plier 8c l’appliquer.
Il y a encore un meilleur expédient pour
tirer à l’épargne , c’eft de prendre les retailles des
Lanterniers de Paris , qui ne coûtent que trois fols
la livre , 8c huit deniers de tranfport. Il eft vrai
que ces retailles étant de formes irrégulières , il
faut beaucoup plus de tems pour les couper ; mais
ce fer-blanc étant de bonne qualité , 8c y ayant
beaucoup de petits fabriquans qui ne craignent pas
de perdre en tems ce qu’ils gagnent en argent, la