ans. L’année de cette célébration apporta tant de
richeffes à Rome, que les Allemands l’appélloient
Vannée d’or, & que Clément VI. jugea à propos de
réduire la période du jubilé à cinquante ans. Urbain
VI. voulut qu’on le célébrât tous les trente-cinq ans,
& Sixte IV. tous les vingt-cinq ans, pour que chacun
pût en jouir une fois en fa vie.
On appelle ordinairement ce jubilé, le jubilé de
l’année îainté. La cérémonie qui s’obferve à Rome
pour l’ouvenure de e t jubilé y confifte en ce que le
pape", ou pendant la vacance du fiçge, le doyen des
cardinaux, va à S. Pierre pour faire l’ouverture de
la porte fainte qui eft murée, & ne s’ouvre qu’en
cette rencontre. Il prend un marteau d’o r , & en
frappe trois coups en difant, aperite mihi portas juf-
titice, & c . puis pn achevé de rompre la maçonnerie
qui bouçhe la porte. Enfuite le pape le met à genoux
devant cette porte pendant que les pénitenciers
de S. Pierre la lavent a’eau-benite, puis prenant
la croix, il entonne le te Deum, & entre dans l’églife
avec le clergé. Trois cardinaux légats que le pape
a envoyés aux trois autres portes faintes, les ouvrent
avec la même cérémonie. Ce$ trois portes font aux
églifes de S. Jean de Latran, de S. Paul ôc de fainte
Marie majeure. Cette ouverture fe fait toujours de
vingt-cinq en vingt-cinq ans aux premières vêpres
de la fête de Noël. Le lendemain matin, le pape
donne la bénédi&ion au peuple en forme de jubilé.
L’année fainte étant expirée, on referme la porte
fainte la veille de Noël en cette maniéré. Le pape
bénit les pierres & le mortier, pofe la première pierre,
6c y met dbu?;e çaffettes pleines de médailles d’or 6c
d’argent, cç qui fe fait avec la même cérémonie aux
trois autres portes faintes. Le jubilé attiroit autrefois
à Rome une quantité prodigieufe de peuple de tous
les pays de l’Europe. II n’y en Ya plus guere aujourd’hui
que des provinces d’Italie, fur-tout depuis que
les papes accordent ce privilège aux auires pays,
qui peuvent faire 11 jubilé chez eux, & participer à
rindulgéncç.
Bonit'ac« IX. accorda des jubilés en divers lieux
à divers princes 6c monafteres, par exemple, aux
moines de. Caotorbery, qui avoient un jubilé tous
les cinquante ans , durant lequel le peuple accou-
roit de toutes parts pour vifiter le tombeau de faint
Thomas Beckèt. Les jubilés font aujourd’hui plus
fréquens, & le pape en accorde fuivant les befoins
de l’EgUfç. Chaque pape donne ordinairement un
jubilé l’année de ta confécfation.
Pour gagner le jubilé, la bulle oblige à des jeûnes,
à des aumônes & à des prières. Elle donne pouvoir
aux prêtres, d’abfoudre des cas réfervés, de faire des
commutations de voeux, ce qui fait la différence d’avec
l’indulgence pléniere. Au, tems du jubilé toutes
les autres indulgences font fufpendues.
Edouard III. roi d’Angleterre, voulut qu’on ob-
fervat le jour de fanaiffance en forme de jubilé, lorf-
qù’il fut parvenu à l’âge de cinquante ans. C ’eft ce
qu’il fit en relâchant les prifonniers, en pardonnant
tous lés crimes, à l’exception de celui de trahifon,
en donnant de bonnes lois, & en accordant plufieurs
privilèges' .au peuple.
Il y a des j.ufiilés particuliers dans certaines villes
à la rençont^q de certaines fêtes. AuPuy en V elay,
par exemple., quand la fête de l’Annonciation arrive
le vendredi faint ; & à Lyon, quand pelle de S. Jean-
Baptifte concourt a,y,ec la fête-Dieu.
L’an 1640., les J.éfuites célébrèrent à Rome un
jubilé fplëmnel du centenaire depuis, la confirmation
de leur compagnie ; 6c cette même fête fe célébra;
dans toutes les maifops qu’ils ont établies en. divers
endroits du monde.
Jubilé J u b il a ir e , kM+il. eccléjjafi.ffe dit
d’un religieux, qui a cinquante ans de profe^on dans.
un monaftere, ou d ’un eccléfiaftique qui a deffervi
une églife pendant cinquante ans.
Ces fortes de religieux font difpenfés en certains
endroits des matines & des rigueurs de la réglé.
On appelle aufli dans la faculté de Théologie de
Pans, jubile, tout dotteur qui a cinquante ans de
doctorat, & il jouit de tous les émolumens, droits,
&c. fans être tenu d’aflifter aux affemblées , thèfes,
oc autres aûes de la faculté.
jubile fe dit encore d’un homme qui a vécu cent
ans, & d une pofleflion ou prefeription de cinquante
ans : Si ager non invenietur in feriptione, inquiratur de
ftmoribus, quantum temporis fuit cum altero , &Jîfub
certo jubilæo manjit fine vituperatione , maneat in ater-
num.
JUCATAN, ( Géogr.) grande province de l’Amérique
dans la Nouvelle Efpagne, découverte en partie
par Ferdinand de Cordoue en 1517 ; elle eft vis-
à-vis de 1 île de Cuba. Il y a dans cette province
beaucoup de bois pour la conftruélion des navires,
du miel, de la cire, de la falfepareille, de la cafte,
& quantité de mahis : mais on n’y a point découvert
de mines d’argent, & l’on n’y recueille point d’indigo
ni de cochenille. La pointe de Jucatan, que les
Indiens appellent Ecpampi, gît à 21 degrés de hauteur
; elle a dans fa moindre largeur 80 de nos lieues,
& 200 lieues de long. Cette province eft moins connue
par le nom dt Jucatan que par celui de Campê-
ch e, port très - dangereux à la vérité, puifqu’il eft
rempli de bancs & d’ecueils, mais fameux par fon
bois qui eft neceffaire aux belles teintures. La pénin-
fule de Jucatan eft fituée depuis le feizieme degré de
latitude feptentrionale jufqu’au vingt-deux, depuis
le golfe de Gonajos jufqu’au golfe de Trifte. Les Espagnols
occupent la partie occidentale , & les Indiens
I orientale, qui eft du côté de Honduras, mais
ces Indiens font en très-petit nombre, tous tributaires
, ou , pour mieux dire, efclaves de leurs con-
quérans. ( D . J. )
JUCCAj f f.ÇHijl. natur'.) nom que l’on donne en
certains endroits de l’Amérique à la racine de manioc.
Voyt[ C a ssave 6* Ma n io c .
JUCHART, f. m. ((Économie.') mefure ufitée dans
la Suifle pour mefurer les terres, elle contient 140
verges de Balle, ou 287 verges de Rhinland,en
quarré. Ce mot vient du mot latin juger.
JUCHÉ, adj. (Maréchallerie.) un cheval juché eft
celui dont les boulets des jambes de derrière font le
même effet que ceux des jambes de devant.
JUDAÏQUES ( P ier res ) , Hijl.natur, Litologieÿ
ce font des pierres d’uneforme ovale & femblable à
des olives, ayant ordinairement une queue par un de
leurs côtés. Quelques naturaliftes les ont auflï dé-
fignées fous le nom de pierres d’olives ; elles font plus
ou moins pointues 6c allongées ; il y en a qui font
unies ; d autres font fillonnées ; d’autres font remplies
4e petits tubercules. Quelques gens les ont regardées
comme des glands pétrifiés ; mais il y a toute
apparence que ce font des tubercules ou pointes
d’ourfins pétrifiées. Quelques naturaliftes ont âufli
donne le nom de pierres judaïques à des pierres cylindriques
, longues & pointues par un bout & arrondies
par l’autre; elles font aufli ou liffes ou fill’on-
nées ou garnies des tubercules. Ce font pareillement
des pointes d’ourfins pétrifiées ou d’éehirtites. Fôye^
la Minéralogie de WaHerins, tome II. p. cjy. & fuiv»
Ces. pierres ont été ainfi .nommées, parce qu’elles
fe trouvoient en Judée & dans la Paleftine. Il s’en
trouve aufli en Siléfie & dans d’autres pays.- <
Qn leur attribuoit autrefois de grandes vertus médicinales
, & l’on prétendoit que la pierre- judaïque
pulverifée 6c prife dams de l’eau chaude étoit un
grand diurétique 6c un remede Souverain contre I*
pierre des reins 6c de la veflie : voilà apparemment
pourquoi Pline l’a nommée técoluhos. (—)
JUDAISER, v . neut. ( Gram. Théolog.) c’eft avoir
de l’attachement aux cérémonies judaïques. On a
reproché aux premiers Chrétiens de judaïftr. Nous
difons aujourd’hui qu’un homme juddife, lorfqu’il
eft obfervateur trop fcrupuleux des chofes peu importantes
de la religion, s’il y a de pareilles chofes.
JUDAÏSME, f. m. ( Théolog. ) religion des Juifs.
Le judaïfme étoit fondé fur l’autorite divine, 6c les
Hébreux l’avoient reçu immédiatement du ciel ;
mais il n’étoit que pour un tems , & il devoit faire
place, du moins quant à la partie, qui regarde les
cérémonies, à la loi que J. C . nous a apportée.
Le Judaïfme étoit autrefois partagé en plufieurs
feû e s , dont les principales étoient celles desPhari-
fiens, des Saducéens & des Effeniens. Foye{.Pharisiens
, Sa d u c é en s ,
On trouve dans les livres de Moïfe un fyftème
complet de Judaïfme. Il n’y a plus aujourd’hui que
deux fe&es chez les Juifs ; favoir, celle des Caraïtes,
qui n’admettent d’autre loi que celle de Moïfe, 6c
celle des rabbins qui y joignent les traditions du
îalmud. Foye^ C a r a ïte <S*Ra«bb in.
On a remarqué que le Judaïfme eft de toutes les
religions celle que l’on abjure le plus difficilement.
Dans la dix-huitieme année du régné d’Edouard I.
le parlement lui accorda un quinzième fur les biens
du royaume pour le mettre en état d’en chaffer les
Juifs.
Les Juifs & tous les biens qu’ils poffédoient appar-
tenoient autrefois en Angleterre, au feigneur fur les
terres duquel ils vivoient, & qui avoit fur eux un
empire fi abfolu qu’il pouvoit les vendre fans qu’ils
puffent fe donner à un autre feigneur fans fa per-
mifîion. Mathieu Paris dit que Henri III. vendit les
Juifs à fon frere Richard pour le terme d’une année,
afin que ce comte éventrât ceux que le roi avoit
déjà écorchés : Qtios rex excoriaverat, cornes evijee-
raret.
Ils étoient diftingués des Chrétiens , tant durant
leur vie qu’après leur mort, car ils avoient des juges
particuliers devant lefquels leurs caufes etoient
portées, & ils portoient une marque fur leurs habits
en forme de table, qu’ils ne pouvoient quitter, en
fortant de chez eux, fans payer une amende. On ne
les enterroit jamais dans la contrée, mais hors des
murailles de Londres.
Les Juifs ont été fouvent proferits en France,
puis rétablis. Sous Philippe le Bel en 1308, ils furent
tous arrêtés, bannis du royaume, 6c leurs biens
confifqués. Louis leHutin fon fucceffeur les rappella
en 1320. Philippe le Long les chaffa de nouveau, 6c
en fit brûler un grand nombre qu’on accufoit d avoir
voulu empoifonner les puits & les fontaines. Autrefois
en Italie, en France & à Rome même on confif-
quoit les biens des Juifs qui fe convertiffoient à la
foi chrétienne. Le roi Charles VI. les déchargea en
France de^ette çonfifeation, qui jufques-là s’étoit
faite pour deux raifons, i° . pour éprouver la foi
de ces nouveaux convertis, n’étant que trop ordinaire
à ceux de cette nation de feindre de fe fou- -
mettre à l’Evangile pour quelque intérêt temporel,
fans changer cependant intérieurement de croyance
; 20. parce que comme leurs biens venoient pour
la plûpart de l’ufure, la pureté de la morale chrétienne
fembloit exiger qu’ils en*fiffent une reftitu-
tion générale, & c’eft ce qui fe faifoit par la confif-
cation. D . Mabillon, veter. analecl. tom. I II.
Les Juifs font aujourd’hui tolérés en France, en
Allemagne, en Pologne, en Hollande, en Angleterre,
à Rome, à V enife, moyennant des tributs
qu’ils payent aux princes. Ils font aufli fort répandus
en Orient. Mais l’inquifition n’en fouffre pas.en Efpagne
ni en Portugal, jf°yel Juifs.
Tome I X %
JUDE, Ëpître de S. ( Théol. ) nom d’un des livres
canoniques du nouveau-Teftament écrit par l’apôtre
faint Jude, furnommé Thadée ou Lebbée & le {élé,
qui eft appellé aufli quelquefois le frere du Seigneur ,
parce qu’il étoit, à ce qu’on croit, fils de Marie foeur
de la fainte Vierge , & frere de faint Jacques le mineur
évêque de Jérufalem.
Cette épître n’eft adreffée à aucune églife particuliere
, mais à tous les fideles qui font aimés du pere
6c appellés du fils notre-Seigneur. Il paroît cependant
par le verfet 17 de cette épître ou il cite la fécondé
de faint Pierre, & pa r tout le corps de la lettre
oii il imite les expreflions de ce prince des apôtres ,
comme déjà connues à ceux à qui il écrit ; que fon
deffein a été d’écrire aux Juifs convertis qui étoient
répandus dans toutes les provinces d’Orient, dans
l’Afie mineur & au-delà de l’Euphrate. Il y combat
les faux doûeurs qu’on croit être les Gnoftiques, les
Nicolaïtes , & les Simoniens qui troubloient déjà
l’Eglife. , , , .
On ignore en quel tems elle a été écrite ; mgis elle
eft certainement depuis les hérétiques dont on vient
de parler ; d’ailleurs faint Jude y parle des apôtres
comme .morts depuis quelque tems ; ce qui fait conjecturer
qu’elle eft d’après l’an de J. C . 60, & même
félon quelques-uns, écrite après la ruine de Jerufa-
lem. ,
Quelques anciens ont douté de la canonicite & de
l’authenticité de cette épître. Eufebe témoigne qu’elle
a été peu citée par les écrivains eccléfiaftiques, liv.
< II. chap. 23 . mais il remarque en même tems qu’on
la lifoit publiquement dans plufieurs églifes. Ce qui
a le plus contribué à la faire rejetter par plufieurs ,
c’eft que l’apôtre y cite le livre d’Enoch ou du moins
fa prophétie. Il y cite aufli un fait de la vie de Moïfe
qui ne fe trouve point dans les livres canoniques
de l’ancien-Teftament, & qu’on croit avoir été pris
d’un ouvrage apocryphe, intitulé Vaffomption de
Moïfe. Mais enfin elle eft reçue comme canonique
depuis plufieurs fiecles , parce que faint Jude pouvoir
favoir d’ailleurs ce qu’il cite des livres apocryphes
, ou qu’ étant infpire il pouvoit y difeerner les
vérités des erreurs avec lefquelles elles étoient me-,
lées.,
Grotius a cru que cette épître n’étoit pas de faint
Jude apôtre, mais de Judas quinzième évêque de Je-
rufalem , qui vivoit fous Adrien. Il penfe que ces
mots frater autem Jacobi,qu’on lit au commencement
de cette épître, ont été ajoutés par les copiftes, 6c
que faint Jude n’auroit pas oublié , comme il fa it,
de s’y qualifier apôtre ; qu’enfin toutes les églifes au-
roient reçu cette épître dès le commencement, fi
on eût crû qu’elle eût été d’un apôtre : mais cet auteur
ne donne aucune preuve de cette addition prétendue.
Saint Pierre,faint Paul & faint Jean ne mettent
pas toujours leur qualité d’apôtres à la tête de
leurs lettres. Enfin le doute de quelques églifes fur
l’authenticité de cette épître, ne lui doit pas plus préjudicier
que le même doute fur tant d autres livres
canoniques de l’ancien & du nouveau-Teftament.
On a aulfi attribué à faint Jude un faux évangile qui
a été condamné par le pape Gélafe. Foye^ A p o c r y phes.
Ca lme t, Diclion.de la Bible.
JUDÉE , LA, ( Géog. ) pays d’Afie fur les bords
delà méditérannée , entre cette mer au couchant,
la Syrie au nord ; les montagnes qui font au-delà du
Jourdain à l’orient, & l’Arabie au midi.
Sa longueur prife depuis la Syrie antiochienne juf-
qu’à l ’Egypte, faifoit environ foixante-dix lieues, &
fa largeur depuis la Méditerrannée jufqu’à l ’Arabie
pétree, environ trente lieues ; Jerufalem en etoit la
capitale. Foye{ Jérusalem.
On appelloit anciennement la Judée le pays de
Chanaan; enfuite on lui donna le nom de Paleftine*
Ai î