
des anges. Il leur donne la connoiffance & la volonté
par laquelle ils exercent leurs opérations : il remarque
que le titre d'ange 8c de meffager lignifie la même
chofe. On peut donc dire que les intelligences, les
fpheres, 8c les élémens qui exécutent la volonté de
Dieu , font des anges, & doivent porter ce nom.
4. On donne trois origines différentes aux démons.
Onfoutient quelquefois que Dieu les a créés le
même jour qu’il créa les enfers pour leur fervir de
domicile. Il les forma fpirituels, parce qu’il n’eut
pas le loifir de leur donner des corps. La fête du
fabbat commençoit au moment de leur création, &
Dieu fut obligé d’interrompre fon ouvrage, afin de
de ne pas violer le repos de la fête. Les autres di-
fent qu’Adam ayant été long-tems fans connoître fa
femme, l’ange Samaël touché de fa beauté, s’unit
avec elle , 8c elle conçut 8c enfanta les démons. Ils
foutiennent aufli qu’Adam, dont ils font une efpece
de fcélérat, fut le pere des efprits malins.
On compte ailleurs, car il y a là-deffus une grande
diverfité d’opinions, quatre meres des diables,
dont l’une eft Nahama, foeurde Tubalin, belle comme
les anges, auxquels elle s’abandonna; elle vit encore
, & elle entre fubtilement dans le lit des hommes
endormis, 8c les oblige de fe fouiller avec elle ;
1 autre eft Lilith, dont l’hiftoire eft fameufe chez
les Juifs. Enfin il y a des doéteurs qui croyent que
les anges créés dans un état d’innocence, en font déchus
par jaloufie pour l’homme, 8c parleur révolte
contre Dieu : ce qui s’accorde mieux avec le récit
de Moïfe.
^5 • Les Juifs croient que les démons ont été créés
males 8c femelles, & que de leur conjonction il en
a pu naître d’autres. Ils difent encore que les âmes
des damnés fe changent pour quelques tems en démons
, pour aller tourmenter les hommes, vifiter
leur tombeau, voir les vers qui rongent leur cadavres
, ce qui les afflige, & enfuite s’en retournent
-aux enfers.
Ces démons ont trois avantages qui leur font communs
avec les anges. Ils ont des ailes comme eux^
ils volent comme eux d’iin bout du monde à l’autre
; enfin ils favent l’avenir. Us ont trois imperfections
qui leur font communes avec les hommes ; car
il font obligés de manger & de boire ; ils engendrent
& multiplient, & enfin ils meurent comme '
nous.
6. Dieu s’entretenant avec les anges vit naître
une difpute entre eux à caufe de l’homme. La jaloufie
les ayoit faifis ; ils foutinrentà Dieu que l’homme
n’étoit que vanité , & qu’il avoit tort de lui donner
un fi grand empire. Dieu foutint l’excellence de
fon ouvrage par deux raifons ; l’une que l’homme le
loueroit fur la terre, comme les anges le louoient
dans le ciel. Secondement il demanda à ces anges fi
fiers, s’ils favoient les noms de toutes les créatures
; ils avouèrent leur ignorance, qui fut d’autant
plus honteufe, qu’Adam ayant paru auflî-tôt, il les
récita fans y manquer. Schamaël qui étoit le chef
de cette affemblée célefte, perdit patience. Il descendit
fur la terre, & ayant remarqué que le ferpent
étoit le plus fubtil de tous les animaux, il s’en fervit
pour féduire Eve.
C ’eft ainfi que les Juifs rapportent la chute des anges
; & de leur réc it, il paroit qu’il y avoit un chef
des anges avant leur apoftafie , & que le chef s’ap-
pelloit Schamaël. En cela ils ne s’éloignent pas beaucoup
des chrétiens ; car une partie des faims peres
ont regardé le diable avant fa chute comme lé prince
de tous les anges.
7. Moife dit que les fils de Dieu voyant que les
filles des hommes étoient belles, fe fouillèrent avec
elles. Philon ju if a fubftitué les anges auxfils de Dieu ;
8c il remarque que Moïfe a donné le titre d’anges à
ceux que les philofophes appellent génies. Enoch a
rapporte non-leulement la chute des anges avec les
femmes, mais il en développe toutes les circonftan-
ces ; il nomme les vingt anges qui firent complot de
fe marier ; ils prirent des femmes l’an 1170 du monde
, 8c de ce mariage naquirent les géants. Ces démons
enfeignerent enfuite aux hommes les Arts 8c
les Sciences. Azael apprit aux garçons à faire des
armes, 8c aux filles à fe farder ; Semireas leur apprit
la colere & la violence ; Pharmarus fut le docteur
de la magie : ces leçons reçues avec avidité des
hommes 8c des femmes,) cauferent un défordre affreux.
Quatre anges perfévérans fe préfenterent devant
le trône de Dieu, 8c lui remontrèrent le défordre
que les géans caufoient : Les efprits des âmes
des hommes morts crient, & leurs foupirs montent puf
qua la porte du ciel ,fans pouvoir parvenir jufqu'à toi ,
a. caufe des injujlices quife font fur la terre. Tu vois cela ,
6* eu ne nous apprens point ce qu'il faut faire.
La remontrance eut pourtant fon effet. Dieu ordonna
à Uriel « d’aller avertir le fils de Lamech qui
» étoit N oé, qu’il feroit garanti de la mort éternelle-
» ment. Il commanda à Raphaël ^de faifir Exaël l’un
» des anges rébelles, de le jetter lié pieds & mains
» dans les ténèbres ; d’ouvrir le defert qui eft dans un
» autre defert, 8c de le jetter là ; de mettre fur lui
» des pierres aiguës, 8c d’empêcher qu’il ne vît la
» lumière , jufqu’à ce qu’on le jette dans l’embrafe-
» ment de feu au jour du jugement. L’ange Gabriel
» fut chargé de mettre aux mains les géans afin qu’ils
» s’entretuaffent ; 8c Michaël devoit prendre Sé-
» mireas & tous les anges mariés, afin que quand ils
» auroient vû périr les géans & tous leurs enfans,
» on les liât pendant foixante 8c dix générations ,
» dans les cachots de la terre jufqu’au jour de l’ac-
» compliffement de toutes chofes, 8c du jugement
»où ils dévoient êtrejettésdans un abîme de feuôc
» de tourmens éternels ».
_ Un rabbin moderne ([Menajfé), qui avoit fort étudie
les anciens , allure que la préexiftence des âmes
eft un fentiment généralement reçu chez lesdo&eurs
juifs. Ils foutiennent qu’elles furent toutes formées
dès le premier jour de la création, & qu’elles fe trouvèrent
toutes dans le jardin d’Eden. Dieu leur par-
loit quand il dit ,faifons l'homme ; il les unit aux corps
à proportion qu’il s’en forme quelqu’un. Ils appuient
cette penfée fur ce que Dieu dit dans Ifaïe ,
ƒ ai fait les âmes. Il ne fe ferviroit pas d’un tems paffé,
s’il en créoit encore tous les jours un grand nombre :
l’ouvrage doit être achevé depuis long-tems, puif-
que Dieu dit , 7 'ai fait.
9. Ces âmes jouiffent d’un grand bonheur dans le
ciel, en attendant qu’ elles puiffent être unies aux
corps. Cependant elles peuvent mériter quelque
chofe par leur conduite ;& c’eft-là une des raifons
qui fait la grande différence de? mariages » dont les
uns font heureux , & les autres mauvais, parce que
Dieu envoie les âmes félon leurs mérites. Elles ont
ete créées doubles, afin qu’il y eût une ame pour le
mari, & une autre pour la femme. Lorfque ces âmes
qui ont été faites l’une pour l’autre » fe trouvent
unies fur la terre, leur condition eft infailliblement
heureufe, & le mariage tranquille. Mais D ieu , pour
punir les âmes qui n’ont pas répondu à l’excellence
de leur origine, fépare celles qui avoient été faites
l’une pour l’autre , 8c alors il eft impoffible qu’il
n’arrive de la divifion 8c du défordre. Origenen’a-
voit pas adopté ce dernier article de la théologie judaïque
, mais il fuivoit les deux premiers ; car il
croyoit que les âmes avoient préexifté, & que Dieu
les uniffoit aux corps céleftesou terreftres, greffiers
ou fubtils, à proportion de ce qu’elles avoient fait
dans le c ie l, 8c perfonne n’ignore qu’Origene a eu
beaucoup
beaucoup de difciples 8c d’approbateurs che2 les
Chrétiens.
10. Ces âmes fortirent pures de la main de Dieu.
On récite encore aujourd’hui une prière qu’on attribue
aux doéteurs de la grande fynagogue, dans
laquelle on lit : O Dieu ! l'ame que tu m'as donnée e f
pure ; tu T as créée, tu l'as formée, tu l'as infpirée;tu la
• confervts au-dedans de moi, tu la reprendras , lorfqu'elle
s'envolera, & tu mel a rendras au tems que tuas marqué.
On trouve dans cette prière tout ce qui regarde
l ’ame ; car voici comment rabbin Menaffe l’a commentée
: l'ame que tu m'as donnée eft pure, pour apprendre
que c’eft une fubftance fpirituelle, fubtile ,
qui a été formée d’une matière pure & nette. Tu
l'as créée, c’eft-à-dire au commencement du monde
avec les autres âmes. Tu l'as formée, parce que notre
ame eft un corps fpirituel, compofé d’une matière
célefte 8c infenfible ; 8c les cabaliftes ajoutent qu’elle
s’unit au corps pour recevoir la peine ou la récom-
penfe de ce qu’elle a fait. Tu Tas infpirèe, c’eft-à-dire
tu l’as unie à mon corps fans l’intervention des
corps céleftes, qui influent ordinairement dans les
■ âmes végétatives & fenfitives. Tu la conferves, parce
que Dieu eft la garde des hommes. Tu la reprendras
, ce qui prouve qu’elle eft immortelle. Tu me
• la rendras, • ce qui nous affure de la vérité de la ré-
furre&ion.
t r. LcsThalmudiftes débitent une infinité de fables
lurle chapitre d’Adam & de fa création. Ils comptent
les douze heures du jour auquel il fut créé, 8c
ils n’en laifleni aucune qui foit vuide. A la première
heure , Dieu affembla la poudre dont il devoir le
• compofer , & il devint un embrion. A la fécondé ,
il fe tint fur fes piés. A la quatrième, il donna les
• noms aux animaux. La feptieme fut employée au
mariage d’E v e , que D ieu lui amena comme un pa-
ranymphe, après l’avoir frifée. A dix heures Adam
pécha; on le jugea aufli-tôt, & à douze heures il
■ lentoit déjà la peine & les fueurs du travail.
12. Dieu l’avoit fait fi grand qu’il rempliffoit le
monde , ou du moins il touchoitle ciel. Les anges
• étonnés en murmurèrent , 8c dirent à Dieu qu’il y
avoit deux êtres fouverains , l’un au ciel 8c l’autre
fur la terre. Dieu averti de la faute qu’il avoit faite,
appuy a la main fur la tête d’Adam, & le réduifit à une
nature de mille coudées; mais en donnant au premier
homme cette grandeur immenfe, ils ont voulu
feulement dire qu’il connoiffoit tous les fecrets de
la nature, & que cette fcience diminua confidéra-
blement par le péché; ce qui eft orthodoxe. Ils ajoutent
que Dieu l’avoit fait d’abord double, comme
les payens nous repréfentent Janus à deux fronts ;
c ’eft pourquoi on n’eut befoin que de donner un coup
de hache pour partager ces deux corps ; 8c cela eft
clairement expliqué par le prophète , qui affure que
Dieu l’a formé par devant 8c par derrière : 8c comme
Moite dit aufli que Dieu le forma mâle & femelle ;
on conclut que le premier homme étoit hermaphrodite.
13. Sans nous arrêter à toutes ces vifions qu’on
multiplieroit à l’infini , les docteurs foutiennent, i°.
qu’Adam fut créé dans un état de perfe&ion ; car s’il
étoit venu au monde comme un enfant, il auroit eu
befoin de nourrice & de précepteur. i ° . C ’étoitune
créature fubtile :1a matière de fon corps étoit fi délicate
& fi fine, qu’il approchoit de la nature des anges
, 8c fon entendement étoit aufli parfait que celui
d’un homme le peut être. Il avoit une connoif-
fance de Dieu & de tous les objets fpirituels, fans
l’avoir jamais apprife , il lui fuffiloit d’ypenfer ;
c’eft pourquoi on l’appeiloit fils de Dieu. Il n’igno-
roit pas même le nom de Dieu; car Adam ayant
donné le nom à tous les animaux, Dieu lui demanda
Tome IX .
quel eft mdnnom ? 8c Adam répondit, Jéhovah. C'efi
toi qui e s8c c’eft à cela que Dieu fait allufion dan«
le prophète Ifaïe, lorfqu’ildit : je fuis celui quifuis ,
c'efl là mon nom ; c’eft-à-dire, le nom qu'Adam m'a
donné & que j'a i pris»
14. Ils ne conviennent pas que la femme fut aufli
parfaite que l’homme, parce que Dieu ne l’avoit
formée que pour lui être une aide. Ils ne font pas même
perfuadés que D ieu l’eut faite à fon image» Urt
théologien chrétien ( Lambert Danæus, in Antiqui*
tatibus ,pag. 42 ) a adopté ce fentiment en l’adoucifi»
fant ; car il enfeigne que l’image de Dieu étoit beau*
coup plus vive dans l’homme que dans la femme ;
c’eft pourquoi elle eut befoin que fon mari lui fervît
de précepteur, 8c lui apprît l’ordre de D ieu , au lieu
qu’Adam l’avoit reçu immédiatement de fa bouche»
15. Les dofteurs croient aufli que l’homme fait
à l’image de Dieu étoit circoncis ; mais ils ne prennent
pas garde que, pour relever l’excellence d’une
cérémonie, ils font un Dieu corporel. Adam fe plongea
d’abord dans une débauche affreufe, en s’accou»
plant avec les bêtes, fans pouvoir affouvir fa con-
voitife, jufqu’à ce qu’il s’unit à Eve. D ’autres difent
au contraire qu’Eve étoit le fruit défendu auquel
il ne pouvoit toucher fans crime ; mais emporté
par la tentation que caufoit la beauté extraordinaire
de cette femme, il pécha. Ils ne veulent point
que Caïn foit forti d’Adam^ parce qu’il étoit né du
ferperit qui avoit tenté Eve. Il fut fi affligé de la
mort d’Ab el, qu’il demeura cent trente ans fans connoître
fa femme, & ce fut alors qu’il commença à
faire des enfans à fon image 8c reffemblance. On lui
reproche fon apoftafie, qui alla jufqu’à faire revenir
la peau du prépuce, afin d’effacer l’image de
Dieu. Adam, après avoir rompu cette alliance, fe
repentit ; il maltraita fon corps l’efpace de fept fe-
maines dans le fleuve Géhon, & le pauvre corps fut
tellement facrifié, qu’il devint percé comme un crible.
On dit qu’il y a des myfteres renfermés dans
toutes ces hiftoires ; comme en effet il faut néceflài-
rement qu’il y en ait quelques-uns ; mais il faudrait
avoir beaucoup de tems & d’efprit pour les développer
tous. Remarquons feulement que ceux qui
donnent des réglés fur l’ufage des métaphores, 8c qui
prétendent qu’on ne s’en fert jamais que lorfqu’on y
a préparé fes lecleurs, 8c qu’on eft affure qu’ils li-
fent dans l’efprit ce qu’on penfe,. connoiffent peu
le génie des Orientaux, 8c que leurs réglés fe trou-
veroiént ici beaucoup trop courtes.
16. On accufe les Juifs d’appuyer les fyftèmes des
Préadamiftes qu’on a développés dans ces derniers
fiecles avec beaucoup de fubtilité ; mais il eft certain
qu’ils croient qu’Adam eft le premier de tous les
hommes. Sangarius’donne Jambufcar pour précepteur
à Adam; mais il ne rapporte ni fon fentiment,
ni celui de fa nation. Il a fuivi plutôt les imaginations
des Indiens & de quelques barbares, qui con-
toîent que trois hommes nommés Jambufcha, Zag-
tith 8c Boan ont vécu avant Adam, 8c que le premier
avoit été fon précepteur. C ’effen vain qu’on fe
fert de l ’autorité deMaïmonides un des plus fages
doéteurs des Juifs ; car il rapporte qu’Adam eft le
premier de tous les hommes qui foit né par une génération
ordinaire ; il attribue cette penfée aux Za-
biens, & bien loin de l’approuver, il la regarde comme
une fauffe idée qu’on doit rejetter; 8c qu’on n:a
imaginé cela que pour défendre l’éternité du monde
que ces peuples qui habitoientla Perfe foutenoient.
Les Juifs difent ordinairement qu’Adam étoit né
jeune dans une ftature d’homme fait, parce que toutes
chofes doivent avoir été créées dans un état de
perfeûion ; 8c comme il fortoit immédiatement des
mains de D ieu, il étoit fouverainementfage & prophète
créé à l’image de Dieu. On ne finiroit pas, fi