ad Rojln. antiq. lib. I I . cap. xix. ( D . J. )
LEVANT le , L’ORIENT, f. m. ( Gramm. ) ces
deux mots font quelquefois fynonymes en Géographie
, comme le font le couchant & l’occident ; mais
on ne les emploie pas toujours indifféremment. Lorf-
qu’il s’agit de commerce & de navigation, on appelle
le Levant toutes les côtes d’Afie, le long de la
Méditerranée, & même toute la Turquie afiatique;
c’eft pourquoi toutes les échelles depuis Alexandrie
en Egypte, jnfqu’à la mer Noire, &c même la plupart
des îles de l’Archipel, font comprifes dans ce
qu’on nomme le Levant. Nous difons alors voyage
du Levant, marchandifes du Levant, &c, & non pas
voyage 6Y Orient, marchandifes d'Orient, à l’égard
de ces lieux-là. Cela eft fi bien établi, que par
Orienty on entend la Perfe, les Indes, Siam, le Ton-
quin, la Chine, le Japon, &c. Ainfi le Levant eft la
partie occidentale de l’A fie, & l’Orient eft tout ce
qui eft au-delà de l’Euphrate. Enfin, quand il n’eft
pas queftion de commerce & de navigation, & qu’il
s’agit d’empire & d’hiftoire ancienne , on doit toujours
dire YOrient, l’empire d'Orient y l’égtife d’O-
rient. Les anciens auteurs eccléfiaftiques , par une
licence de leur profelïïon, entendent fou vent par
YOrient y le patriarchat d’Antioche, qu’ils regqr-
doient comme la capitale de YOrient. ( D . J.')
Levant , ( Agronomie. ) eft la même chofe que
l ’orient. Ainfi on dit lefoleil eft au levant, pour dire
qu’il eft à l’orient. Voye^ Orient , Est , &c.
Il eft aufli adjeôif dans ce fens, le foleil levant.
Foyei Lever.
Levant , en Géographie, lignifie les pays fitués
à notre orient.
Ce mot fe reftreint généralement à la Méditerranée
, ou plutôt aux pays qui font fitués à l’orient
de cette mer par rapport à nous. De-là le commerce
que nous y faifons eft nommé commerce du levant :
on dit auifi vent du levant y en parlant de celui qui
fouffle au fortir du détroit de Gibraltar. Charniers.
( O ) *
Levant & C ouchant, ( Jurifprud. ) en matière
de juftice & de corvées, on ne confidere comme
fujets du feigneur que ceux qui font levans &
couchant dans l’étendue de la feigneurie. ( A )
LEUBEN, ( Géog. ) petite ville d’Allemagne, dans
la Syrie , au cerclé d’Autriche, capitale drun grand
comté, & appartenant à préfent à la maifon d’Autriche
; elle eft fur la Muer, près de G ofz, fameufe
abbaye de religieufes qui font preuve de nobleffe.
LEUC A , ( Géog. anc. ) ancienne ville d’Italie,
au pays des Salentins, voifine du promontoire japy-
gien ; c’eft préfentement fancla Maria de Leuca, dans
la terre d’Otrante. ( D . J.')
LEUCACHATE, f. f. (\HiJl. natales anciens don-
noient ce nom à une efpece d’agate, qui fuivant
cette dénomination devoit être blanche , ou du-
moins dans laquelle on remarquoit des taches ou
des veines blanches.
LEUCADE Is l e , ( Géog. anc.) en latin Leucadia,
dans Tite -L iv e , Leucas dans Florus & Ovide, &
par les Grecs modernes Leucada ; île célébré fituée
dans la mer Ionienne, fur la côte de l’Acarnanie, à
l’entrée feptentrionale du détroit qui fépare l ’île de
Çéphalonie de la terre-ferme.
On place communément l’île Leucade vers le 3 8
degré de latitude, & le 47 de longitude. Son circuit
eft de cinquante mille pas ; elle a au nord le
fameux promontoire d’Aetium, & au midi l’île de
Çéphalonie.
Elle étoit jointe originairement à la terre-ferme ;
Homere l ’a défignée par ces mots, rivage d'Epire,
ctKTtiv HVe/poTov, en donnant le nom d'E pire à tout le
continent, qui eft vis-à-vis des îles d’Ithaque & de
Çéphalonie : ce poète y met trois villes, Neritum,
Crocylée, & Agylipe.
On lit dans Pline, qu’elle a été féparée de la terre-
ferme par un coup de mer ; il eft le feul de cette
opinion, & il adopte dans un autre endroit le fenti-
ment général des hiftoriens & des géographes , qui
conviennent tous qu’une colonie de corinthiens,envoyée
par Cypfélus & Gargafus , tyrans de Corinthe
, vint s’établir fur la cote de l’Acarnanie, &
coupa l’ifthme qui joignoit le territoire de Leucade
au continent. Ils tranfporterent fur le bord du canal
qu’ils creuferent, la petite ville de Néricum ou Né-
ritum, qui étoit à l’autre bout de l’île fur le bord de
la mer, & donnèrent à cette nouvelle v ille , le nom
de Leucade, qui depuis long-tems étoit celui de la
petite contrée, & qui lui fut confervé lorfqu’on en
fit une île.
Quoique cette île ait toûjours été féparée de la
terre-ferme depuis que les Corinthiens s ’enempa-
rerent, plufieurs écrivains ont continué de lui donner
le nom de prefquîle, parce que le canal qui la fépare
du continent eft étroit, ôc qu’il n’a jamais été
fort profond.
Nous recueillons d’un paffage de Tite-Live, que
Leucade étoit encore réellement une prefqu’îie l’an
de Rome 5 57 ; & M. Dodwel conjecture qu’on n’en
fit une île , que lorfque les Romains ôterent Leucade
de la jurifdiétion de l ’Acarnanie, c’eft-à-dire l’an
de Rome 587, félon Varron; cette conjeûure eft
très-vraiffemblable. De-là vient que tous les écrivains
qui ont vécu depuis ce tems-là, l’appellent
une île. Ovide en en parlant dit :
Leucada continuam veteres habuêre coloni ,
Nunc fréta circumeunt.
On la nomme aujourd’hui Sainte-Maure. Voyez
Sainte-Maure.
Leucade , Leucas en latin, ( Géog. anc. ) par la
plupart des auteurs , excepté Florus, ville ancienne
de la prefqu’île , ou île Leucade. Elle devint très-flo-
riffante, & fut la capitale de l’Acarnanie, le chef-
lieu du pays, & celui de l ’aflemblée générale des
habitans. Auprès de cette île étoit le cap ou le promontoire
dit de Leucade , d’oîi les amans malheureux
fe précipitoient dans la mer, & fur le haut duquel
étoit bâti le temple d’Apollon Leucadien. Voye[
donc Leucade promontoire de , Géog. hiß. & Littérature.
( D . J. )
Leucade, Promontoire de ( Géog. anc. Hiß. &
Lit ter.') en latin juga Leucatoiy mons Leucatce, promontoire
d’Aearnanie, auprès de la ville de Leucade.
Détachons en partie ce que nous en dirons, d’un
difcours de M. Hardion, inféré dans le recueil des
Mém. de Littér. tom. X.
Le promontoire de Leucade étoit à l’une des extrémités
de l’île , vis-à-vis de Çéphalonie ; on l ’ap-
pelloit Leucade, Leucate, ou mont Leucadien y du mot
XtuKoç y qui fignifie blanc, à caufe de la blancheur de
fes roches. Ce nom devint celui du p ays, & enfuite
de la ville de Leucade.
Suivant le témoignage de l’auteur de l’Acméo*
nide, cité par Strabon, Leucadius fils d’Icarius, 6c
frere de Pénélope, ayant eu dans le partage des
biens de fon pere, le territoire du cap de Leucade,
donna fon tipm à ce petit domaine. D ’autres tirent
le nom de Leucade de Leucas Zacynthien, l’un des
compagnons d’Ulyfle , & prétendent que ce fut lui
qui y bâtit le temple d’Apollon. D ’autres enfin efti-
ment que le cap Leucate devoit fa dénomination à
l’avanture d’un jeune enfant appellé Leucatée, qui
s’élança du haut de cette montagne dans la mer,
pour fe dérober aux pourfuites d’Apollon.
Quoi qu’il en foit, le promontoire de Leucade
étoit terminé par une pointe qui s’avançoit 911-def
fus de la mer, & qui fe perdoit dans les nues. Le?
écrivains qui en çnt parlé, n’en ont point marqué
la hauteur précife ; ils fe fotlt côifténtés dé dire
qu’elle étoit conftamment environnée de brouillards
dans les jours mêmes les plus fereinSi
Le temple d’Apollon dont je viehs de faire mention,
étoit bâti fur le fomrnet dit promontoire, &
comme on l’appercevoit de Ioih, ceux qui riavi-
geoient dans la mer Ionienne, nemanq'uoient guère
de le reconnoître, pour s’aflurer de leur route,
fi nous en croyons le rapport de Virgile , Ænéid.
liv> I I I . v. z 7 4. 6
Mox & Leucatæ himbofa cacùmina rhontis,
E t formidatus nantis aperitur A polio.
Cependant ce n’eft pas le feul temple du fils de
Jupiter & de Latone, qui rendit célébré la montagne
de Leucate ; ce font les précipitations du haut
de cette roche éclatante, qui l’ont immortalifée.
Il falloir , fuivant uile ancienne coutume, que
tous les ans, au jour de la fête du dieu de Leucade,
l’on précipitât du haut de cette montagne quelque
criminel condamné à mort. C ’étoit un facrifice expiatoire
, que les Leucadiens offroient à Apollon
pour détourner les fléaux qui pouvoient les menacer.
II eft vrai qu’en même tems on attachoit au coupable
des aîles d’oifeaux, & même des pifeaux vi-
v an s , pour le foutenir en l’air, & rendre fa chute
moins rude. On rangeoit âu bas du précipice, de
petites chaloupes, pour tirer promptement le criminel
hors de la mer. Si on pouvoit enfuite le rappel-
ier à la v ie , on le banniffoit à perpétuité, & on le
conduifoit hors du pays.
Voilà ce qu’on faifoit par l’autorité publique, &
pour le bien de la patrie ; mais il y eut des particuliers
qui de leur propre mouvement, & dans l’ef-
perance de guérir des fureurs de l’amour, fe précipitèrent
eux-mêmes du haut de cette roche. De-là
vint que ce promontoire fut appellé le faut des
amoureux y a.Xparuv tpavFuv , fallus quo finiri amores.
créditant ejl. ,
On ne manque pas d’exemples d’amans malheu- I
reu x, qui dans le defefpoir d’aimer fans être aimés,
n’ont envifagé que la mort, poü'r fe délivrer de leurs
peines, & o n t pris les chemins les plus courts,pour
fe la procurer. L ’exécution de fi noirs projets, n’écoute
ni réflexion ni raifonnement. Il n’en eft* pas
de même du faut de Leucade, qui confiftoit à fe précipiter
du haut de cette montagne dansia m er, pour
obtenir la guérifon des tourmens de l’àmour.
Ce faut étoit regardé comme un remede fpuve-
rain, auquel on recouroit fans renoncer au plaifir
& à l’efpéranCe de vivre. On fe rendoit de fang
froid à Leucade, des pays les plus éloignés; on fe
difpofoit par des facrifices & par des offrandes, à
cette épreuve ; on s’y engageoit par un aâ e de religion,
& par une invocation à Apollon, qui faifoit
partie du voeu même ; enfin, on étoit perfuadé qu’avec
Eafliftance du dieu dont on imploroit la protec-
tion avant que d’entreprendre ce redoutable faut,
& par l’attention des perfonnes placées au bas du
précipice, pour en recevoir tous les fecours pofli-
bles à l ’inftant de la chute, on recouvreroit en cef-
fant d’aimer, la tranquillité qu’on avoit perdue.
Cette étrange recette fut accréditée par la conduite
de Jupiter, qui n’avoit trouvé, difoit-on, d’autre
remede dans là paflion pour Junon, que de def-
.cendre du c iel, & s’afl'eoir fur la roche léucadienne.
Vénus elles-meme, ajoutoient les poètes , éprouvant
après la mort de fon cher Adonis, que les feux
dont elle bruloit, devenoient chaque jour encore
plus infupportables, recourut à la fcience d’Apollon,
comme au dieu de la Médecine , pour obtenir du
Soulagement à fes maux ; il fut touché de fon trifte
é ta t , lui promit fa guérifon, 6c la mena généreu-
fement fur le promontoire de Leucade, d’oit il lui
cOnfciiiâ de fe jetter dans la mér. Élië obéit, & fut
toute furprifc au fortir de l’Onde, de fe trouver heti-
reufe & tranquille.
On ignore cependant quel niortel Ofa lé prenfiér
fuivre l’exeniple dès dieux. Sapho nous afîiire dans
la lettre oii l’aimable O vidé lui fer voit de fecrétaire,
que ce fut Deucalioh , trop fenfiblé aux charmes
dé l’indifférente Pyfrha. L’hiftoire parle de deux
| poetes qui l’iniitererit ; l’un nommé NicOftrate , fit
le faut fans aucun a-ccident, & J u t guéri de fa pajf-
fion pouf la cruelle Tettigigée ; l’autre appellé Cha-
rinus, fe caffa la cuifle, & mourut quelques heures
aprèsi
^ Notis ne façons pas mieux fi cé fut la fille de Pté-
réla , éperduement amoureiifè deCéphale; Ca lycé,
atteinte du même mal pour un jeune homme qui
s’appelloit Evathlus ; ou l’infortunée Sapho, qui
tenta la première le terrible faut de Leucate,, pour
fe délivrer dés cruels tourmens dont Phaon étoit
l’objet ; mais nous Lavons que toutes périrent vi&i-
mes de leur aveugle confiance dans le remede des
prêtres d’Apollon.
On doit être cependant moins étonné des é<*a-
remens où l’amour jérta les trois femmes que nous
venons de nommer, que de ceux où tomba depuis
une illuftre héroïne, qui. ayant partagé fa vie entre
les foins d’un état , & les pénibles, exercices de
/la guerre, ne put avec dé pareilles armes, garantit - j
fort coeur des excès d’une folle paflion, je veux parler
d’Artémife, fille de Lygdamis , & reine de Ca*
fie.
Cette princeffe dont on vante l’élévation des fct^
tiniens , la grandeur de courage, & les reffources
de l’èfprit dans les plus grands dangers, fécha d’amour
pour un jeune homme de la ville d’Abydos,
nommé Dardanus. Les prières & les proméffes fu-
rpnt vainement employées : Dardanus ne voulut
rien écouter; Artémife guidée par la rage & le dé-
fefpoir, entra dans/fa chambre, & lui creva les
yeiix. Bien-tôt une attion fi barbare lui fît horreur
à elle-même, & pour lors fes feux fe rallumèrent
avec plus de violence que jamais ; accàblée de taqÉ
de malheurs, elle crut ne pouvoir trouver de ref-
fourcë que dans le remède d’Apollon Leucadien;
mais ce remede trancha le fil de fes jours, 6c elle
fut enterrée dans l’île Leucade.
Il paroît par les exemples tirés des annales hiflo-
riques , que le faut du promontoire a.été fatal à
toutes lés femmes quïs y font expofées,& qu’il n’y
eut qu’un petit nombre d’hommes vigoureux qui le
foutinrent heureufement.
Il eft même très-vraiffemblable que fans les liens
d’un voeu redoutable que les amans çontra&oient
fur les autels d’Apollon, avant que de fubir l’épreuve
du faut, tous auroiént changé de réfblutfon.à la vûé
, du précipice, puifqu’il y en eut qui malgré cet engagement
folemnel, firent céder dans ces momens
d’effroi, le refpeft pour les dieux., à la crainte plus
forte d’une mort prefque affurée ^témoin ce lacé-
. démonien qui s’étant avancé au bord du précipice,
retourna fur fes pas, & répondit à ceux qui lui ré-
prochoient fon irréligion : « J’ignOrois que mon voeit
'» avoit befoin d’un autre voeu bien plus fort, pour
» m’engager à me précipiter ».
Enfin, les hommes éclairés par l’expérience, ne
fondèrent plus à rifquer une fi rude épreuve, que
lès temmes avoierit depuis long-tems pour toûjours
abandonnée. Alors lés miniftres du temple d’Apollon
, ne trouvant aucun,moyen de remettre en crédit
leur remede contre l ’amour, établirent feloîi
les apparences, qu’on pourroit fe racheter du faut,
en jettent une fomme d’argent dans la mer, de i’en-
droit où l’on fe précipitojt auparavant. Du-moins
cette conjecture eft fondée fur ce qu’un hiftorien