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■ de Macarée pere d’Iflùs, & petit-fils de Jupiter, qui
y avoit fa réfidence. Avant Macarée , cette île por-
toit le nom de Pelafgia, parce qu’elle avoit été
peuplée par les Pélafges, fes plus anciens habitans.
On fait que fon nom de Lesbos lui vint de Lesbus ,
petit-fils d’Æ ole, gendre &: fuccefleur de Macarée.
Cette île eut jufqu’à neuf villes confidérables ;
mais au tems de Strabon & de Pline, à peine en
reftoit-il quatre , Méthymne , Erèfe, Pyrrha, &
Mytilène, d’où s ’eft formé le nom moderne de Les-
bos qui eft Metelin. Voyt2 M e t e l i n , 6* M Y-
T I L E N E .
Thucydide, /. III. nous apprend que les Lesbiens
abandonnèrent le parti des Athéniens, pendant la
guerre du Péloponnefe, & qu’ils en furent châtiés
rigoureufement. Peu s’en fallut que la fentence qui
condamnoit à mort tous les mâles de Mytilène au-
deflùs de l’âge de puberté, ne fût mife à exécution.
Par bonheur, le contr’ordre des Athéniens arriva,
lorfqu’on fe préparoit à cet horrible maflacre.
Lcsbos étoit fameufe par les perfonnes illuftres
qu’elle avoit produites, par la fertilité de fon terroir
, par fes bons v in s , par fes marbres, & par
beaucoup d’autres chofes.
Plutarque nous aflùre que les Lesbiens étoient les
plus grands muficiens de la Grece. Le fameux Arion,
dont l’avanture fur mer fit tant de bruit, étoit de
Méthymne. Terpandre qui remporta quatre fois de
fuite le prix aux jeux Pythiques, qui calma la fédi-
tion de Lacédémone par fes chants mélodieux, accompagnés
des fons de la cithare ; en un mot le
même Terpandre qui mit le premier fept cordes fur
la ly re , étoit lesbien, dit la chronique de Paros.
C ’eft ce qui donna lieu à la fable de publier qu’on
avoit entendu parler dans cette île la tête d’Orphée,
après qu’on l’eut tranchée en Thrace, comme l’explique
ingénieufement Euftathe , dans fes notes fur
Denys d’Alexandrie.
Pittacus l’un des fept fages, le poète A lcée, qui
vivoit dans la 44e Olympiade, l’aimable Sapho, le
rhétoricien Diophanes , l ’hiftorien Théophane ,
étoient natifs de Mytilene. La ville d’Erefe fut la
patrie de Théophrafte &■ de Phanias, difciples d’A-
riftote : le poète Lefchez, à qui l’on attribue la petite
Iliade , naquit à Pyrrha. Strabon ajoute aux illuftres
Lesbiens que nous avons nommés, Hellani-
cus l’hiftorien, & Callias qui fit des notes intéref*
fantes fur les poéfies d’Alcée & de Sapho.
Si l’île de Lcsbos produifoit des gens célébrés, elle
n’étoit pas moins fertile en tout ce qui peut être né-
ceflaire ou agréable à la vie , &: fon fol n’a point
changé de nature. Ses vins n’ont rien perdu de leur
première réputation : Strabon , Horace , Elien,
Athénée, les trouveroient auflî bons aujourd’hui,
que de leur tems. Ariftote à l ’agonie, prononça en
faveur du vin de Lcsbos : il s’agifîoit de laifler un
fuccefleur du L y cé e , qui foutînt la gloire de l’école
péripatéticienne. Ménédeme de Rhodes, & Théophrafte
de Lcsbosy étoient les concurrens. Ariftote,
félon le récit d’Aulugelle ,liv. X I I I . cap. v. fe fît apporter
du vin de ces deux îles , & après en avoir
goûté avec attention, il s’écria devant fes difciples :
« je trouve ces deux vins excellens, mais celui de
»> Lcsbos eft bien plus agréable » ; voulant donner à
connoître par cette tournure, que Théophrafte l’em-
portoit autant fur fon compétiteur , que le vin de
Lcsbos fur celui de Rhodes.
Triftan donne le type d’une médaille de Géta,
qui fuivant Spartien, aimoit beaucoup le bon vin ;
le revers répréfente une Fortune, tenant de la main
droite le gouvernail d’un vaiffeau, &c de l’autre une
corne d’abondance, d’où parmi plufieurs fruits, fort
une grappe de raifin. Enfin, Pline releve le vin de
cette île par l’autorité d’Erafiftrate, l’un des plus
LES
grands médecins de l’antiquité. Le même auteur
parle du jafpe de Lcsbos & de fes hauts pins, qui donnent
de la poix noire, & des planches pour la con-
ftruâion des vaiffeaux.
Voilà quelques-uns des beaux endroits par oît l’on
peut vanter cette île & fes citoyens. D ’un autre
cô té , leurs moeurs étoient fi corrompues, que l’on
faiioit une grande injure à quelqu’un, de lui reprocher
de vivre à la maniéré des Lesbiens. DansGolt-
zius , il y a une médaille qui ne fait pas beaucoup
d’honneur aux dames de cette île. M. Tournefort,
dont j’emprunte ces détails, ajoute qu’il devoit rendre
la juftice aux Lesbiennes de fon tems, qu’elles
étoient moins coquettes que les femmes de Milo &
de l’Argentiere ; que leur habit & leur coèffure
étoient plus modeftes ; mais que les unes décou-
vroient trop leur gorge , tandis que les autres donnant
dans un excès différent, n’en laifloient voir que
la rondeur au-travers d’un linge. ( D . J. )
Lesbos , Marbre de, ( Hi(l. nat. ) marbre d’un
bleu clair fort eftimé des anciens, dont ils ornoient
leurs édifices publics & formoient des vafes ; il fe
tiroit de l’île de Lcsbos dans l’Archipel.
LESCAR , ou LASCAR, ( Géog. ) en latin moderne
Lafcura, ville de France, dans le Béarn, avec
un évêché fuftragant d’Aufch. M. de Marca croit
qu’elle fut bâtie vers l’an 1000, des ruines de Bene-
harnum , que détruifirent les Normands l’an 845 ;
d’autres favans prétendent que Lcfcar fut fondée par
Guillaume Sanche , duc de Gafcogne, l ’an 980 dans
un lieu couvert d’un bois épais, où il n’y avoit nu!
veftige de bâtiment. On la nomma Lcfcourrc, à caufe
des tournans de quelques ruiffeaux qu’on appelloit
dans la langue des Gafcons, lcfcourrc, ou efeourre;
par la fuite des tems, on a corrompu le mot Lcfcourrc
en Lcfcar.
Le même Guillaume Sanche, fouverain du pays,’
établit dans fa nouvelle ville l’évêché de Lcfcar, qui
vaut aujourd’hui 13 à 14 mille livres de rente ; fon
évêque jouit de beaux privilèges, comme de préfi-
der aux états de Béarn, & d’être premier conleiller,
au parlement de Pau.
Les anciens titres nomment cet évêque Lafcuri
rcnjis, & la v ille de Lcfcar, Lafcurris.
La ville de Lcfcar eft. fituée fur une colline, à une
lieue N. O. de Pau. Long. \y. 6. lat. 43 . /(?.
LESCHE la , ( Géog. ) M. de Lille écrit la Leffeÿ
riviere des Pays-bas, qui a fa fource au duché de
Luxembourg, & fe jette dans la Meufe ,un peuau-
deffous de Dinant. ( D . J. )
LESCHÉ , f. m. ( Littérat. ) le lefehe étoit un endroit
particulier dans chaque ville de la Grece, où
l’on fe rendoit pour converfer ; mais on donnoit le
nom de lefehe par excellence, aux falles publiques de
Lacédémone, dans lefquelles on s’affembloit pour
les affaires de l’état. C ’étoit ici où le pere portoit
lui-même fon enfant nouveau né, & où les plus anciens
de chaque tribu qui y étoient aflemblés, le vi-
fitoient ; s’ils le trouvoient bien formé, fort, & vigoureux
, ils ordonnoient qu’ il fût nourri, & lui
aflîgnoient une des neuf mille portions pour fon héritage
; fi au contraire ils le trouvoient mal-fait, délicat
, & foible, ils l’envoyoient aux apothêtes, c’eft-
à-dire, dans le lieu où l’on expofoit les enfans ; L y curgue
l’avoit ainfi preferit, & Ariftote lui-même
approuve cette loi de Lycurgue. ( D . J. )
LESCHÉNORE, ( Littérature. ) c ’eft un des fur-
noms que les Grecs donnèrent à Apollon, comme
au dieu protefteur des fciences & des lieux où on
s’affembloit pour en difeourir. On voit par-là , que
l’épithete de Lefchénore tiroit fon origine de lefehe,
qui étoit en Grece une promenade , un portique,
une falle, où l’on fe rendoit pour converfer fur dif-
férens fujets. Voyc^ LeschÉ.
L E S L E S m
LESCHERNUVIS, f. m. ( terme de relation. ) c*eft ,
félon nos voyageurs, le nom qu’on donne en Perfe
au tribunal où l’on reçoit & où l’on examine les pla-
cets & requêtes de ceux qui demandent quelque
chofe au fophi, foit payement de dette ou d’ap-
pointement, foit récompenfe, ou quelque nouveau
bienfait.
LESCHEZ le , ( Géog. ) petite riviere de France
en Gafcogne, qui a fa fource en Bigorre, & fe jette
dans l’Adour, à l’entrée dë l’Armagnac.
LESE-MAJESTÉ, CRIME d e , ( Droit politique■. )
c’eft, félon Ulpien, un attentat formel contre l’empire
, ou contre la vie de l’empereur. Puis donc que
cet attentat tend direttement à diffoudre l’empire ou
le gouvernement, & à détruire toute obligation des
lois civiles, il eft de la derniere importance d’en fixer
la nature, comme a fait l’auteur de l’efprit des
lois dans plufieurs chapitres de fon douzième livre.
Plus le crime eft horrible, plus il eft effentiel de n’en
point donner le nom à une à&ion qui ne l’eft pas.
Ainfi déclarer les faux-monnoyeUrs-coupables du
trime de lefe-majeflé,. c’eft confondre les idées des
chofes. Etendre ce crime au duel, à des confpira-
tiôns contre un miniftre d’état, un général d’armée,
un gouverneur de province , ou bien à' des rébellions
de communautés, à des réceptions de lettres
d’un prince avec lequel on eft en guerre, faute d’a-
,voir déclaré fes lettres, c’eft encore abufer des termes.
Enfin, c’eft diminuer l’horreur du crime de left-
majcflé, que de porter ce nom fur d’autres crimes.
.Voilà pourquoi jepenfe que les diftinftionsde crimes
de lefe-majeflé au premier, au fécond , au troifieme
chef, ne forment qu’un langage barbare que nous
avons emprunté des Romains. Quand la loi Julie
eut établi bien des crimes de léfe-majeflé, il fallut né-
ceffairement diftinguer cés crimes; mais nous ne
devonspas être dans ce cas-là.
Qu’on examine le caraâere des légiflàteurs qui
ont étendu le crime de leje-majeflé à tant de chofes
différentes, & l’on verra que c’étoient des ufurpa-
îeurs ou des tyrans, comme Augufte & T ibe re, ou
comme Gratian, Valentinien, Arcadius, Honorius,
des princes chancelans fur le trône, efclaves dans
leurs palais, enfans dans leconfeil, étrangers aux
armées, & qui ne gardèrent l’empire , que parce:
qu’ils le donnèrent tous les jours. L’un fit la loi de
pourfaivre comme facrilége , quiconque douteroit
du mérite de celui qu’il avoit choifi pour quelque
emploi. Un autre déclara que ceux qui attentent
contre les miniftres & les officiers du prince, font
criminels de lefe-majeflé ; & ce qui eft encore plus honteux
, c’eft fur cette loi que s’appuyoit le rapport
leur de M. de ,Cinq-Mars, pour fatisfaire la vengeance
du cardinal de Richelieu.
La loi Julie déclarait coupable de lefe-majefié, celui
qui fondroit des ftatues de l’empereur qui a voient-
été reprouvées ; celui qui vendrait des ftatues de
l’empereur qui n’avoient pas été confacrées ; & celui
qui commettroit quelque aftibn femblable ; ce
qui rendoit ce crime aiifli arbitraire, que fi on l’éta-
bliffoit par des allégories, des métaphores, ou des
conféquences.
Il y avoit dans la république de Rome une loi de
majeflate , contre ceux qui commettroient quelque
.attentat contre le peuple romain. Tibere fe laifit de
cette lo i , & l’appliqua non pas au cas pour lequel
elle avoit été faite , mais à tout ce qui put fervir fa
haine ou fes défiances. .Ce n’étoient pas feulement
les aftions qui tomboient dans le cas de cette lo i ,
mais des paroles indiferetes, des lignes, des fonges,
le filence même. Il n’y eut plus de liberté dans les
feftins , de*confiance dans les parentés, de fidélité
dans les efclaves. La diflïmulation & la trifteffe fom-
bre de Tibere fe communiquant par-tout, l’amitié fut
regardée cônime un écueil, l’ingénuité comme Uriô
imprudence, & la vertu comme une affeftation qui
pouvoit rappeller dans l’efprit des peuples ; le bonheur
des tems précédens.
Les fonges mis au rang des crimes de lcfl-majcflé*
eft une idée qui fait frémir. Un certain Marfyas, dît
Plutarque, raconte avoir fongé qu’il eoupoit la gor*
ge à Denys; le tyran le fut, & le fit mourir, prétendant
qu’il n’y auroit pas fongé 14 nuit, s’il n’ÿ"
avoit pas penfé. le jour ; mais quand il y auroit penfe*
il faut pour établir un crime ; que la penfee foit
jointe à quelque a&iom
Les paroles indiferetes , peu refpe&uèùfes 5 dé*
vinrent la matière de ce crime ; mais il y a tant dé
différence entre l’indiferétion, les termes peu me-
furés , & la malice ; & il y en a fi peu dans les ex-
preflions qu’elles emploient, que laloinepeutgueré
commettre les paroles à une peine capitale, à-moins
qu’elle ne déclare expreffément celles qu’elle y foumet.
La plûpart du tems les paroles ne fignifient
quelque choie, que par le ton dont on les dit ; fou-
vent en redifant les mêmes paroles, on ne rend pas
le même fens, parce que ce iens dépend de la liaifort
qu’elles ont avec d’autres chofes. Comment donc
peut-on fans tyrannie , en faire un crime de llfc-ma~
je jlé ?
Dans le manifefte de la feue czarirte y donnée erk
1740, contre la famille d’Olgourouki, un de ces
princes eft condamné à mort, pour avoir proféré
des paroles indécentes qui avoient du rapport à la
perfonne de l’impératrice. Un autre pour avoir malignement
interprété fes fages difpofitions pour l’empire
, & offenfé fa perfonne facrée par des paroles
peu refpettueufes. S’il eft encore des pays où cette
loi régné, la liberté, je dirai mieux, fon ombré
même , ne s’y trouve pas plus qu’en Ruflïe. Des
paroles ne deviennent des crimes que lorfqu’elles
accompagnent une aélion criminelle, qu’elles y^font
jointes , ou qu’elles la fui vent. On renverfe tout, fi
l’on fait des paroles un crime capital»
Les écrits contiennent quelque chofe de pîué per*
manent que les paroles ; mais lorfqu’ils ne préparent
pas au crime de Lhfe-majefié, on en fait plutôt dans la
monarchie un fujet de police, que de crime. Ils peuvent
ces écrits, dit M. de Montefquieu, amüfèr la
malignité générale, confoler les mécontens, diminuer
l’envie contre les places, donner au peuple la
patience de fouffrir, & le faire rire de fes fouffran-
ces. Si quelque trait va contre le monarque, ce qur
eft rare, il eft fi haut que le trait n’arrive point juf-:
ques à lui : quelque décemvir en peut être effleuré J
mais ce n’eft pas un grand malheur pour l’état.
Je ne prétends point diminuer par ces réflexions^
l’indignation que méritent ceux qui par des paroles
ou des écrits, chercheroient à flétrir la gloire déleur
prince ; mais une punition correctionnelle eft
fans doute plus convenable que toute autre. Céfar
fe mçntra fort fage, en dédaignant de fe venger de
ceux qui avoient publié des libelles diffamatoires
très-violens contre fa perfonne; c’eft Suétone qui
porte ce jugement ; f i quot. dicercntur adversùsfe, in~-
hibe're maluit quant vindicarc , Aulique Cecinna crimi*
nofijfimo libro , & Pitholaï carminibus , laceratam exi*
flimàtionem fuam , civili animo tulit. Trajan ne vou-»'
lut jamais permettre que l’on fît la moindre recher*
che contre ceux qui avoient malicieufement inventé
des impoftures contre fon honneur & fa conduite s
quaft contenais effet magnitudine fu â , quâ nulli magis
caruerunt, quant qui fibi majeflatcm vindicarent, dit fi
bien Pline le jeune. Voyelle mot L ibelle» ••
Rien ne fut plus fatal à la liberté romaine, qué
la loi d’Augufte, qui fit regarder certains écrits comme
objets du crime de lefe-majeflé. Cremutius Cor-
dus en fut accufé, parce que dans fes annales, ii
E e e ij