ceux qui n’a voient point de tribunal ou prétoire, &
qui jugeoient de piano.
En France, fous la première & la fécondé race,
tems auquel les ducs & les comtes avoient dans les
provinces & villes de leur département l’adminiftra-
tion de la juftice aufli bien que le commandement
des armes 6c le gouvernement des finances ; comme
ils étoient plus gens d’épée que de lettres, ils cotn-
mettoient l’exercice de la juftice à des clercs ou lettrés
qui rendoientla juftice en leur nom , & que l’on
àppelloit en quelques endroits vicarii, d’où eft venu
le titre de viguier; en d’autres vice-comites, vicomtes ;
6c en d’autres , prévôts, quajiprcepojiti juridicundo ;
6c ailleurs châtelains , quaji caftrorum cujlodes.
Les vicomtes tenoient un rang plus diftingué que
les fimples viguiers & prévôts, parce qu’ils etoient
au lieu des comtes, foit que les villes où ils etoient
établis n’euffent point de comte, ou que le comte n’y
f ît pas fa réfidence , foit qu’ils y fuffent mis par les !
ducs ou comtes , foit qu’ils fuffent établis par le roi
même comme gardiens des comtés , en attendant
qu’il y eût mis un comte en titre.
Les vicomtes & les autres lieutenans des ducs n’a-
voient au commencement que l’adminiftration de la
juftice civile & l’inftru&ion des affaires criminelles;
ils ne pouvoient pas condamner à aucune peine capitale.
LorfquTIugues Capet parvint à la couronne , la
plupart des vicomtes 6c autres lieutenans des ducs&
comtes qui étoient établis hors des villes, ufurperent
la propriété de leurs charges à l’exemple des ducs &
des comtes , ce"que ne purent faire ceux des villes,
qui adminiftroient la juftice fous les yeux d’un duc
ou d’un comte. En Normandie ils font aufli demeurés
fimples officiers. ‘ .
Les ducs& les comtes s’étant rendus propriétaires
de leurs gou v.ernemens, cefferent de rendre la juftice
6c en commirent le foin à des baillis : le roi fit la
même chofe dans les villes de fon domaine.
Ces baillis,qui étoient d’épée, étoient néanmoins
tenus de rendre la juftice en perfonne ; il ne leur
étoit pas permis d’avoir un lieutenant ordinaire. Philippe
le B e l, par fon ordonnance du mois de Novembre
1301, régla que le prévôt de Paris n’auroit point
de lieutenant certain réfident, mais que s’il étoit ab-
fent par nécefîité, il pourroit Jaiffer un prud’homme
pour lui tant qu’il feroit néceflaire.
11 enjoignit de même en 1302 à tous baillis,féné- J
chaux 6c autres juges , de deffervir leur charge en
perfonne 6c Philippe V. en 1318 leur défendit nommément
de faire deffervir leurs offices par leurs lieutenans
, à moins que ce ne fut par congé fpécial du
r o i , à peine de perdre leurs gages.
Les chofes étoient encore au même état en 1327 :
le prévôt de Paris avoit un lieutenant ; mais celui-ci
ne fiégeoit qu’en fon abfence.
Les auditeurs étoient aufli obligés d’exercer en
perfonne ; 6c en cas d’exoine feulement , le prévôt
de Paris devoit les pourvoir de lieutenans.
Il y avoit aufli à-peu-près dans le même tems, un
lieutenant criminel au châtelet, ce qui fit furnommer
l’autre lieutenant civil.
Philippe de V alois, dans une ordonnance du mois
de Juillet 1344, fait mention d’un lieutenant des gardes
des foires de Champagne, qu’il avoit inftitué.
Le chancelier 6c garde fcel de ces foires avoit aufli
fon lieutenant ; mais ces lieutenans n’avoient de fonction
qu’en l’abfence de l’officier qu’ils repréfentoient.
Ce même prince défendit en 1346 aux verdiers,
châtelains 6c maîtres fergens, d’avoir des lieutenans,
à moins que ce fût pour recevoir l’argent de leur recette
; 6c en cas de contravention, les maîtres des
eaux & forêts les pouvoient ôter & punir. 11 excepta
feulement de cette regie ceux qui demeuroient en
fon hôtel ou en ceux de fes enfans, encore ne fut-ce
qu’à condition qu’ils répondroient du fait de leurs
lieutenans s’il advenoit aucune méprife, comme fi
c’étoit leur propre fait. Ce réglement fut renouvellé
par Charles V. en 1376 , & par Charles VI. en
1402.
Le roi Jean défendit encore en 13 31 à toits féne*
chaux, baillis, vicomtes, viguiers & autres fes juges,
de fe donner deslieutenans ^fubfitutos aut locum tenen-
tes, finon en cas de néceflité, comme de maladie ou
autre cas femblable.
Il y avoit cependant dès-lors quelques juges qui
avoient des lieutenans, foit par néceflité ou permif-
fion du roi ; car dans des lettres de 1334 il eft parlé
des lieutenans des maîtres particuliers des monnoies*
Le connétable & les maréchaux de France ou leurs
lieutenans , connoifloient des aftions perfonnelles
entre ceux qui étoient à la guerre ; il eft parlé de
ces lieutenans dans, une ordonnance du roi Jean du
28 Décembre 1333, fuivant laquelle il femble que
l’amiral, le maître des arbalétriers 6c le maître des
eaux & forêts, euffent aufli des lieutenans , quoique
cela ne foit pas dit de chacun d’eux fpécialement ;
il eft feulement parlé de leurs lieutenans in globo.
Le confierge du palais , appellé depuis bailli ,
avoit aufli, dès 1358, fon lieutenant ou garde de fa
juftice.
Il paroît même que depuis quelque tems il arri-
voit affez fréquemment que les juges royaux ordi-
naires avoient des lieutenans ; car Charles V .en qualité
de lieutenant du roi Jean, défendit en 1336 aux
fénéchaux, baillis ou autres officiers exerçans jurif-
dittion, de ne prendre point pour leurs lieutenans les
avocats , procureurs ou confeillers communs 6c publics
de leur cou r, ou d’aucun autre feigneur, à
peine, par ceux qui auroient accepté ces places de
lieutenans , d’être privés des offices qu’ils auroient
ainfi pris par leur convoitife, & d’être encore punis
autrement.
Le roi Jean étant de retour de fa prifori en Angleterre
, ordonna aux baillis 6c fénéchaux de réfi-
der dans leurs baillies 6c fénéchauflees, fpécialement
dans les guerres, fans avoir de lieutenans,
excepté lorfqu’ils iroient à leurs befoignes hors de
leur baillie ; ce qui ne leur étoit permis qu’une fois
chaque année, & pendant un mois ou cinq femai-
nes au plus-«
Il défendit aufli, par la même ordonnance, aux
baillis 6c à leurs lieutenans f i t s’attribuer aucune jurif-
diciion appartenante aux prévôts de leurs bailliages.
Le bailli de Vermandois avoit pourtant dès 1334*
un lieutenant à C hauny, mais c’étoit dans une ville
autre que celle de fa réfidence.
Le bailli de Lille avoit aufli un lieutenantsn 1363,
fuivant des lettres de Charles V. qui font aufli mention
du lieutenant du procureur du roi de cette ville
, qui eft ce que l’on a depuis appellé fubjlitut.
Le bailli de Rouen avoit en 1377 un lieutenant,
auquel on donnoit le titre de lieutenant-général du
bailliage.
On trouve des provifions de lieutenant données
dans la même année par le fénéchal de Touloufe,
à vénérable 6c difcrette perfonne, Pierre de Montre
vel, dofteur ès lois, & juge-mage de Touloufe.
Le motif de cette nomination fut que le bailli étoit
obligé d’aller fouvent en Aquitaine ; mais il le nomme
pour tenir fa pla c e, foit qu’il fût dans ladite
fénéchauffée ou abfent, loties quoti.es non in diclâ
fenefcallid adejfe vel abejfe contingent ; il ordonne que
l’on obéiffe à ce lieutenant comme à lui-même, &
„ déclare que par cette inftitution il n’a point entendu
révoquer fes autres lieutenans, mais plûtôt les confirmer
; ce qui fait connoître qu’il en avoit appajrèrtiïnêiit
dàftè d’antrés villes de fon réflorL
Ordinairement ^ dès que le juge étoit de retour 6c
bréfent en fon fiége * le lieutenant rie pbuvoit plus
faire de fonction ; c’eft pourquoi dans la confirmai
iion des privilèges de la ville de Lille en Flandres,
faite par Charles VI. au mois de Janvier 1392-; il
teft dit que les lieutenans qiti avoient été nommés
jpar le bailli ou par le prévôt de cette v ille , lorfque
ceux-ci dévoient s’abfenter, ou qu’ils ne pouvoient
Vaquer à lelirs fonôiOns, ne pouvoient exercer cet
(office lorfque le bailli ou le prévôt étoit prélent ;
mais que fi le titre de lieutenant leur avoit été cori-
féré par des lettres de provifion, ils le cônfervoient
jufqu’à ce qu’elles euffent été révoquées.
Quelques corifidérables que foient les places de
lieutenans dans les principaux fiéges royaux , le
bailli Ou autre premier officier a toûjours la fripé-
riorité 6c la prééminence fur le lieutenant; c’eft ert
ce fens que dans des lettres de 1394» le lieutenant
du bailli de Meaux, en parlant de ce bailli, le
homme fon feigneur & maître.
Le roi Ordonnoit quelquefois lui-même à certains
juges d’établir un lieutenant lorfque cela paroif-
foit néceflaire; c’eft ainfi que Charles VI. en 1397 i
ordonna qu’il feroit établi à Condom un lieutenant
du fénéchal d’Agén par lequel il feroit inftitué ; que
ce lieutenant devoit réfider continuellement dans la
Ville, & connoitre des caufes d’appel.
Charles VII. voyant que les baillis 6c fénéchaux
ri’ctoient point idoines au fait de judicature, leur
ordonna en 1453 d’établir de bons lieutenans, fages,
clercs & prud’hommes qui feroierit choifis par délibération
du confeil, 6c fans exiger d ’eux aucune
fomme d’or ou d’argent Ou autre chofe; que ces
lieutenans ne prendront ni gages rii penfions d’aucuns
de leurs juftieiables, mais qu’ils feront falariés
6c auront gages ; qu’ils ne pourront être deftitués
fans caufe raifonnable ; qu’à chaque bailliage il n’y
aura qu’un lieutenant général & qu’un lieutenant particulier,
& que ce dernier n’aura de puiffanee au
fiége qu’en l’abfence du lieutenant général.
Le parlement avoit rendu dès l’année 143 8, uri ar-
tê t, pour la réformation des abus de ce royaume* &
notamment par rapport aux baillifs ; enconféquen-
ce de quoi, 6c de l’ordre de Charles V IL Regnaud
de Chartres, archevêque de Reims 6c chancelier de
France * fut commis 6c député pour aller par toute
la France mettre 6c inftituer des lieutenans des baillifs
6c fénéchaux , gens verfés au fait de judicature*
Quelque tems après, Gharles VII. 6c Charles VIII.
ôterent aux baillifs & fénéchaux le pouvoir de commettre
eux ^ mêmes leurs lieutenans , 6c nos rois
commencèrent dès-lors à ériger en titre formé des
offices de lieutenans des baillifs 6c fénéchaux.
Il y eut pourtant quelque variation à ce fujet ;
car Louis XII. en 1499, ordonna que l’éleâion de
ces lieutenans fe feroit en l’aliditoire des bailliages
6c fénéchauflees, en y appellant les baillis 6c fénéchaux
, 6c autres officiers ro yau x, 6c ce quinzaine
après la vacance des offices de lieutenant. Ce fut
lui aufli qui ordonna que les lieutenans généraux des
baillis feroient do&eurs ou licenciés en une univer-
fité fameufe.
Chenu dans fon Traité des offices, dit avoir vù
des éleûions faites en la forme qui vient d’être dite
du tems de Louis XII. pour les places ds lieutenant
général, de lieutenant particulier au bailliage de
Berri, 6c de lieutenant en la confervation.
Depuis ce tems il a été fait diverfes créations de
lieutenans généraux & particuliers, de lieutenans
civils 6c de lieutenans criminels, 6c de lieutenans
criminels de robe courte, tant dans les fiéges royaux
ordinaires, que dans les fiéges d’attribution ; quelques
uns ont été fupprimés ou réunis à d’autres,
îorlqrié le fiégë lie pouvoit pà$ cÔtriporter tant
d’officiers.
L’édit de 1Ç97, fait eh l’aïfertiblée de Rouen,
ordonnoit que nul ne fera reçu lieutenant général de
province qu’il ne foit âgé de trente-deux ans complets
, & n’ait été confeillër pendant fix ans dans un
parlement. Les ordonnances de François I. 6c celle
de Blois, ne requièrent que trente ans, ce que la
co lir , par un arrêt de 1602, à étendu à tous les
lientenahs généraux 6c particuliers des bailliages
grands 6c petits.
Voye^ ci-après LIEUTENANT CIVIL, LIEUTENANT
cr im in e l , L ieutenant g én é r a l , Lieuten
an t par t ic u l ie r . ( -4 )
Lieu tenant c iv il , (Junfprud.) eft un magiftrât
de robe longue qui tient le fecônd rang entre les
officiers du châtelet de Paris ; il a le titre de lieutenant
général civil, parce qu’il étoit autrefois le feul
lieutenant du prévôt de Paris. Préfentement il prend
le titre de lieutenant civil de la prévôté 6c vicomte
de Paris.
Anciennement le prévôt de Paris jugeoit feul en
perfonné au châtelet toutes les affaires civiles, c riminelles
& de police ; il ne lui étoit pas permis d’avoir
aucun lieutenant ordinaire en titre.
Suivant Y article n . de l’ordonnancé de 1234, il
devoit exercer perfonnellément fon office, 6c ne
pouvoit commettre de lieutenant que dans le cas dé
maladie oü autre légitime empêchement, 6c pour le-
vdit tems feulement.
Cette ordonnance fut renouvellée par celle dé
Philippe lé B e l, du mois de Novembre 1302, qui
porte, art. y . que le prévôt n’aura point de lieutenant
certain réfident ; mais que s’il eft abfent par ne-
eeffité, il pourra laiffer un prudhomnie pour lui tant
qu’il retournera ou que néceflité fera.
Le prévôt de Paris choififfoit à fa volonté ce lieutenant
, 6c pouvoit le deftituer de même.
Les regiftres dit châtélet, & autres aûes publics,
nous ont confervé les noms de ceux qui ont rempli
la place de lieutenant civil ; le plus ancien que 1 ori
trouve eft JeanPoitaut, qui eft qualifié lieutenant du
prévôt de Paris en 1321*
Il eft parlé de ces lieutenans dans plufieurs articles
de l’ordonnance de Philippe de Valois, du mois de
Février 1327, par lefquels il paroit que le prévôt de
Paris n’avoit alors qu’un feul lieutenant qui expe-
dioit, en l’abfence du prévôt, toutes les caufes, tant
civiles que criminelles. Les auditeurs du châtelet
avoient aufli déjà des lieutenans, mais ils. n etoient
pas qualifiés lieutenans du prévôt de Paris.
Ce premier office de lieutenant du prévôt de Paris
eft celui qui s’eft perpétué en la perfonne du lieutenant
civil. Il fut le feul lieutenant du prévôt de Paris
jufques vers l’an 1337 que le prévôt de Paris nomma
un autre lieutenant pour le criminel.
En effet, on trouve qu’en 1337 Pierre- de Thuil-
liers, qui étoit examinateur, étoit en même tenis
lieutenant civil ; 6c il eft évident quil ne fut nomme
civil que pour le diftinguer de lieutenant criminel,
aufli les monumens publics font-ils mention de ce
dernier à peu-près dans le même tems.
Il y avoit un lieutenant civil en 134^, en 1360 9
6c en 1366. a
Il y a eu plufieurs fois dans le meme tems deux
lieutenans civils, qui exerçoient alternativement; en
1369 , c’étoiertt deux avocats du châtelet qui fai-
foient alternativement la fonéüon de lieutenant civil*
Ils la rempliffoient encore de meme en 1371 » en
1404 & en 1408 ; c’étoient deux examinateurs qui
étoient lieutenans civils.
Dans la fuite, quelques-uns de Ceux qui remplirent
cette place * ne furent pas toujours attentifs à
prendre le titre de lieutenant civil ; c’eft ainfi qu’en