le loup du liteau. Ainfi quand on l’ a rembuché; il
faut prendre les devahs de très loin pour s’affurer
s’ il n’eft pas paffé plus avant. On eft: forcé fou vent
de faire ainfi plufieurs lieues à la fuite d’un loup.
Souvent encore, d’enceinte en enceinte, on arrive
au bord d’une plaine oii l’on trouve qu’il s’eft dé-
chanfle, c’eft-à-dire qu’il a piffé & gratté comme
fait le chien : alors il eft sûr qu’il a pris fon parti de
percer en avant, & il eft inutile de le fuivre:
Il feroit très-rare de forcer les loups avec des
chiens courans, parce qu’il eft peu dë chiens qui
puiffent jouter dé vigueur contre ces animaux.
Ainfi quand on chaffe, des gens à cheval cherchent
à gagner les de vans pour tuer, ou du moins bléffer
le loup à coups de fufils. On l’attend auffi dans les
plaines qu’on fuppôfe qu’il doit traverfer, & on l’y
fait attaquer par des lévriers & des mâtins qu’on
tient èn laiffe pour cet ufagé. Les levrièrs atteignent
affez promptemènt le loup : pendant qti’ils l’amu-
fen t, les matins plus lourds ont le tëms d’arriver.
Alors le combat devient inégal & fanglant ; & pert-
dant que le loup eft occupé à fe défendre, on le
tue affez facilement à coups d’épées.
La chaffe du loup eft en général v ive & piquante,
par le defir que les chaffeurs ont de tuer l’animal,
par la rapidité du train & la Angularité des refuites.
Mais elle a cet inconvénient, qu’on n’eft jamais
sûr de trouver l’occafion de chaffèr. Le moindre
bruit fait vuider l’enceinte aux loups -lès mieux détournés
: & les buiffons creux font très-ordinaires
à cette chaffe. Dans les provinces bii lès feigneurs
n’ont pas d'équipages, on s’affemble pour tuer les
loups en battue. Les payfans rangés & ferrés paffent
dans les bois en faifant beaucoup de bruit, & les
chaffeurs fe poftent pour attendre & tuer les bêtes
effrayées : mais ordinairement il en échappe beaucoup;
outre que fouvent les battues font mal faites,
& les poftes mal gardés, ces animaux défians éventent
de loin les embufcades, & retournent fur les
batteurs malgré le bruit.
Toutes ces chaffes d’appareil n’ont pas un grand
fuccès pour la deftruûion des loups. Le plus sûr
moyen d’y parvenir, c’eft d’être aflidu à leur tendre
des pièges, à multiplier les dangers fous leurs
pa s, & à les attirer par des apâts convenables. Le
meilleur piège, Iorfqu’on fait en faire ufage, eft celui
qui eft connu dans beaucoup d’endroits fous le
nom de traquenard. Avant de le tendre, on commence
par traîner un cheval ou quelqu’autre animal
mort dans une plaine que les loups ont coûtume
de traverfer ; on le laiffe dans un gueret ; ori paffe
le rateau fur la terre des environs pour juger mieux
les pas de l’animal, & d’ailleurs le familiarifer avec
la terre égalée qui doit couvrir le piège. Pendant
quelques nuits le loup rode autour de cet apât, fans
ofer en approcher. Il s’enhardit enfin : il faut le laif-
fer s’y affurer plufieurs fois. Alors on rend plufieurs
pièges autour, & on les couvre dé trois pouces
de terre pour en dérober la connoiffance au défiant
animal. Le remuement de la terre que cela oc-
cafionne, ou peut-être des particules odorantes de
l’homme qui y reftent, réveillent toute l’inquiétude
du loup, & il ne faut pas efperer de le prendre les
premières nuits. Mais enfin l’habitude lui fait perdre
la défiance, 8c lui donne une fécurité qui le
trahit. Il eft un àpât d’un autre genre, qui attire
bien plus puiffamment les loups, 8c dont les gens du
métier font communément un myftere. Il faut tâcher
de fe procurer la matrice d’une louve en pleine
chaleur. On la fait fécher dans le four,8c on la garde
dans un lieu fec. On place enfuite à plufieurs endroits
, toit dans le bois, foit dans la plaine une pierr
e , autour de laquelle on répand du fable. On frotte
la femelle de fes fouliers avec cette matrice, 8c on
eti frotté kièn fur-tout les différentes pierres q'u’on
a placées. L’odeur s’y conferve pendant plufieurs
jours, 8c les loups mâles 8c femelles l’éventent de
très-loin : èlle les attire 8c les occupe fortement.
Lorfqu’ils fe font accoutumés à venir gratter à quelqu’une
des pierres, on y tend le piège, & rarement
fans fuccès îoifqu’il eft bien tendu & bien couvert.
Quelque défiant que foit le loup-, on le prend avec
affez de facilité par-tout oii les pièges ne lui font pas
connus. Mais lorfqti’il eft inftruit pair l’expérience,
il met en défaut tout l’art des louvetiers. Cet animal
naturellement groffier, parce qu’il eft fort, acquiert
alors urt degré fupérieur d’intelligence, & il apprend
à fe fervir de tous les avantages que lui donne la
fineffe de fes fèns : il deviënt néceffaire de connoî-
tre toutes les rufes de l’animal, 8c de varier à l’ifi-
fini celles qu’on leur oppofe. Cet affemblage d’ob-
fervations & de connoiffances forme une fciencë
dont la perfeétion, comme celle de toutes les autres,
paffe les bornes de l’efprit humain. Voye{ P i è g e . II
eft certain que fans tous ces moyens de dëftruétion ,
la multiplication des loups deviendroit funefte à l’ëf-
pece humaine. Les louves font ordinairement en état
de porter à dix-huit mois : elles font quelquefois juf-
qu’û huit ou neuf petits, 8c jamais moins de trois.
Elles les défendent avec fureur lorfqu’ils font attaqués,
& s’expofent aux plus grands périls pour lèS
lès nourrir.
L oup, (Mat. médic.) Les parties ihédicamenteufes
du loùp font, félon l’énumération dè Schroder, les
dents, le coeur, le foie, les boyaux, les os, la graiffe,
là fiente, 8c la peau : 8c ëncote SchrOdér a-t-il oublié
la chair.
On prétend que les hochets faits avec une dent
de loup font très-utiles pour rendre la dentition plus
àifée aux ènfans ; 8c quë fi oh leur fait porter dès
dents de loup en amulette; ils ne font point fujets
à la peur.
Parmi les vertus attribuées aux autres parties
dont nous avons fait mention, les plus célébrées font
du même ordre que cette derniere : il s’agit d’une
ceinture de peau ou de boyau de loup contre là colique;
de fa fiente appliquée aux bras ou àüx jambes
, au moyen d’une baridelèttè faite avec la laine
d’une brebis qui ait été égorgée par un loup, &c. il
eft inutile d’ajouter que le peuple même croit à pré-
fent à peine à ces contés.
La graiffe de loup n’a abfôlument que lès qualités
très - génériques, très - communes des graiffes
(Voye^ G r a i s s e ) , 8c c’eft encore là un remede
très-peu employé.
La feule partie encorè tnife en u fage, c’èft le foie.'
Les payfans 8c les chaffeurs qui prènnënt des loups,
ne manquent point d’ën Confervèr lé foie qu’ils font
fécher au four, ou de le Vendre à quelqu’apoticaitô.
C ’eft ùne drogue qui fe trouVè afféz communément
dans les boutiques : elle eft vantée Contre tous les
vices du foie , 8c principalement contre les hydto-
pifies qui dépendent d’ùrt vice de ce vifeère. On le
donne en poudre, à la dofe d’un gros : c’eft un remede
peu éprouvé. (b)
On prétend que lè loup fournit llii-même un remede
très-efficace contre fa voracité ; 8c l’on affure
que fi on frotte les bfebis avec fa fiente, il ne leur
fait plus aucun mal. Pour cet effet, on dit qu’il n’y
a qu’à détremper de la fiente de loup dans de l’eau;
on en frotte enfuite la ’gOrge, lé dos * 8c les côtés
des brebis : cette fiehte s’attache fi fortement ,à leur
lainè,qu’elle y rèfte pendant très-long tems. On prétend
que les loups ont de l’antipathie pour l’odeur
qui èn part, & qu’ils né touchent point aux animaux
qui ont été aihfi frottés. C ’ëft à l’expérience
à conftater un fait qui, s’il fe trouvoit véritable,
feroit d’un grand avantage dans l’économie ruftique.
Voye{ les Mémoires de l'académie de Suedey année
/ y i j . ■ - _
L oup, (Pelleterie.') la peau du loup, garnie de fon
p o il, après avoir été préparée par le pelletier ou le
mégiffier, fert à faire des manchons & des houffes
de chevaux.
L oup m a rin , lupus, (Hift. nat. ) poiffon de mer
ainfi nommé à caufe de fa voracité ; on lui donne
auffi le nom de lubin ou lupin qui vient de lupus :
les petits font agpellés lupaffons en Languedoc. Ce
poiffon eft grand, épais, couvert d’écailles ; il a la
tête longue, la bouche 8c les yeux grands, deux
nageoires près des ouies , deux au-deffous, des aiguillons
pointus & inégaux fur le dos; ces aiguillons
font foutenus par une membrane mince : la nageoire
de la queue n’a qu’un aiguillon, mais il y en a trois
dans la nageoire qui eft au-delà de l’anus. Lorfque
ce poiffon.refte dans la mer, il a le dos mêlé de blanc
& de bleu ; ceiui qui eft à l’embouchure des rivières
eft prefque tout blanc, il vit de poiffons 8c
d’algue. Rond. hifl. des poijfons, liv .IX .
L o u p , ( AJlrônomie. ) conftellation méridionale
qui comprend dix-neuf étoiles. Voyeç Eto ile «5*
C o nste lla t io n .
LouP.i' ( ‘Chimie.') c’ eft un des noms que les Chi-
miftes ont donné à l’antimoine, parce qu’il dévore
dans la fonte tous les métaux, excepté l’or & l’argent;
qu’il divife ou qu’il diffout non feulement ces
lubftances, mais même tout limon, fable ou pierre
avec lefquels ori le fait fondre, ( b )
L oup , en Chirurgie, ulcéré virulent & chancreux
qui vient aux jambes ; ainfi appellé, de ce qu’il
ronge 8c confume les chairs yoifines comme un loup
affamé. Voye£ Ulc éré.
L oup-g a r o u , (Hijt. des fuperjlitions.) c’eft dans
l’opinion du menu peuple 6c des laboureurs un ef-
prit malin , très-dangereux, travefti en loup, qui
court les champs & les rues pendant la nuit.
L’idée fuperftitieufe que les hommes pouvoient
être changés en loups, & reprendre enfuite leur forme
, eft des pins a n c ie n n e shominem in lupos verti,
rursumque rejlitui Jibi, falfubi exijlimare debemus , dit
Pline, lib. V III. Cependant cette idée extravagante
a fubfifté long-tems ; la Religion & la Philofophie
ne l’avoient point encore détruite en France fur la
fin du feizieme fiecle. La Rocheflavin, l iv .ll. tit.xij.
art. C). rapporte un arrêt du parlement de D o le ; du
1 8 Janvier 1 574, qui condamne au feu Gilles Garnier
, lequel ayant renoncé à Dieu, & s’étant obligé
par ferment de ne plus fervir que le diable, avoit été
changé en loup-garou. Bodin & Daniel Auge, Au-
gentius, ont cité l’arrêt entier.
Il faut quelquefois rappeller ces fortes de traits
aux hommes pour leur faire fentir les avantagés des
fiecles éclairés. Nous devrions à jamais les bénir ces
fiecles éclairés, quand ils' ne nous procureroient
d’autres biens que de nous guérir de l’exiftence des
loup s-garou, des efprits, des lamies, des larves, des
liliths, des lémures, des fpeftres, des génies, des
démons , des fées, des revenàns, des lutins, & autres
phantômes noûurnes fi propres à troubler notre
ame, à l’inquiéter, à l’accabler de craintes & de
frayeurs. Voye[ Lu t in . (D . J.)
L o u p , le, (Art milité) machine de guerre des anciens.
Voyeç C orteau.
• L o u p , terme de Pèche, forte de filet que l’on peut
rapporter à l’efpece des ravoirs Amples. Elle eft en
ufage fur la côte de l ’amirauté de Nantes. Cette pêche
fe fait à demi-lieue ou environ de terre. Pour cet
effet, il faut trois grandes perches dont voici la def-
tination. Celle cle terre, qu’ils nomment perche amortie
ou fédentaire, a environ vingt-deux piés de long ;
elle rèfte toujours, & on ne la releve point comme
f.es deux autres. La deuxieme fe nomme la ‘perche de
Tome IX ,
rade qu’on plante, & qu’on releve tous les juffans.
La forme du fac du ret ou filet eft en lofange à bout
coupé ; il n’a aux deux bouts que trois braffes de
haut, dans le milieu ou le fond, huit braffes, & fa
longueur d’un bout à l’autre eft de douze à treize
braffes. La troifieme perche eft celle du milieu.
Ce filet, dans fon opération, eft ajufté de maniéré
que ce tiers environ releve ou eft retrouffé
comme aux filets que l’on nomme ravoirs.
Il ne faut qu’un bateau pour faire la perche du
loup, & fouvent il n’y a qu’un homme & des femmes
ou filles, trois à quatre perfonnes au plus.
Quand les pêcheurs veulent tendre leur loup, ils
amarent à la perche de terre ou amortie une hauf-
fiere de trente à quarante braffes de long ; on file le
lin ; & à. treize à quatorze braffes de la perche
amortie, on jette le grapin frappé fur un petit cablot
dont on file environ dix braffes : on fixe enfuite la
perche de rade, en la faifant couler à pic fur un
fond de vafe oii elle enfonce aifément par fon propre
poids, & on y amare le cablot du grapin qui
de cette maniéré lui fert d’étai, & la rend plus ferme
& plus ftable fur le fond.
Avant de piquer la perche de rade, on paffe le
bas & le haut des hauffieres, bras ou haies du filet
qui ont huit braffes de long ; celle du bas refte frappée
à cinq piés au-deffus du fond, & celle du haut
à cinq à fix piés au-deffous du bout de la perche : on
amare enfuite le haut & le bas des bras de la perche
de terre qui eft la perche amortie.
L’ouverture du ret eft établie de maniéré que la
marée s’y entonne. Lorfque le filet eft tendu, on met
au milieu la troifieme perche qui peut avoir environ
douze à treize piés de haut ; le bas paffe environ
un pié la partie du ret du loup qui eft fur le fond ,
& cette perche fe pique d’elle-même fur les vafes
durant que la pêche fe fait. Les pêcheurs, dans leur
bateau, fe tiennent fur leur filet au-deffus de la perche
du milieu.
Le ret de cette maniéré eft un filet non flotté,
n’ayant ni plomb par bas, ni flottes par la tête ou
le haut, de même que les ravoirs auxquels on le
pourroit plûtôt comparer qu’à toute autre efpece de
ret ; il fe tend à une heure de juffant ou de reflux,
c’eft-à-dire une heure environ après que la marée
a commencé de perdre.
L’ouverture, comme nous avons dit, eft de bout
à la marée, 8c il eft établi de maniéré qu’aux deux
tiers du juffant il en paroit alors trois pies de hors
l’eau. On le releve une heure avant la baffe eàù.
Pour prendre le poiffon du filet, on démonté la
perche de rade, on dépique celle du milieu, 8t on
dégage les deux bras de celle de terre ou fédentaire.
Cette pêche fe fait avec fuccès depuis la faint
Michel jufqu’à Noël ; il faut un tems calme & le gros
de l’eau ; elle fe fait également de jour & de nuir_
On y prend de toutes fortes d’efpeces de poiffons
plats & des rorids, fuivant les faifons 8t les marées.
Les mailles des rets des loups de Bourg-neuf, oit
nous n’avons trouvé que deux de ces filets, font du
grand échantillon, ayant feize à dix-fept lignes en
quarré ; ces filets font au furplus mal lacés & mal
travaillés.
Cette pêche, comme on le peut remarquer par fà
manoeuvre, ne peut être que très-utile, fans pouvoir
apporter aucun dommage fur les fonds où l’on la
peut pratiquer, ne traînant point & ne pouvant jamais
arrêter de frai ni de poiffon du premier âge,
parce que les mailles qui en font larges, reftent auffi
toujours ouvertes & étendues de toute leur grandeur.
Voye{ nos PI. de Pêche.
Il y a auffi une autre forte de filets qu’on appelle
loup, & dont on fe fert dans la rivière de Loire ; ce
font les mêmes que l ’on appelle verveux dans le cay
y x v i j