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caves , polies ou raboteufes, & de la denfité des
parties intégrantes du Liquide. Si dix perfonnes autour
d’une table peuvent y être rangées de 3628800
maniérés différentes, ou taire 3 628800 changetnens
d’ordre, on doit juger, ajoutent les Cartéfiens,
quelle prodigieufe quantité de liquides différens pourront
produire toutes les combinaifons & toutes les
variétés de circofiftances dont on vient de parler.
On demande comment fe peut-il que les parties
intégrantes des liquides étant continuellement agitées
par la matière fubtile, elle ne les diffipe pas en
un moment : foit, par exemple , un verre à demi-
plein d’eau , on voit bien que cette eau eft retenue
vers les côtés 6c au-deffous, par les parois du verre ;
niais qu’eft-ce qui la retient au-deffus ? Si l’on dit
que le poids de l’atmofphere ou la colonne d’a ir , qui
appuie fur là furface de cette eau, la retient en partie
; le même liquide qui fe conferve dans l’air , ne
fe confervant pas moins dans la machine pneumatique
, après qu’on en a pompé l’air, il faut avoir recours
à une autre caufe. D ’où vient encore la vif-
colité qu’on remarque dans tous les liquides plus ou
moins : cette difpoution que les gouttes qu’on en
détache ont à fe rejoindre, & cette legere réfiftance
qu’elles apportent à leur féparation ? De p lus, il n’y
a point d’apparence que la matière fubtile enfermée
dans les interftices d’un liquide, non plus que les
parties qui le compofent, fe meuve avec la même
vîteffe, que la matière fubtile extérieure, de même
à-peu-près que les vents qui pénètrent jufques dans
le milieu d’une forêt, s’y trouvent confidérablement
affoiblis, les feuilles & tout ce qu’ils y ^rencontrent
y étant beaucoup moins agitées qu’en rafe campagne.
Or comment fe conferve l’équilibre dans ces
différens degrés de vîteffe, des parties intégrantes
d’un liquide, de la matière fubtile du dedans, 6c de
la matière fubtile du dehors ?
Voici les réponfes que l’on peut faire à ces quef-
tions félon les Cartéfiens. i°. Les parties d’ua liquide
ne font pas exemptes de pefanteur, 6c elles en ont de
même que tous les autres corps, à raifon de leur
itiaffe & de leur matière propre ; cette pefanteur eft
une des puiffances qui les affujettit dans le vafe où
elles font contenues. xQ. Il ne faut pas croire que la
matière fubtile environne les parties intégrantes d’un
liquide , de maniéré qu’elles ne fe touchent jamais entre
elles, 6c negliffent jamais les unes fur les autres,
félon qu’elles ont des furfaces plus ou moins polies,
6c qu’elles font mues avec plus ou moins de vîteffe.
Il eft très-probable au contraire que les parties intégrantes
des liquides, telles que l’ea u , l’huile 6c le
mercure ne fe meuvent guere autrement. Or ces
parties préfentent d’autant moins de furface à la matière
fubtile intérieure , qu’elles fe touchent par plus
d’endroits ; & celles qui fe trouvent vers les extrémités
lui en préfentent encore moins que les autres.
Elles en préfentent donc davantage à la matière fubtile
extérieure, & comme cette matière a plus de liberté
, 6c fe meut avec plus de vîteffe que l’intérieure
, il eft clair qu’elle doit avoir plus de force pour
repouffer les parties du liquide vers la maffe totale ,
que la matière fubtile intérieure n’en a pour les réparer.
Ainfi le liquide demeurera dans le vaiffeau qui
le contient, 6c de plus il aura quelque vifcofité , ou
refiftera un peu à la divifion. Pour les liquides fort
fpiritueux, dont les parties intégrantes font apparemment
prefque toutes noyées dans la matière fubtile
, fans fe toucher entr’elles que rarement, & par
de très-pe'tites furfaces,ils font en même teins & l’exception
6c la preuve de ce que nous venons de dire,
puifqu’ils s’exhalent & fe diffipent bientôt d’eux-
mêmes , fi l’on ne bouche exaftement le vaiffeau qui
les renferme. 30. Enfin pour comprendre comment
les parties des liquides fe meuvent avec la matière
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fubtile qu’ ils contiennent, 6c comment l’équilibre fe
conferve entr’elles , cette matière 6c la matière fubtile
extérieure, il faut obferver que, quoique chaque
partie intégrante de certains liquides foit peut-être un
million de fois plus petite que le plus petit objet qu’on
puiffe appercevoir avec un excellent microfcope, il
y a apparence que les plus groffes molécules de la
matière fubtile font encore un million de fois , fi
l’on v eu t, plus petites que ces parties; l’imagination
fe perd dans cette extrême petiteffe, mais c’eft affez
que l’efprit en apperçoive la poffibilité dans l’idée de
fa matière , & qu’il en conclue la néceffité par plufieurs
faits inconteftables. O r , cent de ces molécules
qui viennent, par exemple, heurter en même tems,
félon une même direction & avec une égale vîteffe ,
la partie intégrante d’un liquide un million de fois
plus greffe que chacune d’elles , ne lui communiquent
pourtant que peu de leur vîteffe ; parce que
leur cent petites maffes font contenues dix mille fois
dans la groffe maffe, 6c qu’il faut pour y diftribuer,
par exemple, un degré de vîteffe, qu’elles faffent autant
d’efforts contr’elle , que pour en communiquer
dix mille degrés à cent de leurs femblables ; car
cent de maffe multiplié par dix mille de vîteffe , 6c
1 de vîteffe multiplié par un million de maffe , pro-
duifent également de part 6c d’autre un million de
mouvemens. Mais ces cent molécules de matières
fubtiles font bientôt fuivies de cent autres, & ainfi
de fuite, peut-être de cent millions, 6c comme celles
qui viennent les dernieres fur la partie du liquide ,
lui trouvent déjà une certaine quantité de mouvemens
que les premières lui ont communiqué ,
elles l’accélerent toujours de plus en plus, & à la
fin elles lui donneroient autant de vîteffe qu’elles en
ont elles-mêmes, fi la matière fubtile pouvoit toujours
couler fur cette partie avec la même liberté ,6c
félon la même direction. Mais la matière fubtile fe
mouvant en divers fens dans les liquides, 6c la vîteffe
que plufieurs millions de ces molécules peuvent
avoir donné à une partie intégrante du liquide, par
une application continue & fucceflive de cent en
cen t, vers un certain cô té , étant bientôt détruite
ou retardée par plufieurs millions d’autres qui viennent
choquer la même partie, félon des directions
différentes ou contraires ; il eft évident que cette partie
intégrante du liquide n’aura jamais le tems de parvenir
à leur degré d’agitation, 6c qu’ainfi la fupério-
rité de vîteffe demeurera toujours à la matière fubtile.
Cependant il n’eft pas poffible que cette vîteffe
ne foit fort diminuée par-là, & nefe trouve bientôt
au-deffous de ce qu’elle eft dans la matière fubtile
du dehors, qui rencontre bien moins d’obftacles à
ces divers mouvemens ; obftacles d’autant plus con-
fidérables, que la denfité du liquide eft plus grande ,
que fes parties intégrantes font plus groffes, qu’elles
ont plus de furface, & que ces furfaces font moins
gliffantes. Mais ce que la matière fubtile perd de v îteffe
entre les interftices d’un liquide, eft compenfé
par une plus grande tenfion du reffort de ces molécules,
lequel augmente fa force, àmefure qu’il eft
plus comprimé ; & c’eft par-là que l’équilibre fe conferve
entre les parties intégrantes du liquide, la matière
fubtile intérieure, & la matière fubtile du dehors.
C ’eft par l’aCUon 6c la réaâion continuelles &
réciproques entre les parties du liquide ,& la matière
fubtile qu’il contient, & entre ce tout & la matière
fubtile extérieure, que les vîteffes, les comprenions
6c les maffes multipliées de part & d ’autre, donneront
toujours un produit égal de force ou de mouvement
: ce mouvement 6c cet équilibre fubfifteront
tant que le liquide perféverera dans fon état de liquidité.
On voit donc que les parties intégrantes d’un //-
quide font ce qui s’y meut avec le moins de vîteffe,
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enfuite c’eft la matière fubtile qui coule entre elles,
& qui eft plus agitée qu’elles ; & enfin vient la matière
fubtile extérieure, dont l’agitation paffe celle
de tout le refte, 6c de la vîteffe de laquelle on peut
fe faire une idée par les effets qu’elle produit dans la
poudre à canon & dans le tonnerre.
Ceci eft tiré de la Differ.tation fur la glace par M.
de Mairan, imprimée dans le Traité des vertus médicinales,
de Veau commune, Paris , 1730. tome I I . pag.
5,3.$ &fviv. Article de M. F o rm e y .
Nous n’avons pas befoin de dire que tout ceci eft-
purement hypothétique & conjeéhiral, & que nous
le rapportons feulement, fuivant le plan de notre
Ouvrage , comme une des principales opinions des
Phyficiens fur la caufe 6c les propriétés de la liquidité.
Car nous n’ignorons pas que ce mouvement
prétendu inteftin des particules des fluides, eft attaqué
fortement par d’autres phyficiens. Voye^ Fluide
0* Fluidité.
Liquide , ( Jurifprud. ) fe dit d’une chofe qui eft
claire, & dont la quantité ou la valeur eft déterminée
; une créance peut être certaine fans être liquide.
Par exemple, un ouvrier qui a fait des ouvrages, eft
fans contredit créancier du prix; mais s’il n’y a pas eu
de marché fait à une certaine fomme, ou que la
quantité des ouvrages ne foit pas conftatée,fa créance
n’eft pas liquide, jufqu’à ce qu’il y ait eu un toifé ,
ou état des ouvrages 6c une .eftimation.
On entend auffi quelquefois par liquide ce qui eft
aftuellement exigible ; c’eft pourquoi, quand on dit
que la compenfation n’a lieu que de liquide à liquide,
on entend non-feulement qu’elle ne peut fe faire
qu’avec des fommes ou quantités fixes 6c déterminées
, mais auffi qu’il faut que les chofes foient exigibles
, au tems où l’on veut en faire la compenfation.
Voye^ C ompensation. ( A )
LIQ UID ER, v . aét. ( Commf) fixer à une fomme
liquide & certaine des prétentions contentieufes.
Liquider des intérêts, c’eft calculer à quoi montent
Les intérêts d’une fomme, à proportion du denier &
du tems pour lequel ils font dûs.
Liquider fes affaires, c’eft y mettre de l’ordre en
payant fes dettes paffives, en follicitant le payement
des aôive s , ou en retirant les fonds qu’on a , & qui
font difperfés dans différentes affaires 6c entreprîtes
de commerce. Diction, de Com.
L IQ UID ITÉ , { Chimie. | mode 6c degré de raréfaction.
Voye^Varticle Raréfaction 6* R ares civilité
, Chimie.
La liquidité eft un phénomène proprement phyfi-
que, .puifqu’il eft du nombre de ceux qui appartiennent
à l’aggrégation, qui font des affe&ions de l’ag-
grégé commetel ( voye^ à Varticle C himie , p. 4/ /.
col. x . & fuiv.y ; mais il eft auffi de l’ordre de ceux fur
lelquels les notions chimiques répandent le plus grand
jour, comme nous l’avons déjà obfervé en général,
6c du phénomène dont il eft iciqueftion, en particulier
à Varticle C himie, p. 4.16. col. zo. Pour nous
en tenir à notre objet préfent, à la lumière répandue
ifpr la.théorie de la liquidité par la contemplation
des phénomènes chimiques ; c ’eft des événemens ordinaires
de la diffolution chimique opérée dans le
fein des liquides , que j’ai déduit l’identité de la fim-
p\e liquidité & de l’ébullition, 6c par confisquent l’é-
tabliffement de l’agitation -tumultueufe des parties
du liquide , des Tourbillons, des courans, &c. qui
repréfenteTeffence de la liquidité d’u ne maniéré ri-
gouceufement démontrable. Foye{ Menstrue , Chimie
y.&L ’article C Ht mie , aux endroitsdéja cités.
•Maisla cpnfidération vraiment chimique de la liquidité
, eft celle d’après laquelle Becher l’a diftin-
guee^n /i^zWi^mercurielIe , liquidité aqueufe & liquidité
ignée. C e célébré chimifte appelle liquidité
mercurielle, celle qui fait couler-1$ mercure vulgaire.
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& qu’il croit pouvoir être procurée à toutes les fub-
ftances métalliques, d’après fa prétention favorite
furla mercurification. Voye^ Mercurification.
La liquidité aqueufe eft félon lu i , celle qui eft propre
à l’eau commune, à certains fels, 6c même à
l’huile. Il la fpécifie principalement par la propriété
qu’ont les liquides de cette claffe, de mouiller les
mains ou d’être humides, en prenant ce dernier mot
dans fon fens vulgaire.
Enfin, il appelle liquidité ignée , celles que peuvent
acquérir les corps fixes, & chimiquement homogènes
par l’aftion d ’un feu violent, ou comme les Chi-
miftes s’expriment encore, celle qui met les corps
dans l’état de fiifion proprement dite. Voye^ Fusion,
Chimie.
Quelque prix qu’attachent les vrais chimiftes aux
notions tranfeendantes, aux vues profondes , aux
germes féconds de connoiffances fondamentales que
fourniffent les ouvrages de Bêcher, 6c notamment
la partie de fa phyfique foiiterraine, où il traite de
ces trois liquidités , voye{ Phyjîc.fubter. lib. I.feçt. 5.
c. iij. il faut convenir cependant qu’il étale dans cé
morceau plus de prétentions que de faits, plus de
fubtilités que de vérités, 6c qu’il y montre plus de
fagacité, de génie, de verve , que d’exa&itude.
Je crois* qu’on doit fubftituer à cette diftinftion ;
trop peu déterminée 6c trop peu utile dans la pratique
, la diftin&ion fuivante qui me paroît précife -
réelle & utile.
Je crois donc que la liquidité doit être diftinguée
en liquidité primitive, immédiate ou propre, & liquidité
fécondaire, médiate ou empruntée.
La liquidité primitive eft celle qui eft immédiatement
produite par la chaleur, dont tous les corps homogènes
6c fixes font fufceptibles , & qui n’eft autre
chofe qu’un degré de raréfaélion, ou que ce
phénomène phyfique , dont nous avons parlé au
commencement de cet article ^voye^Farticle Raréfaction
& Rarescibilite, Chimie ) , n’importe
quel degré de chaleur foitnéceffaire pour la produire
dans les différentes efpeces de corps ; qu’elle ait lieu
fous le moindre degré de chaleur connue j ;,c,omme
dans le mercure qui refte coulant fous la température
exprimée par le foixante & dixième degré au-
deffous du terme de la congélation du thermomètre
deReaumur, qui eft ce moindre degré de chaleur,
ou l’extrême degré du froid que les hommes ont obfervé
jufqu’à préfent (yoye[ à l'article Froid , Phyfi-
que, p . j ry. col. 1. la table des plus grands degrés de
froids obferyés, &c. ) , ou bien que comme certaines
huiles, celle d’amande douce, par exemple, le
froid extrême , c’eft-à-dire la moindre chaleur de nos
climats fuffife pour la rendre liquide ; ou que comme
l’eau commune, l’alternative de l’état concret 6c de
l’état de liquidité, arrive communément fous nos
yeux ; foit enfin qu’une forte chaleur artificielle foit
néceffaire pour la produire, comme dans les fubftaa-
ces métalliques, les fels fixes, &c. ou même que
l’aptitude à la liquidité foit fi foible dans certains
corps, qu’ils en ayent paffé pourinfufibles, 6c qu’on
n’ait découvert la nullité de cette prétendue propriété,
qu’emleur faifant effuyer un degré de feu jufqu’a-
lors inconnu, 6c dont l’effet fluidifiant auquel rien ne
réfifte, eft rapporté à L'article Miroir ardent,
voyeç cet article. Car de même qu’un grand nombre
de corps, tels que toutes les pierres 6c terres pures ,
avQÎent été regardées comme infufibles, avant qu’on
eût découvert cet extrême degré de feu ; il y a tfès-
grande apparence que le mercuçe n’a été trouy é juf-
qu’à préfent inconcrefcible, que parce qu’on n’a pu
l’obferver fous un affez foible degré de chaleur ; 6g.
que fi l’on pou voit, aborder un jour des plages plus
froides que celles où on eft parvenu , où l’expofer à
«n degré de froid artificiel plus fort que celui qu’on