îplus vraiffemblable desSaducéens dans |la personne
d’Antigone furnommé Sochceus, parce qu’il étoit né
à.Socko. Cet homme vivoit environ deux cens quarante
ans avant J. C. & crioit à l'es difciples : Arè
foyc{ point comme des efclaves qui obeiffent à leur maître
par la 'vue de la récompenfe , obéijje{ fans efpcrer
aucun fruit de vos travaux ; que-là crainte du Seigneur
.foit fur vous. Cette maxime d’un théologien, qui vi-
yoit fous l’ancienne économie, furprend ■> car la loi
prpmettoit non feulement des fécompenfes, mais
elle parloit fouveiit d’une félicité temporelle qui devoit
toujours fuivre la vertu. Il étoit difficile de devenir
.contemplatif dans une religion fi charnelle,
'cependant Antigonus le devint. On eut de la peine
à voler aprtès lu i, & à le fuivre dans une fi grande
élévation. Zadoc, l’un de fes difciples, qui ne put,
ni abandonner tout-à-fait fon maitre, ni goûter fa
théologie myftique, donna un autre fens à fa maxime,
& conclut de-Ià qu’il n’y avoit ni peines ni
récompenfes après là mort. Il devint le pere desSad-
'dupéens, qui tirèrent de lui le nom de leur fette &
le dogme.
Le Sadduclens commencèrent à paroître pendant
qu’Onias étoit le fouverain facrificateur à Jérula-
lem ; que Ptolomée Evergete régnoit en Egypte, &
Séleucus Callinicus en Syrie. Ceux qui placent cet
événement fous Alexandre le Grand , & qui aflurent
nvec S.Epiphane, que ce fut dans le temple du Ga-
rizim , où Zadoc & Baythos s’étoient retirés, que
cette fette prit naiffance, ont fait une double faute :
car Antigonus n’étoit point facrificateur fous Alexandre
, & on n’a imaginé la retraite de Zadoc à
-Samarie que pour rendre fes difciples plus odieux.
Non feulement Jofephe, qui haïffoit lesSadducéens,
ne reproche jamais ce crime au chef de leur parti ;
mais on les voit dans l’Evangile adorant & fervant
dans le temple de Jérufalem ; on choififfoit même
parmi eux le grand-prêtre. Ce qui prouve que non-
feulement ilsétoient tc^érés chez les Juifs, mais qu’ils
y avoient même allez d’autorité. Hircan, le fouve-
ïain facrificateur, fe déclara pour eux contre les
Pharifiens. Ces derniers foupçonnerent la mefe de
ce prince d’avoir commis quelque impureté avec les
payens. D ’ailleurs ils vouloient l’obliger à opter entre
le feeptre & la thiare ; mais le prince voulant
être le maitre de i’églife & de l’état, n’eut aucune
déférence pour leurs reproches. Il s’irrita contre
eux, il en fit mourir quelques uns ; les autres fe retirèrent
dans les deferts. Hircan fe jetta en même
tems du côté des Saducéens : il ordonna qu’on reçût
les coutumes de Zadoc fous peine de la vie. Les Juifs
aflurent qu’il fit publier dans fes états un édit par
lequel tous ceux qui ne recevroient pas les rits de
Zadoc & de Batythos, ou qui fuivroient la coutume
des fages, perdroient la tête. Ces fages étoient les
Pharifiens, à qui on a donné ce titre dans la fuite,
parce que leur parti prévalut. Cela arriva fur-tout
après la ruine de Jérufalem &c de fon temple. Les
Pharifiens, qui n’avoient pas l'ujet d’aimer les Sadu-
çéens, s’étant empares de toute l’autorité, les firent
paffer pour des hérétiques, & même pour des Epicuriens.
Çe qui a donné fans doute occafion à faint
Epiphane & à Tertullien de les confondre avec les
Dofithéens. La haine que les Juifs avoient conçue
contre eux, paflfa dans le coeur même des Chrétiens :
l’empereur Juftinien les bannit de tous les lieux de
fa domination , & ordonna qu’on envoyât au dernier
fupplice des gens qui déféndoient 'certains dogmes
d’impiété & d’athéifme, car ils nioient la ré-
furrettion & le dernier jugement. Ainfi cette fette
fubiiftoit encore alors, mais elle continuoit d’être
malheureufe.
L’édit de Juftinien donna une nouvelle atteinte à
cette fette , déjà fort affoiblie : car tous les Chrétiens
s'accoutumant à regarder les Sàduèéens comme
des impies dignes du dernier fupplice, ils étoient
Obligés de fuir & de quitter l’Empire romain, qui
étoit d’une vafté étendue. Ils trouyoient de nouveaux
ennemis dans les autres lieux où les Pharifiens
étoient établis : ainfi cette fette étoit errante & fugitive,
lorfqu’Ananus lui rendît quelque éclat au
milieu du huitième fiecle. Mais cet évement eft con-
tefté par les Caraïtes, qui fe plaignent qu’on leur
ravit par jaloufie un de leurs principaux défenfeurs,
afin d’avoir enfuite le plaifir de les confondre avec
les Saducéens.
Doctrine des Saducéens. Les Saducéens, ’uiiique'-
ment attachés à l ’Ecriture fainte, rejettoient la lot
orale, & toutes les traditions, dont on commença
fous les Machabées à faire une partie eflèntielle de
la religion-. Parmi le grand nombre des témoignages
que nous pourrions apporter ic i, nous nous contenterons
d’un feul tiré de Jofephe, qui prouvera bien
clairement que c’étoit le fentiment des Saducéens :
Les Pharifiens, dit-il, qui ont reçu ces' confiitutions
par tradition de leurs ancêtres’, les ont enfeignées att
peuple ; mais les Saducéens les rejettent-, parce qu'elles
ne font pas comprifes entre les lois données par Moïfe ±
qu'ils fotttiennent être les feules que l'on efi obligé de
Juivre, ÔCc. Antiq. jud. lib. X I I I . cap. xviij\
S. Jérôme & la plûpart des peres ont crû qù’ils
retranchoient du canon les prophètes & tous les
écrits d ivins, excepté le Pentateuqué de Moïfe. Les
critiques modernes ( Simon, hiß. critiq. du vieux Tefi
tament, Uv. I. chap. xvjl) ont fuivi les peres ; & ils
ont remarqué que J. C. voulant prouver la réfur-»
rettion aux Sadpcéens, leur cita uniquement Moïfe,
parce qu’un texte tiré des prophètes, dont ils rejet-
foient l’autorité, n’auroit pas fait une preuve contre
eux. J. Drufius a été le premier qui a ofé douter
d’un fentiment appuyé fur des autorités fi refpetta-
bles ; & Scaliger (Elench.t rihoeref. cap. xvj.') l’a ab-
folument rejetté, fondé fur des raifons qui paroiffent
fort folides. i°. Il eft certain que les Saducéens n’avoient
commencé de paroître qu’a près que le canon
de l’Ecriture fut fermé , & que le don de prophétie
étant éteint, il n’y avoit plus de nouveaux li*
vres à recevoir. Il' eft difficile de croire qu’ils fe
foient foulevés contre le çanon ordinaire, puifqu’il
étoit reçu à Jérufalem. 2°. Les Saducéens enfeir
gnoient & prioient clans le temple. Cependant on y
lifoit les prophètes, comme cela patoît par l’exemple
de J. C. qui expliqua quelque paffage d’Ifaïei
3°. Jofephe, qui devoit cônnoître parfaitement cette
fe tte , rapporte qu’ils recevoient ce qui efi écrit. II
oppofe ce qui efi écrit à la dottrine orale des Pharifiens
; & il infinue que la côntroverfe ne rouloit
que fur les traditions : Ce qui fait conclure que les
Pharifiens recevoient route l’Ecriture, & les autres
prophètes, auffi-bien que Moïfe. 40. Cela paroît en-
coré plus évidemment par les difputes que les Pharifiens
ou les dotteurs ordinaires dqs Juifs ont foute-
nues contre ces fettaires. R. Gamaliel leur prouve
la réfurrettion des morts par des paffages tirés de
Moïfe, des Prophètes & des Agiographes ; & les
Saducéens, au lieu de rejetter l’autorité des livres
qu’on citoit contre eu x, tâchèrent d’éluder ces paflages
par de vaines fubtilités. 50. Enfin les Saducéens
reprochoient aux Pharifiens qu’ils croyoienr que les
livres fairirs fouilloient. Quels étoient ces livres
faims qui fouilloient, au jugement des Pharifiens ?
c’étoit l’Eccléfiafte, le Cantique des Cantiques, &c
les Proverbes. Les Saducéens regardoient donc tous
les livres comme des écrits divins, & avoient même
plus de refpett pour eiix que les Pharifiens.
2°. La leconde & la principale erreur des Saducéens
rouloit fur l’exiftence des anges , & fur la
fpiritualité de l’ame. En effet, les.Evangéliftes leur
J f l
qu ils foîUèrtoieht: qu’il h*ÿ avoit hi fé-
iufrettiqn, ni efprit, ni âügei Le P. Simon donne
Imeraifon de ce fentiment. Il affine que * dé l’aveu
des rhahmidiftes, le nom d'anges n’avoit ’été en
tifage chez les Juifs que depuis le retour dé la captivité
j & les Saducéens conclurent de-là que l’in-
VehtiOn dés anges étoit nouvelle ; que tout ce que 1 Ecriture difoit d’eux av.oit été ajouté par ceux de
la grande fynagogue, & qu’on devoit regarder ce
tju ils en rapportoient cOmme autant d’allégories.
Mais e’eft difculper les Saducéens que l’Evangile
éondamne fur cet article : car fi l’exiftence des an-
gôs n’étoit fondée que fur une tradition affez nouv
e lle , ce rt’étoit pas un grand crime que de les combattre
, ou de tourner en allégories ce que lesThal-
hntdiftes én difoient. D ailleurs, tout le monde fait
que le dogme des anges étoit très-ancien chez les 1
•Juifs\
Théophilatte léuf reproche d’avoir combattu la !
divinité du S. Efprit : il doute même s’ils ont connu
D ie u , parce qu’ils étoient épais, grolîiers, attachés
à la. matière ; & Arnobe, s’imaginant qu’on ne pou-
Voit nier 1 exiftence dés efijrits, fans faire D ieu corporel
, leur a attribué ce fentiment, & le favant Pe-
tau a donné dans le même piège. Si les Saducéens
éuffent admis de telles erreurs, il eft vraiffemblable
que les Evangéliftes en auroient parlé. Les Sadu^
ceens, qui nioient 1 exiftence des efprits, parce qu’ils
il avoient d idee claire & diftintte que des objets fen-
fibles & matériels, môttoient Dieu au-deffus de leur
conception, & regardoient cet être infini comme
une efferice incompréhenfible, parce qu’elle étoit
parfaitement dégagée de la matière. Enfin, lés Sadu-
ceèns combattoient l’exiftence des efprits, fans attaquer
la perfonne du S. Efprit, qui leur étoit auffi -
inconnue qu’aux difciples de Jean-Baptifte; Mais
comment les Saducéens pouvoient-ils nier l’exiftence
des anges, eux qui adftiettoient le Pentateuque,
ou il en eft affez fbu vent parlé? Sans examiner ici les
fentimens peu vraiffemblables du P. Hardouirt & de
Grotius, nous nous contenterons d’imiter la modefi
tie de Sçaliget, qui s’ét-ant fait la même queftion -,
avotioit ingénument qu’il en ignoroit la raifon.
30. Une troifieme erreur des Saducéens étoit qué
l ’ame ne filrvit point au corps, mais qu’elle meurt
avec lui, Jofephe la leur attribue expreffément.
4 i La qitatrieme erreur des Saducéens rouloit
fur la refurrettion des corps i qu’ils combattoient
comme impoffible. Ils vouloient que l’homme entier
périt par la mort ; & de-là naiffoit cette conféquence
néceftaire & dangereufe, qu’il n’y avoit ni recom-
penfe ni peine dans l’autre vie ; ils bornoient la juf-
tice vengereffe de-Dieu à la vie préfente.
5®. Il femble auffi que les Saducéens nioiént la
Providence, & c eft pourquoi on les met au rang
des Epicuriens. Jofephe dit qu’ils rejettoient le del-
tin ; qu ils ôtoient à Dieu toute infpettion fur le
mal, & toute influence fur le bien, parce qu’il avoit
place le bien & le mal devant i’homme, en lui laif-
fant une entière liberté de faire l’un & de fuir l’autre.
Grotius, qui n’a pu concevoir que les Saducéens
enflent ce fentiment, a cru qu’on 'devoit corriger
Jofephe, & lire que Dieu n’a aucune part dans les
attions des hommes, foit qu’ils faffent le mal, ou
qu’ils ne le faffent pas. En un mot, il a dit que les
Saducéens, entêtés d’une faüffe idée de liberté, fç
donnoient un pouvoir entier de fuir le mal & de faire
le bien. Il a raifon.dans le fond, mais il n’eft pas né-
ceffaire de changer le texte de Jofephe pour attribuer
ce fentiment au* Saducéens ; car le terme doqt
B s’eft fervi, rejette feulement une Providence qui
Alr les attions des hommes. Les Saducéens
otoient à Dieu une direttion agiffante fur la vplort-
t e , & ne lui laifloient que le droit de récompenfer
J Ü î
Ôfl g 'pümr cîlôr qui- ifàifofent- vôiortUifément le
bisn ou 1« mal. On vok par-là qüe lfes Saducéehà
etoient à peu -près PèlagienSi ^
Enfiiij les Saduefens prérehilbient âue ia plrrra-'
« des femmes eft condamnée dans cèsparolk du
Levit^ne : ro,£»c p r e n d r a i* , rn c fà
t Z U T J H H Chap. xviij. Les
Thalmudiftes, défenfeurs zélés de la polymmie lé
croycent autohfés à loutenir leur fentimenr par les
exemples de Dav.çl & de Salomon. & — H
que les Saduceens etOient hérétiques fur lé mariaee ■
Mmm.JuSaJaslon Quelque^ Chrétiens fe font
tmagmés que comme les Saducéens nioient les peines
& les récompenses de l’autre vie & l'immorta-'
lite des âmes, leur doaftne les cbnduifoit à'iifi affreux
libertinage. Mats U ne faut par tirer des ctjnti
féquenceti de cetté nature, car elles font fouvént
fauffes: Il y a deux barrières à la corruption htimaé
he. les ehâttmens de la vié préfènte & les peines dé'
1 enfer. Les Saduceens avoient abattit la derhierè
barrière, mats ils latffbieiit fubftfter l’autre. Us né
eroyotentnt peine ni réconip;enfe pour l’avenir -
mats iis admettotent uneProvidepceSui puniftbit lé
v ice , & u u t reqompenfoit la vertu pendant eetté
vie: Le defir d etre heureux fur la terre. ftiffifo»
pour les retenir dans lé devpjf. II. y a hietj deà eetis
qui le mettraient peu en peirie de l’éternité , s’ils
potivotent être heureitx dans cette Vie. b ’eft-là lé
but de leurs travaux & de leurs foïds. fofcphe affuré
que fes Saducéens etdiént fort féveres pour la puî
nttion des crimes. & cela devoit être aîhfï t en effeti
les hommes ne pouvant être retenus par la crainte
des chanmens éternels que ces fettaires rejettoient’
il falloit les épouvanter par la févérité des peines
temporelles; Le tnême Jofephe les repréfente comme
des gens farouches, dont les moeurs étoient barbares
, & avec lefquels le$ étrangers né pouvoienf
avoir de commerce; Ils étoient fbuveht divifés les
uns contre les autres. N’eft - ce point trop adoucir
ce trait hideux, que dé l’expliqùer de la liberté qu’ils
le donpoient de çlilputér fur les matières de religion î
car Jofephe qui rapporte Ces deux chofes, blâmé
1 une & loue l’autre ; ou du moins il ne dit jamais
que ce fut 1? différence des fentimens & la chaleur
de la difpute qui caufa ces divifions ordinaires
^ ns. a • e‘ Quoi qu’il en foit, Jofephe qui étoit
1 harifien, peut être foupçoriné d’avoir trop écouté
les fçnnmeos de hainé que fafétte avoit pour les Sa-
dücéens.
Des Caraitesi Origine des CaraïteS. Le nord de Cd-
raiié fignifie un homme qui lit, un feriptuaire , c’eft-
à-dire un homme qui s’attache fcrupuleufenient aü
texte de la lo i, & qui rejette toutes les traditions
orales.
t Si on en ^roit les Caraïtes qu’od trouvé aùjouf-
d'hni ërt Pologne & {fens la Lithuanie, ils defeen.
' dept des dix trjbtis que Salmanazar avoit traiifpqr-
tees, & qui ont pafle de-là dans la Tartarié : mais
on rejettera bien-tôt cette opinion, pour peu qu’ori
faffe attention ail fort de çes dix tribus, & ori fait
qu’elles n’ont jamais pafle dans ce pays-là;
Il eft encore mal-a-propos de faire defeendre les
Caraïtes d’Efdras; & il fuffit de connoîfre les fonde
mens. de cette fette, pour ën être convqincii. En
effet, èés fettaires ne fe font élevés contre lésa litres
dottepts, qu’à caufe des traditions qu’on égâioit à
l’écriture, & de cette loi orale qu’On difoit que Moïfë
ayoiç dpnnée. Mais on n’a commencé, à vanter les
traditions chez lés Juifs > que long-rems apres Ef-
dràs, qui fe contenta de lqur donner la loi pour régie
dp leur conduite. On ng: fe fo;uleve contre une
erreur, qu’après fa naiffance ; & on ne'combat un
dogme que Iorfqu’il eft eriféigné publiquement. Les
Caraïtes n’ont donc pû faire de fette particulieré